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Avant-propos

Hélène AMRIT, Gilles DUPUIS, Anna GIAUFRET, Peter KLAUS


L’AJCEEQ (Association des Jeunes Chercheurs Européens en Etudes Québécoises), dont cette publication réunit les actes du colloque de Berlin de 2013, n’a plus besoin d’être présentée. Rappelons toutefois pour mémoire qu’elle succède à l’ACELQ (Association des Jeunes Chercheurs Européens en Littérature Québécoise) fondée en 1992 par Hélène Amrit et Anna Giaufret. L’AJCELQ compte à son actif 6 colloques qui se sont déroulés entre 1993 et 2006 (deux à Paris, puis Gênes, Montréal, Innsbruck et Venise). Pour les 20 ans de l’AJCELQ, nous avons voulu poser un geste significatif. Le colloque de Berlin, qui est par conséquent la septième rencontre internationale, a inauguré une nouvelle formule en s’ouvrant à l’ensemble de la recherche en sciences humaines portant sur le Québec.

Un historique de l’Association a paru récemment (Plamondon, Puccini, Regattin, Zotti 2014). Rappelons simplement ici que les colloques de l’AJCELQ ont rassemblé quatre-vingt-deux intervenants provenant de vingt pays et que les travaux issus de ces rencontres (dont quatre ont fait l’objet de publications – voir la liste des actes en fin d’article) fournissent un panorama fidèle de la relève en littérature québécoise, et désormais, avec la publication des actes du 7e colloque, en études québécoises.

Pourquoi cette ouverture aux sciences humaines ? Pourquoi aller au-delà de la littérature ? Comme l’écrit si simplement le philosophe Michel Serres dans son opuscule intitulé Petite Poucette (SERRES, 2012) l’université peut être comparée à l’aventure du premier grand magasin parisien, le Bon Marché. En effet, le concepteur de ce magasin avait eu l’idée de créer des rayons, des étals bien agencés, ordonnés tout comme nos départements, centres de recherches. D’un côté la science, de l’autre les sciences humaines et sociales ; d’un côté les ethnologues, de l’autre les géographes ; d’un côté les littéraires, de l’autre les musicologues, etc. Toutefois, à un moment donné, Boucicaut, l’inventeur du grand magasin, constata que le succès n’était plus au rendez-vous, tout comme actuellement au sein des universités, nous constatons dans les amphis des étudiants moins à l’écoute, plus dissipés. Face à cette perte de succès, Boucicaut eut l’idée de générer un certain désordre dans son magasin.

Le disparate a des vertus que la raison ne connaît pas. Pratique et rapide, l’ordre peut emprisonner pourtant ; il favorise le mouvement mais à terme le gèle. Indispensable à l’action, la check list [dont le bon agencement disciplinaire de nos institutions en est le reflet] peut stériliser la découverte. Au contraire, de l’air pénètre dans le désordre, comme dans un appareil qui a du jeu. Or le jeu provoque l’invention. (SERRES 2012 : 44)

Alors tentons de bouleverser l’ordre universitaire et son classement. Mettons un travail de littéraire à côté de la recherche d’un géographe ; un travail d’historien à proximité de celui d’un linguiste... De jeunes chercheurs ont rencontré d’autres jeunes chercheurs issus « d’un ciel étrange et qui parlent une autre langue » (SERRES 2012 : 44). Ce colloque n’est pas tiré au cordeau, bien au contraire, et pour reprendre les termes de Michel Serres, il se veut une « mosaïque » pouvant générer un « kaléidoscope », ou, dit autrement, une « marqueterie » d’art dont le sujet représenté sous des formes multiples serait le Québec : d’où l’intitulé de notre colloque, « Le Québec : recto/verso » écrit avec, non pas un tiret, mais une barre oblique suggérant la possibilité de pivoter pour se rencontrer, de tourner pour découvrir, entr’apercevoir les multiples facettes que recèle la recherche portant sur le Québec. L’ouvrage Le Tiers-Instruit de Michel Serres rêvait déjà d’université à l’espace mêlé… réel comme un paysage ! Aujourd’hui nous espérons y parvenir grâce à vous tous.

