Michele PRANDI, Le metafore tra le figure: una mappa ragionata

di | 28 Ottobre 2022

Michele PRANDI, Le metafore tra le figure: una mappa ragionata, Torino, UTET Università, 2021, pp. 284.

L’ouvrage de Michele PRANDI propose une « mappa ragionata », considérant les principales figures de contenu, traditionnellement appelées tropes, à partir de l’oxymore, la métonymie et la synecdoque, jusqu’à la métaphore. Selon l’auteur, ces tropes élaborent une matière conceptuelle qui est fournie par les signifiés complexes et conflictuels. Le volume s’ouvre sur la prémisse « Dalla grammatica alle metafore » dans laquelle Prandi présente ses intérêts de recherche liés aux signifiés complexes et conflictuels qui relient les concepts à des relations incompatibles avec leur nature profonde, grâce à un moule linguistique qui n’est pas déformable.

L’ouvrage se compose de neuf chapitres qui guident le lecteur à travers les principales figures, grâce à l’analyse d’exemples authentiques en latin, en italien, en français, en anglais, en allemand et aussi en espagnol.

Dans le Chapitre I « Le figure del piano dell’espressione » (pp. 21-33), Prandi propose une distinction des figures qui valorisent les ressources sur le plan de l’expression, à savoir les sons, le rythme et la disposition des constituants. Les figures de son, présentées par l’auteur, sont : l’allitération, l’homéotéleute, la consonance, l’assonance et la rime. À partir des propriétés acoustiques et articulatoires des sons qui créent les phonèmes, des expériences ou des noyaux conceptuels peuvent être évoqués, et ce potentiel symbolique se manifeste dans les onomatopées comme mormorio, lugubre, nenia, tremolio (p. 23). Prandi affirme que dans les mots onomatopéiques, il y a une illusion enracinée dans le sentiment linguistique commun : les sons sont comme des porteurs de contenus spécifiques et réunissent ces contenus dans le signifié des mots dans lesquels ils entrent. En particulier, le pouvoir symbolique n’est pas une valeur inhérente aux sons, mais c’est une valeur que les sons peuvent acquérir quand ils interagissent avec le signifié des mots, dans lesquels ils apparaissent. Dans la conclusion du chapitre, Prandi présente les figures de construction telles que l’anaphore, l’épiphore, l’anadiplose, la figure étymologique, la répétition, le parallélisme, le chiasme et l’inversion qui contribuent à identifier et à transmettre le contenu d’une façon nouvelle et typique des textes poétiques.

Dans le Chapitre II « Figure del contenuto concettuale : il conflitto concettuale tra valorizzazione e creazione » (pp. 35-63), l’auteur examine les figures de contenu qui valorisent la construction des signifiés complexes et le conflit conceptuel. La première distinction proposée par Prandi concerne les figures conventionnelles et les figures créatrices. Un exemple de métaphore vive que le lecteur rencontre est L’amore è un’erba spontanea (Nievo) qui défie les piliers conceptuels du monde cohérent et familier. Un concept métaphorique conventionnel comme Stai sprecando un’ottima occasione (p. 36) acquiert un signifié additionnel par rapport à son premier signifié : le temps est vu comme une valeur que nous pouvons épargner, investir ou gaspiller et cette nouvelle acception est possible grâce à l’extension métaphorique. Les concepts métaphoriques cohérents et partagés non seulement jouent un rôle clé dans l’esprit, mais aussi ils émergent comme des constellations d’expressions métaphoriques qui apparaissent dans les discours quotidiens, dans les textes littéraires et poétiques comme l’incipit de la Divine Comédie de Dante, Nel mezzo del cammin di nostra vita / mi ritrovai per una selva oscura / che la diritta via era smarrita, où l’auteur déclenche le concept métaphorique partagé LA VIE EST UN VOYAGE. À partir de ces exemples, Prandi se penche sur les notions de cohérence et conflit. En particulier, la cohérence conceptuelle permet de distinguer les métaphores conventionnelles et les métaphores vives. Les métaphores conventionnelles sont des structures conceptuelles cohérentes et enracinées dans un patrimoine partagé. Les métaphores vives, en revanche, naissent à partir des signifiés complexes conflictuels qui défient les bases de la cohérence conceptuelle, comme dans l’expression Le soleil versait à grands flots sa lumière sur le Mont Blanc (H.-B. De Saussure), où le verbe verser nous montre la lumière qui devient un liquide. La conclusion du chapitre est consacrée à la distinction des notions de cadre, focus, teneur et sujet subsidiaire.

