Julie MAKRI-MOREL, Pascaline DURY, Vincent RENNER (éds.), Perception, réception et jugement des néologismes

di | 6 Luglio 2022

Julie Makri-Morel, Pascaline Dury, Vincent Renner (éds.), Perception, réception et jugement des néologismes, Neologica, 2020, n° 14, pp. 274.

Ce numéro de Neologica est ouvert par un hommage que Ieda Maria ALVES a dédié à Maria Teresa LINO, qui nous a quittés le 28 décembre 2019, à Lisbonne. 

La première partie, Perception, réception et jugement des néologismes, est introduite par Julie Makri-Morel dans une Présentation qui met l’accent sur Le rôle des locuteurs en néologie lexicale (pp. 17-23) et sur les apports de la prise de conscience de ce rôle dans les études qui s’intéressent au traitement, à la diffusion et à l’implantation des néologismes. Les articles rassemblés portent donc sur les nouvelles pistes de réflexion autour de la réception et du jugement des néologismes de la part des locuteurs.

Partant du constat que les innovations lexicales peuvent être plus ou moins perceptibles, Esme WINTER-FROEMEL (Les néologismes, un sous-type de l’innovation lexicale. Réflexions à partir d’études de corpus généraux dans trois langues romanes, pp. 25-46) prend en considération la perception et les jugements des locuteurs – portés aux fonctions dénotatives et désignationnelles ainsi qu’aux fonctions connotatives et esthétiques des néologismes. En particulier, se fondant sur des témoignages documentés dans des corpus généraux et diachroniques du français, de l’italien et de l’espagnol, l’auteure analyse les façons dont les occurrences du terme « néologisme » et de ses équivalents sont employées dans les corpus, pour mettre en relief que, pour les locuteurs, les néologismes sont considérés comme des unités particulières du lexique, comme un sous-ensemble des innovations lexicales, car ils sont clairement perçus et provoquent des réactions évaluatives fortes.

Dans Néologicité et dictionnarisabilité. Deux conditions inverses ? (pp. 47-60), Elisenda BERNAL, Judit FREIXA, Sergi TORNER s’interrogent sur le rapport inverse entre néologicité et dictionnarisabilité (cette dernière étant basée sur certains critères comme fréquence, stabilité d’usage, représentativité dans les différents registres et variétés, constitution de chaines dérivationnelles, etc.) selon lequel plus la valeur néologique est grande, plus la probabilité d’incorporation d’un néologisme dans un dictionnaire est faible. Les auteurs ont soumis à 104 informateurs un test pilote dans le but d’obtenir des informations sur ce que les locuteurs considèrent comme néologique et dictionnarisable. Les résultats ont permis pour le moment de différencier entre modèles de néologicité positive ou négative, sur la base de trois paramètres de néologicité : ancienneté, fréquence et transgression, et d’observer la relation que ces modèles entretiennent avec la dictionnarisabilité.

Dans les communautés linguistiques minoritaires historiques isolées et dépourvues de « langue-toit », toute intervention néologique s’avère être délicate en ce qu’elle peut en remettre en cause le statut et provoquer des conflits et des débats. C’est à ce sujet, et notamment au franco-provençal des Pouilles (FRPP), que Giovanni AGRESTI et Daniela PUOLATO consacrent leur article, Mettre à jour une langue minoritaire. Le franco-provençal des Pouilles : stratégies et enjeux néologiques, pp. 61-81. Les auteurs décrivent, d’un côté, leurs enquêtes portant sur la néologie spontanée mise en œuvre par la population locale afin de lutter contre le risque de disparition et, de l’autre côté, les démarches aménagistes qui mettent de l’ordre dans la néologie spontanée, en particulier par l’insertion du FRPP dans un régime trilingue, avec l’italien et le français.