Cette recherche sur le Québec a trouvé, de part et d’autre de l’Atlantique, des chercheurs qui ont œuvré à son développement, à son épanouissement, à l’acquisition d’une légitimité académique. C’est pour cette raison que nous avons voulu consacrer chacun de nos colloques à une personnalité qui s’est tout particulièrement distinguée pour son intérêt envers le Québec ou envers les chercheurs européens : Claude Duchet, Auguste Viatte, Gaston Miron, Pierre de Grandpré, Franca Marcato. Aujourd’hui, l’ouverture aux sciences humaines nous a imposé le nom de Pierre Savard, qui s’était intéressé de près à l’Association avant son décès en 1998. Et c’est à lui, en particulier dans ses relations avec la francophonie canadienne et les chercheurs du monde entier, que sont consacrés les deux textes de Guy Laperrière et Marcel Martel qui ouvrent ce recueil.

Les textes des jeunes chercheurs ici rassemblés pourraient tous se placer à l’intérieur de cette Poétique de la relation évoquée par Édouard Glissant (1990). En effet, toutes les contributions se construisent autour d’une relation dynamique entre deux ou plusieurs éléments : des disciplines, des formes d’art, des époques, des personnages, des auteurs... Et c’est justement cette idée de relation, cette capacité d’un texte d’en éclairer un autre, que nous avons voulu préserver, en évitant de cantonner chaque discipline dans son propre espace, afin que le lecteur puisse profiter pleinement de l’enrichissement mutuel des lectures.

C’est pourquoi nous avons procédé à l’identification de points de vue, de perspectives, de tangences insoupçonnées qui traversent les contributions et permettent de réaliser des recoupements.

La première section, « Miroirs », accueille les textes qui développent une idée de regard sur soi : « Les représentations du Moyen Âge au Québec : le rôle de l’espace muséal » d’Elsa Guyot, qui analyse la fonction identitaire de la représentation du Moyen-Âge dans les expositions et les musées québécois ; « Danser avec la Mort au Québec. Les relations du littéraire et du pictural dans l’œuvre de Sergio Kokis » de Anna Żurawska, où la parole et l’image se regardent et se répondent ; « Le “sacré gauche” chez Georges Bataille et Hubert Aquin » de Candy Hoffmann, dans lequel le mysticisme des deux auteurs entre en résonance ; « Les naissances de “l’auteur-personnage” dans le théâtre québécois des années 2000 : écouter les “voix de la création” », où Pauline Bouchet s’interroge sur les raisons qui poussent les dramaturges contemporains québécois à se mettre de plus en plus souvent en scène.

La deuxième section, « Espaces », regroupe les contributions centrées aussi bien sur un espace physique qu’économique, tel le texte d’Anastasia Lomakina, « La situation maritime du Québec comme facteur du développement régional », qui trace un portrait des côtes maritimes et fluviales du Québec, ou des espaces plus évanescents, tels la ville inscrite dans les récits de Régine Robin dans « L'exil en ville, la ville en exil : l'écriture urbaine de l'exil dans la littérature migrante » de Petr Vurm, l’espace extérieur et surtout intérieur exploré par le romancier Guillaume Vigneault dans le texte « Le voyage identitaire dans le roman québécois : Chercher le vent (2001) de Guillaume Vigneault » de Jara Rossenbach, ou encore l’espace de la variation diatopique en sociodidactique avec le texte « Environnement sociolinguistique et perception de la diatopie dans la langue cible chez les enseignants de langue étrangère » de Jonathan Merlo.

