Michele PRANDI, Micaela ROSSI (éds.), Researching Metaphors. Towards a Comprehensive Account

di | 15 Febbraio 2023

Michele PRANDI, Micaela ROSSI (éds.), Researching Metaphors. Towards a Comprehensive Account, New York, Routledge, 2022, pp. 272.

Cet ouvrage édité par Michele PRANDI et Micaela ROSSI rassemble treize contributions qui explorent les présuppositions de l’approche cognitive. Le rôle des métaphores créatives dans la pensée et l’action forme l’objet principal des contributions, notamment à propos de la relation entre les formes linguistiques et les structures conceptuelles. Le volume, écrit en anglais, est de grand intérêt pour la recherche puisqu’il offre un cadre théorique et méthodologique unitaire et en même temps propose des études sur les métaphores créatives ou conventionnelles issue de différents domaines, qui vont de la science à la poésie, des langues de spécialité à la philosophie.

Le premier volet de l’ouvrage est intitulé « Bridging conventional and living metaphors » et il comprend cinq contributions.

Zoltán KÖVECSES (« Some recent issues in conceptual metaphor theory », pp. 27-40) propose cinq questions qui guident la réflexion dans le chapitre. D’abord, la première question se penche sur les domaines abstraits et leur compréhension au sens figuré : « Is it the case that only abstract domains are understood figuratively, or can concrete ones also be understood figuratively ?  ». Ensuite, la deuxième question concerne les métaphores conceptuelles : « Do conceptual metaphors emerge directly or indirectly from experience ? ». Puis, la troisième question focalise l’intérêt sur le rôle des structures conceptuelles dans les métaphores conceptuelles : « What are the conceptual structures that participate in conceptual metaphors (domains, frames, image schemas or mental spaces) ? ». En outre, la quatrième question propose une réflexion sur les métaphores conceptuelles et leur aspect conceptuel ou aussi contextuel : « Are conceptual metaphors really only “conceptual” or are they “contextual” as well ? ». Enfin, la cinquième question traite l’aspect de la théorie des métaphores conceptuelles qui est en même temps « hors ligne » et « en ligne » : « Can we have a theory of conceptual metaphors that is both “offline” and “online ? ».

Dans sa contribution, Marco FASCIOLO (« Creative metaphors and conceptual conflicts : The requirements of consistency as ontological presuppositions », pp. 41-58) se penche d’abord sur la notion de créativité et sur la distinction entre les métaphores créatives et les métaphores conceptuelles. Ensuite, l’auteur introduit les solidarités lexicales, la sous-catégorisation stricte, les restrictions de sélection et les modèles cognitifs. Les solidarités lexicales font partie de la structure formelle du lexique, elles sont des relations paradigmatiques et pour cette raison elles affectent la distribution. L’auteur considère quatre points qui définissent la saillance des restrictions de sélection : 1. « selectional restrictions are the counterpart of strict subcategorization » ; 2. « selectional restrictions are (like strict subcategorization) necessary conditions for meaning ; if they are violated, there is no meaning »; 3. « selectional restrictions are not formal but are material, substantive in character » ; 4. « selectional restrictions belong to the lexicon, or semantics » (p. 45). Enfin, le modèle cognitif est envisagé comme un prototype situé au niveau des entités de deuxième ordre « second-order entities ».

Michele PRANDI (« Formal syntax and textual coherence: Two wellsprings for conceptual conflicts », pp. 59-75) aborde la question des métaphores vives et des significations conflictuelles et complexes. L’auteur distingue la cohérence conceptuelle et la cohérence textuelle, identifiant la première comme une propriété négative du sens de la phrase puisqu’elle indique l’absence de conflit et de contradiction ; en revanche, la cohérence textuelle est une propriété positive de la relation parmi le contenu d’un énoncé et le texte qui le contient. À travers l’exemple The woods laugh, l’auteur propose une structure conceptuelle à plusieurs niveaux qui explique le cadre « the woods » et le focus, à savoir le verbe « laugh ». La dernière partie de la contribution est consacrée à la perspective multifactorielle à propos de la métaphore et de la métonymie. Cette dernière est considérée comme le résultat de la pensée cohérente et l’auteur affirme que « All metaphors are differentiated from all metonymies along the parameter that sets up an opposition between conceptual transfer and consistent connection » (p. 71).