Le Chapitre III « Dal conflitto alle figure : contraddizione e incoerenza » (pp. 65-78) aborde la question des figures de contenu riches et complexes qui sont considérées sur la base de leur nature conflictuelle. Les formes de conflit conceptuel présentées sont la contradiction et l’incohérence. La contradiction est définie comme un conflit formel qui se fonde sur l’opposition et attribue à un même sujet deux prédicats opposés. En outre, à la base de la contradiction, il est possible d’identifier deux typologies d’opposition : une typologie de nature syntaxique et une typologie de nature lexicale. La syntaxe permet de construire des oppositions à travers l’association d’un terme à sa négation, par exemple triste et non triste (p. 66); la structure du lexique contient parmi ses paradigmes des couples de mots ayant un signifié opposé. Dans l’incohérence, sur le plan de la structure formelle, le conflit naît dans la relation syntagmatique ; sur le plan du contenu, le conflit influence la substance des concepts. Un exemple d’affirmation incohérente est La lune rêve (Baudelaire), où la lune est considérée comme un être humain et son identité ontologique d’entité inanimée est défiée. La deuxième partie du chapitre est consacrée à l’oxymore. En tant que figure de contradiction, il est distingué des figures de l’incohérence telles que la métaphore, la métonymie et la synecdoque. L’oxymore est caractérisé par sa capacité de prêter une expression formellement contradictoire à un état de choses absolument cohérent sur le plan des contenus conceptuels substantiels comme : Odi et amo (Catulle), Ardo e son di ghiaccio (Pétrarque).

Les critères grammaticaux et conceptuels qui distinguent la métaphore de la métonymie et de la synecdoque sont présentés dans le Chapitre IV « Le figure dell’incoerenza : metafora, metonimia e sineddoche » (pp. 79-95). L’auteur considère les critères grammaticaux qui sont liés à la notion de foyer : la métonymie peut relier deux référents, in absentia ou in praesentia, mais la distribution des foyers métonymiques subit des restrictions. Le foyer métaphorique, en revanche, ne présente pas de restrictions conceptuelles et il permet le transfert des concepts saturés ou non saturés. Les critères conceptuels sont liés à la typologie du conflit, aux structures paradigmatiques et syntagmatiques. Une autre distinction examinée par Prandi concerne la métonymie et la synecdoque : en effet, leur différence est basée sur la nature de la relation qu’elles peuvent activer. La métonymie se fonde sur la structure des processus simples ou complexes ; la synecdoque se focalise sur la structure complexe d’un objet individuel. Ce chapitre traite aussi l’hypallage et la synesthésie. L’hypallage, considérée comme figure de la modification oblique, a un adjectif comme foyer qui modifie le contenu d’un nom. La synesthésie est une typologie de métaphore, car elle dérive d’un transfert qui concerne différents domaines sensoriels, comme dans l’expression Ils restaient là tous deux, immobiles, muets dans le silence noir (Maupassant), où la couleur noire quitte le domaine de la vue pour entrer dans le domaine de l’ouïe.

Les Chapitres V et VI sont consacrés à la figure de la métaphore. Dans le Chapitre V « Le metafore : trasferimento, interazione, proiezione » (pp. 97-126), Prandi explore la structure des stratégies conceptuelles typiques des métaphores, à savoir le transfert, l’interaction et le degré de projection. Après avoir fourni un éventail de définitions de la métaphore, Prandi affirme qu’elle a une seule origine : un concept va au-delà de la frontière conceptuelle, il s’installe dans un domaine étranger et après son transfert, il peut créer des interactions avec les concepts qui appartiennent à ce domaine. En outre, l’interaction métaphorique est une grandeur algébrique, qui admet un solde nul, négatif ou positif. La substitution montre un solde nul, la projection est caractérisée par un solde positif, la catachrèse est présentée comme un solde négatif de l’interaction. Aux concepts de projection et d’analogie est liée la similitude qui favorise la création des parallélismes, à savoir les séquences de formes d’expression de la même structure pour la teneur et le sujet subsidiaire. L’idée d’essaim métaphorique, proposée par l’auteur, est une conséquence directe de la structure de la projection, en fait le transfert d’un seul concept crée un réseau de projections virtuelles et interconnectées. Enfin, Prandi propose des exemples d’essaim en considérant la lumière liquide dans la poésie du Romantisme anglais et dans le symbolisme français.

