Vincenzo LAMBERTINI, Che cos’è un proverbio

di | 18 Ottobre 2022

Vincenzo Lambertini, Che cos’è un proverbio, Carocci, Roma, 2022, 142 pp.

Dans Che cos’è un proverbio Vincenzo Lambertini explore un objet multiforme dont tout le monde a déjà entendu parler, mais qui est pourtant très difficile à cerner. S’il est vrai, en effet, que quiconque connaît au moins un proverbe dans sa propre langue maternelle, il est vrai aussi qu’il n’existe pas encore une définition qui fasse l’unanimité. Cela engendre une confusion que les experts ne manquent pas de souligner, et que Lambertini cherche à dissiper en s’appuyant sur ses recherches doctorales en linguistique française.

L’ouvrage s’ouvre sur une Préface où l’auteur commence par justifier le sens d’une étude des proverbes aujourd’hui. Dans ces pages inaugurales, Lambertini anticipe ses deux principes inspirateurs – la dimension linguistique et l’interdisciplinarité – outre la composante comparative qui se dégagera de deux de ses quatre chapitres, ceux-ci étant répartis selon un ordre logique. Le premier permet en effet d’apprivoiser les proverbes à travers leurs multiples définitions, alors que le deuxième remonte le cours du temps et retrace leurs origines, dans le but de bien comprendre où ils en sont aujourd’hui et de formuler quelques hypothèses sur leur futur, ce qui fait l’objet des deux derniers chapitres.

Comme son titre l’indique (Un oggetto, tante sfacettature, pp. 11-25), le Ch. I vise à initier le lecteur à un objet aux multiples facettes. Pour ce faire, Lambertini mise sur la présence des proverbes à la télévision, en montrant à quel point cet objet linguistique fait partie du quotidien de ses lecteurs ; puis il les conduit progressivement dans son étude de parémiologie, un premier terme technique qu’il ne manque pas de leur expliquer en renvoyant au glossaire final. L’attention de l’auteur se concentre avant tout sur les définitions de proverbe, qu’il problématise en se basant à la fois sur des études internationales et sur les préfaces de quatre dictionnaires italiens et français. Il passe ensuite en revue trois approches du proverbe – folklorique, linguistique et interdisciplinaire – et termine en soulignant l’apport des nouvelles technologies pour l’étude de cet objet ancien, tout particulièrement pour accéder à de grandes quantités de données écrites et orales, pour rendre observables des phénomènes autrement invisibles, et pour peaufiner les outils de catégorisation et de repérage des proverbes.

Le Ch. II, intitulé Storia e definizione di proverbio (pp. 27-67),propose trois volets qui n’étaient pas présents dans la thèse de Doctorat de Lambertini et qui témoignent de l’ampleur du remaniement qu’il a fait pour produire un ouvrage destiné à un public beaucoup plus vaste. Ce voyage dans les origines et l’évolution des proverbes s’avère nécessaire pour mieux comprendre leur condition actuelle (p. 27) et c’est grâce à des allers-retours dans leur histoire que l’auteur pose les jalons d’une discussion plutôt technique sur leurs critères définitoires, c’est-à-dire sur les conditions sine qua non qu’un objet linguistique doit respecter pour être considéré un proverbe. Tout en étant sans nul doute le plus difficile à lire pour des non-experts, ce deuxième chapitre accompagne tout de même ses lecteurs à travers de nombreux exemples (principalement en italien, mais aussi en anglais, espagnol, français et portugais), l’organisation en plusieurs sections et sous-sections aux titres transparents (2.1. Il proverbio dall’antichità a oggi, 2.2. Come definire il proverbio, 2.3. Il proverbio è “almeno” una frase), et la présence de petites parenthèses témoignant du souci pédagogique de l’auteur, qui ne cesse d’être un enseignant de FLE et donc de considérer le revers didactique de ses études linguistiques.