Pour sa part, Richard TRIM (« Hidden reference in the creation of metaphor », pp. 76-89) se propose de réfléchir sur la notion de référence qui est à la base de la création des métaphores et sur les modèles conventionnels de la compréhension liés, d’un côté, au monde réel de la conceptualisation des objets concrets et, de l’autre, au monde imaginaire créé par l’esprit de l’écrivain. L’auteur introduit aussi la notion de « référence cachée/hidden reference » et il considère cet aspect dans le discours littéraire. L’auteur explore aussi la métaphore conceptuelle L’AMOUR EST LA MORT dans la littérature comme dans Tristan et Iseult, Roméo et Juliette, Antoine et Cléopâtre et Pyrame et Thisbé dans les Métamorphoses d’Ovide. L’étude examine aussi la théorie de la référence cachée de la métaphore conceptuelle L’AMOUR EST LA MORT en prenant en considération les œuvres de D. H. Lawrence. Enfin, selon l’auteur « it is possible to propose hidden reference theory associated with biographical considerations which goes beyond textual reference in metaphor mappings » (p. 87).

Francesca STRIK LIEVERS (« Types of metaphors and their structure : Annotation guidelines between theory and practice », pp. 90-106) présente une procédure pour l’annotation manuelle des différentes typologies de métaphores et de leur structure. La contribution propose non seulement un cadre théorique riche et intéressant, mais aussi des exemples d’application de la procédure d’annotation. En particulier, cette procédure implique douze étapes : le texte, le genre du texte, la métaphore, l’identifiant de la métaphore, l’extension de la métaphore, la typologie de métaphore, le concept cohérent, la créativité, le cadre, le focus, le concept caché du focus et le concept caché du cadre. Dans son analyse, l’auteure considère des exemples tirés de l’œuvre Les Deux Gentilshommes de Vérone de Shakespeare. Enfin, la présence des essaims métaphoriques et le lien entre les métaphores sont explicités par les identifiants, par exemple la métaphore m1_1 et la métaphore m1_2 sont tous les deux reliées à la métaphore m1.

Le deuxième volet de l’ouvrage déplace l’attention vers les « Conventional and creative metaphors in special concepts and terms » et il est constitué de quatre contributions.

Rita TEMMERMAN (« Terminological metaphors: Framing for better and for worse … », pp. 109-130) se penche sur les aspects liés à la création métaphorique du terme dans les domaines de la biologie moléculaire et de l’écologie. En particulier, l’auteure se concentre sur le processus dynamique de la compréhension de l’ADN, de l’ARNm, de la synthèse des protéines, du « splicéosome » et sur une étude de cas qui concerne le domaine de la métaphore L’ÉCOLOGIE EST UNE GUERRE. Dans son analyse, l’auteure identifie l’UoU « unit of understanding » formulée dans les textes et le cas de « splicéosome » est un exemple de cadrage métaphorique lié à la création néologique et au processus de compréhension, après les découvertes dans le domaine de la biologie moléculaire. En outre, à l’intérieur du domaine de la métaphore L’ÉCOLOGIE EST UNE GUERRE, l’auteure se focalise sur le détournement potentiellement dangereux de la discipline de l’écologie d’invasion car souvent les métaphores de la guerre sont utilisées pour les espèces non indigènes « envahissantes » qui donnent lieu aussi au domaine métaphorique LES ESPÈCES EXOTIQUES SONT DES ENVAHISSEURS QUI DOIVENT ÊTRE ÉLIMINÉS.

Micaela ROSSI (« Creating metaphors in specialised languages : Choice criteria for the success of metaphorical terms », pp. 131-146) aborde la question des métaphores dans les langues de spécialité et le rôle de la créativité au moment de la création des métaphores scientifiques. La terminologie dans le domaine de la finance offre des concepts métaphoriques partagés et cohérents comme LA FINANCE EST UN JEU qui crée des clusters terminologiques comme hit-and-run, blue chip et hail Mary. L’auteure se propose de décrire un cadre général des facteurs tels que le parcours de création, les communautés discursives, la variation culturelle, la disponibilité et l’opportunité qui influencent le résultat de l’interaction métaphorique et qui permettent la création des différentes typologies de termes métaphoriques. Enfin, pour ce qui concerne la formation terminologique secondaire, l’auteure propose des exemples de stratégies de traduction des métaphores, considérant les exemples : housekeeping gene/gène domestique, structural annotation/annotation syntaxique, homing/écotropisme, pseudogene/gène silencieux.