Le Chapitre VI « Le metafore nel pensiero e nell’espressione coerente » (pp. 127-166), propose des réflexions sur l’esprit cohérent à partir des catachrèses et des concepts métaphoriques partagés. Les concepts métaphoriques qui font partie de notre patrimoine de concepts partagés et cohérents favorisent la création d’expressions métaphoriques dans les textes, contrairement aux catachrèses. Dans les langues de spécialité, les terminologies des domaines sont ouvertes aux métaphores et aux néologismes métaphoriques. Dans les terminologies, l’emploi du terme est motivé à partir du processus de création métaphorique qui est à la base du concept. Un exemple intéressant de métaphore créative est le cas du « virus informatique », avec les termes infection, contamination, immunisé, antivirus dans la terminologie de l’informatique. Les concepts métaphoriques cohérents et partagés par une culture ou une communauté peuvent acquérir des extensions métaphoriques vers plusieurs domaines et ultérieures extensions de signifié. Dans la conclusion du chapitre, Prandi propose aussi des réflexions sur la carrière pour les métaphores vives et les concepts métaphoriques d’auteur.

Dans le Chapitre VII « Le figure nel processo di interpretazione : interpretazione letterale, non letterale e figurata » (pp. 167-211), Prandi examine, à partir de la structure grammaticale et conceptuelle de la phrase et de son signifié, la structure du texte et de l’acte communicatif afin d’étudier le processus d’interprétation des énoncés au moment où ils deviennent porteurs d’un message. En considérant la structure de l’acte communicatif et la nature inférentielle de l’interprétation des messages, le lecteur est introduit à la structure de l’interprétation littérale, non littérale et figurée. En particulier, Prandi affirme que le critère qui oriente le choix du destinataire entre une interprétation littérale ou non littérale est la cohérence textuelle, tandis que l’interprétation figurée est un niveau spécifique qui est inclus dans un processus plus ample d’interprétation non littérale. De cette façon, l’énoncé porteur d’un signifié conflictuel est interprété comme un oxymore, une métaphore ou une métonymie. Après ce panorama sur l’interprétation dans une dimension textuelle et communicative, Prandi explore le paysage de la traduction caractérisé par plusieurs typologies de métaphores qui ont des propriétés grammaticales et conceptuelles différentes. Dans la conclusion du chapitre, l’auteur considère le risque lié à la traduction des métaphores conflictuelles qui est représenté par la tentation d’interpréter au lieu de respecter le signifié conflictuel de l’expression dans le texte source.

Dans le Chapitre VIII « Figure dell’interpretazione dei messaggi » (pp. 213-232), Prandi examine les figures basées sur les dynamiques communicatives, qui jouent sur la distance entre les signifiés et les messages. Ces figures de l’interprétation des messages se fondent sur le conflit qui se développe pendant le processus d’interprétation dans un texte ou dans une situation communicative. Les figures qui font l’objet du chapitre sont dix : l’allégorie, l’hyperbole, l’ironie, la contradiction comme conflit entre locuteurs, la tautologie, la litote, la métaphore niée, la question rhétorique, la réticence et l’euphémisme. Prandi remarque que cette dernière figure comporte une rupture unilatérale du contrat communicatif : en fait l’interlocuteur ne partage pas son intention communicative, mais il la cache. À ce propos, des considérations intéressantes sur la notion de fausseté sont examinées. En fait, selon le contrat implicite, la communication peut fonctionner quand il y a une présupposition de sincérité et le destinataire n’attribue pas au locuteur l’intention de mentir. L’auteur affirme que le problème du mensonge est caractérisé par ses aspects empirique et éthique, et le rapport qui s’instaure entre la vérité de ce qui est dit, la vérité du message et la sincérité du locuteur est multiforme.

Dans le Chapitre IX « Una grammatica per le metafore, le metafore per la grammatica » (pp. 233-241) qui clôt l’ouvrage, Prandi propose une réflexion sur les bases syntaxiques qui concernent la créativité conceptuelle et sur l’idée de la langue comme moyen de création de concepts qui vient d’une analyse rigoureuse des expressions figurées et des signifiés conflictuels. Grâce au parcours offert au lecteur sur les métaphores conventionnelles et les figures vives, Prandi aborde la question de la syntaxe et du rapport entre structures syntaxiques des expressions complexes et des structures conceptuelles. La dernière partie du chapitre est consacrée à la grammaire de la créativité et aux conceptions fonctionnelles de la langue, vue comme une hiérarchie de structures phonologiques, grammaticales et sémantiques impliquées dans une hiérarchie de fonctions partagées. En particulier, la perspective fonctionnelle de la langue peut dévoiler les secrets de la créativité conceptuelle des expressions linguistiques. Enfin, Prandi affirme que les langues humaines ne sont pas prisonnières des fonctions instrumentales, mais elles sont riches et versatiles dans leur forme, mais en même temps, le langage cache la complexité de ses structures et son potentiel créatif.

[Gloria ZANELLA]