Une fois établi que le proverbe est au minimum une phrase et décrit de quel type de phrase il s’agit, dans le Ch. III Lambertini nous fait part de sa connaissance des textes de référence sur les proverbes (section 3.1), des méthodes pouvant être adoptées pour les collecter (section 3.2), outre que des critères de catégorisation utilisés dans six dictionnaires – trois italiens et trois français – en version papier (section 3.3). Intitulé Cacciatori e raccoglitori di proverbi (pp. 69-93), ce troisième chapitre est plus directement lié à la thèse de Doctorat que Lambertini a soutenu en 2016 et qui portait sur une approche linguistique et corpus-driven à l’étude des proverbes italiens et français. Quoique l’auteur y ait introduit quelques exemples venant d’autres pays, ce sont l’Italie et la France qui occupent tout le devant de la scène, tant dans les trois sections évoquées plus haut que dans les deux dernières. Dans la section 3.4 (intitulée Dizionari e proverbi in uso), Lambertini compare des proverbes couramment utilisés dans les deux pays en se basant à la fois sur des dictionnaires en papier et sur les corpus itWaC et frWaC. En prenant l’exemple des catégories de la ‘peur’ et de la ‘pauvreté’, étant omniprésentes dans toutes les ressources imprimées et numérisées, l’auteur montre l’écart qui existe entre le nombre de proverbes recensés par les dictionnaires français et italiens et le nombre de proverbes qui sont effectivement utilisés par les locuteurs de ces deux langues. Dans la section 3.5 (Risorse elettroniche: una sfida tutta da raccogliere) l’auteur démontre pourquoi les nouvelles technologies ne sont pas encore à même de résoudre tous les problèmes de catégorisation qui se posent pour les dictionnaires, dont l’analyse approfondie s’avère donc « fondamentale nella costruzione delle nuove risorse elettroniche, al fine di evitare gli stessi errori » (p. 93).

Dans le Ch. IV, intitulé Il proverbio ai nostri giorni (pp. 95-123), Lambertini passe de l’approche intralinguistique du chapitre trois à une véritable démarche interlinguistique. Les proverbes italiens et français n’y sont donc plus analysés séparément, en comparant plusieurs types de ressources disponibles de part et d’autre des Alpes, mais de façon comparée. Pour le dire avec les mots de l’auteur, qui anticipe ses intentions, « Nel capitolo utilizzeremo i corpora comparabili itWaC e frWaC […] per estrarre proverbi in uso in italiano e in francese : il confronto tra proverbi di lingue diverse consente di evidenziare aspetti che sarebbero più difficili da cogliere in una prospettiva intralinguistica e intraculturale » (pp. 95-96). En endossant sa casquette d’enseignant, Lambertini nous montre ici l’utilité d’une telle démarche comparative pour les apprenants du FLE. Il ne se borne pas à présenter des arguments convaincants (« I proverbi, lo sappiamo, costituiscono uno degli ostacoli nell’apprendimento della lingua straniera e, in un’ottica di ottimizzazione di tempo e sforzi, è più utile fornire agli apprendenti un campione più ristretto di proverbi in uso piuttosto che un insieme più ampio che abbracci anche proverbi desueti o non molto frequenti », p. 98), mais il nous offre également le fruit d’une méthodologie rigoureuse de sélection, sous la forme d’un tableau qui – de pair avec les listes en annexe – peut directement se prêter à plusieurs nécessités. « A seconda delle proprie esigenze, il lettore potrà servirsene per raggiungere gli scopi più disparati: dall’apprendimento di proverbi in uso alla modifica degli stessi per finalità ironiche o retoriche, alla loro analisi per ragioni di ricerca, finanche al loro ritrovamento in altri corpora o testi per ulteriori indagini linguistiche, paremiologiche, culturali ecc. » (p. 129). Dans la toute dernière partie du quatrième chapitre, Lambertini avance enfin quelques hypothèses sur le futur des proverbes. Tout en admettant l’impossibilité de prévoir quels proverbes seront créés demain, l’auteur considère que l’on peut tout de même avancer des hypothèses, en analysant les proverbes « potentiels » (p. 108) qui circulent aujourd’hui. Il porte donc plusieurs exemples qui se dégagent du contexte économique, social et global de l’heure actuelle et que nous retrouvons tant dans la presse et la publicité écrites, que dans la communication orale, surtout dans le domaine politique.

La conclusion de l’ouvrage résume la façon dont Lambertini a fait le tour d’un sujet parfois considéré comme obsolète, alors qu’il est pleinement actuel, tant dans la vie quotidienne que dans la recherche scientifique. L’auteur y souligne une dernière fois en quoi la dimension interlinguistique et interculturelle peut ouvrir des perspectives et des réflexions inédites sur un objet d’étude qui ne peut être appréhendé qu’à travers une démarche interdisciplinaire. Ce n’est donc pas un hasard si la bibliographie qui clôt l’ouvrage affiche une prépondérance de références en italien et en français, mais témoigne aussi d’autres fréquentations dépassant les frontières linguistiques et disciplinaires.

[Natacha NIEMANTS]