Quant à la troisième section, nous avons choisi de l’appeler « Réseaux », ce qui la place sous le signe de la relation multiple et de la relation sociale. Elle est ouverte par la contribution de Mira Ebertz qui s’attache, dans « Français québécois ? Le choix lexical d´élèves et étudiants québécois face à la question de l´avenir du français québécois », à explorer d’un point de vue sociolinguistique les usages lexicaux de jeunes locuteurs. Le texte de Megan Melanson aborde quant à lui directement la question des réseaux dans « ‘Limitée et primitive’ : une analyse des réseaux sociaux du Front de Libération du Québec », alors que les deux dernières contributions traitent des usages du sacré en littérature : Artiom Koulakov enquête sur « Le potentiel communicatif des sacres dans Sauce brune de Simon Boudreault », tandis que Sarah Bédard-Goulet analyse la représentation d’« Albertine [comme] Sainte Vierge dans l’œuvre théâtrale et romanesque de Michel Tremblay ».

Un panorama de la documentation québécoise en Europe a été établi par Stéphanie GRENIER et Anne-Sophie PASCAL. Vous pourrez découvrir qu’autour des pôles importants comme la bibliothèque Gaston Miron d’autres ressources sont à la disposition des chercheurs européens. N’hésitez pas à leur rendre visite soit virtuellement ou in situ avant de vous tourner vers le Québec.

Sommes-nous parvenus à cet espace mêlé, ce paysage dont parle Michel Serres ? C’est à vous lecteurs de le vivre. Sans appréhension ni préjugé, n’hésitez pas à voyager au gré de ces textes issus d’une recherche en sciences humaines qui s’annonce être une force vive pour les études québécoises.

Références

GLISSANT E., Poétique de la relation, Paris, Gallimard, 1990.
PUCCINI P., PLAMONDON J-F., REGATTIN F., ZOTTI V. (sous la dir. de), Actes des États Généraux des Études Québécoises en Italie et Perspectives Européennes, Bologna Odoya, 2014.
SERRES M., Petite Poucette, Paris, Le Pommier, 2012.
SERRES M., Le Tiers-Instruit, Paris, François Bourin, 1991.

Actes des colloques AJCELQ

GIAUFRET A., NOIROT-AMRIT H. (dir.), Actes du premier colloque des Jeunes Chercheurs Européens en Littérature Québécoise. Hommage à Claude Duchet, Paris, CCIFQ, 1993.
GIAUFRET A., NOIROT-AMRIT H. (dir.), Pré-actes du second colloque des Jeunes Chercheurs Européens en Littérature Québécoise. Hommage à Auguste Viatte, Paris, CCIFQ, 1996.
AMRIT H., GIAUFRET A., ZOPPI S. (dir.), Regards sur la littérature québécoise. Hommage à Gaston Miron. Actes du troisième colloque des Jeunes Chercheurs Européens en Littérature Québécoise, Roma, Bulzoni, 2001.
AMRIT H., GIAUFRET A., (dir.), De l’utopie des origines à l’éclatement de l’identité postmoderne. Actes du quatrième colloque des Jeunes Chercheurs Européens en Littérature Québécoise, Pecs, « Cahiers francophones d’Europe Centrale et Orientale », 12, 2002.
AMRIT H., GIAUFRET A., MATHIS-MOSER U. (dir.), Nouveaux regards sur la littérature québécoise. Hommage à Pierre de Grandpré. Actes du cinquième colloque des Jeunes Chercheurs Européens en Littérature Québécoise, Innsbruck, « Canadiana Oenipontana », VII, 2004.
MINELLE C., PICARD L. (dir.), Fragments critiques de littérature québécoise, « Francofonia », XXIX, 57, 2009.




Pour citer cet article :

Hélène AMRIT, Gilles DUPUIS, Anna GIAUFRET, Peter KLAUS, Avant-propos, Le Québec recto/verso, Publifarum, n. 21, pubblicato il 21/11/2014, consultato il 26/04/2024, url: http://www.farum.it/publifarum/ezine_articles.php?id=294

 

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