Catherine RESCHE (« Reflections on metaphors and models in connection with theory building in economics », pp. 147-159) propose une étude sur les rôles et les fonctions des métaphores et des modèles dans les constructions théoriques dans le domaine de l’économie. L’auteure remarque l’aspect productif des métaphores citant la main invisible d’Adam Smith comme source d’inspiration pour les métaphores constitutives des théories, par exemple : invisible handshake de Okun (1980), invisible foot de Brock et Magee (1984), grabbing hand de Schleifer et Vishny (1999), invisible fist de Brown (1999), heavy hand et invisible heart de Roberts (2001), dead hand de Lindsey (2001), et green thumb de Nadeau (2003). L’auteure propose aussi un exemple de modèle, à travers la machine de Phillips connue comme Moniac (Monetary National Income Analogue Computer) qui a été construite pour visualiser le mouvement circulaire de l’argent dans le système économique et qui donne lieu à la métaphore constitutive de la théorie L’ÉCONOMIE EST UNE MACHINE.

Chiara FEDRIANI (« Specialized concepts and the career of metaphors : The diachronic development of anger is a hot fluid and love is a journey from Latin to Old Italian », pp. 160-183) examine la notion de carrière considérant deux mappings métaphoriques, à savoir LA COLÈRE EST UN LIQUIDE CHAUD DANS UN RÉCIPIENT et L’AMOUR EST UN VOYAGE, à travers une perspective diachronique qui est basée sur le support empirique des données historiques en latin et en ancien italien.

La troisième partie de l’ouvrage est dédiée aux « Living and conventional metaphors in use : texts, discourses, genres, translation » et elle comprend quatre contributions.

Raymond W. GIBBS et Carina RASSE (« Metaphor in understanding literary characters », pp. 185-203) se focalisent sur le rôle joué par la métaphore dans les œuvres littéraires, puisque le langage métaphorique permet aux lecteurs des aperçus imaginatifs à propos des émotions, des pensées et des actions des personnages. La compréhension des personnages littéraires a lieu grâce au processus métaphorique qui permet aux lecteurs de se considérer comme une autre personne, en fait les auteurs remarquent « This ability to think of one thing (“I”) as another (“You”) » (p. 188). En particulier, les lecteurs peuvent créer une connexion métaphorique entre eux-mêmes et les personnages fictifs. Les auteurs réfléchissent sur l’importance de la relation métaphorique « Moi est Toi » et « Moi est un autre » qui crée une similitude entre la vie réelle des lecteurs et les personnages littéraires comme Holden Caulfield de l’œuvre L’Attrape-cœurs/The Catcher in the Rye, de J.D. Salinger. Enfin, les auteurs affirment que « Our experiences of metaphor in literature, more generally, are especially guided by embodied simulation processes in ways different from those seen in everyday life » (p. 200).

La contribution de Marc BONHOMME (« The driving role of stereotypy in proverbial metaphors », pp. 204-222) se consacre au rôle joué par les métaphores dans les proverbes. En comparant deux proverbes : « Celui qui ne s’aventure n’a ni cheval ni voiture » et « Qui ne risque rien n’a rien », l’auteur remarque que la métaphore n’est pas une simple question de style. En fait le premier proverbe contient une image métaphorique plus frappante par rapport au deuxième exemple. À travers une perspective cognitive, l’auteur considère les métaphores proverbiales comme des figures sociolectales partagées par le public le plus large. L’étude propose une recherche sur le rôle moteur de la stéréotypie dans les métaphores proverbiales grâce à trois perspectives complémentaires : d’abord, l’observation de la centralité de la stéréotypie au niveau des configurations métaphoriques dans les proverbes à travers leur rigidité stéréotypée ; ensuite, l’élaboration de la stéréotypie à l’intérieur du proverbe ; enfin, la démonstration que les stéréotypies sont étendues par une stéréotypie argumentative quand elles sont situées en contexte.

Elisabetta ZURRU (« Social movements and metaphor : The case of #FridaysForFuture », pp. 223-243) s’intéresse à l’aspect spécifique des métaphores utilisées comme stratégies communicatives dans le mouvement social #FridaysForFuture (FFF). L’analyse qualitative des trois exemples en anglais tirés d’un corpus de tweets et d’images montre des métaphores qui sensibilisent au changement climatique, à l’émergence environnementale et à la protestation engagée à l’échelle mondiale.

Dans la contribution qui clôt l’ouvrage, Ilaria RIZZATO (« Shakespeare’s metaphorical swarms in The Two Gentlemen of Verona : Textual and pragmatic features and their impact on the Italian translation », pp. 244-259) se penche sur le langage figuratif et sur les « essaims métaphoriques » de la comédie Les Deux Gentilshommes de Vérone de William Shakespeare. À travers un modèle innovant pour l’analyse des métaphores, l’auteure propose des essaims métaphoriques détectés dans la pièce en anglais qui jouent un rôle clé au moment de la traduction en italien.

[Gloria ZANELLA]