Franck SAJOUS, Amélie JOSSELIN-LERAY, Nabil HATHOUT (Les domaines de spécialité dans les dictionnaires généraux. Le lexique de l’informatique analysé par les foules et par les professionnels… de la lexicographie, pp. 83-107) comparent le traitement du domaine spécialisé de l’informatique dans des dictionnaires généraux rédigés par des lexicographes experts (Petit Robert, Grand Robert et Grand Dictionnaire Terminologique) et par des amateurs (Wiktionnaire, Urban Dictionary et Le Jargon Français) dans le but de faire ressortir les caractéristiques des dictionnaires étudiés (nomenclatures, marques de domaine, nouvelles entrées et buzzwords, délais d’inclusion) et d’établir lesquels offrent la description la plus pertinente de la discipline en question. Il résulte que les dictionnaires participatifs bénéficient de l’expertise des contributeurs et que leurs définitions précises et approfondies les rendent des concurrents sérieux au dictionnaire traditionnel.

Pour leur part, les terminologues Julie ANDREU et Nathalie LANCKRIET se penchent sur les nouveaux noms de métiers et d’activités (Description et analyse de nouveaux noms de métiers et d’activités dans le cadre d’une politique d’aménagement linguistique, pp. 109-126), et notamment sur leur aménagement dans le cadre des travaux du dispositif d’enrichissement de la langue française (DELF) dans les domaines économiques, scientifiques et techniques. À partir de l’analyse d’un échantillon extrait du corpus des travaux du DELF (constitué de 237 candidats-termes tirés de FranceTerme), les auteures décrivent la pratique néologique que ce dispositif applique aux néologismes qu’il propose : compositions syntagmatiques, suffixation, et moins fréquemment composition, néologie sémantique, emprunt, siglaison et conversion. Il n’empêche que les travaux du DELF nécessitent par la suite que les termes proposés soient diffusés largement par les professionnels concernés, pour arriver finalement à l’implantation dans l’usage.

Dans Emprunts et néologismes autochtones. Comparaison de leur place respective et de leur réception (pp. 127-143), Jean-François SABLAYROLLES examine la place de l’emprunt au sein des procédés néologiques en français. Les approches à cet égard varient de l’inclusion à l’opposition entre les deux instances, jusqu’à la disparition de l’emprunt. Après avoir discuté des problèmes généraux liés à ce sujet, en particulier du fait que la dichotomie matrices internes vs externe (emprunt) est préférable à la tripartition traditionnelle entre néologisme formel, sémantique et emprunt, l’auteur montre que l’emprunt n’est pas le seul résultat du contact de langues, lequel se manifeste également par d’autres influences externes, et propose ensuite des remarques sur la néologie et sur les emprunts, ainsi que sur leurs classements et leur réception.

Comme l’indique le titre de son article, L’hypostatisation des occasionalismes poétiques dans la littérature pour la jeunesse ou l’innovation lexicale suffit-elle à poser l’existence d’une entité fictive ? (pp. 145-166), Cécile POIX observe qu’il suffit d’inventer un mot dans un livre pour enfants pour que le lecteur conçoive une entité imaginaire, tout en différenciant entre les néologismes et les occasionalismes ad hoc, qui revêtent plusieurs fonctions communicationnelles dans les textes littéraires pour la jeunesse, dont l’hypostatisation. L’auteure se penche en particulier sur cette fonction conceptuelle et montre non seulement les procédés de lexicogenèse qu’elle adopte (formation à partir du lexique potentiel, par analogie ou création ex nihilo), mais aussi les signalements (typographie ou commentaire) qui accompagnent les occasionalismes et permettent au lecteur d’appréhender une réalité fictive.

La section Varia (deuxième partie) comprend deux articles sur l’espagnol : Ona DOMÈNECH-BAGARIA, Las palabras nuevas de los usuarios de Twitter. Tendencias y singularidades, pp. 169-184, et Ausana GUERRERO SALAZAR, Principales sufijos en la creación de neologismos tendenciosos en los titulares deportivos de la prensa española, pp. 185-202 ; et une étude contrastive par Giovanni TALLARICO et John HUMBLEY (Quelle néologie pour l’œnotourisme ? Stratégies françaises et italiennes en confrontation, pp. 203-223) selon qui, dans les deux pays, les termes de l’œnologie, de l’œnogastronomie et de la viticulture constituent la base lexicale traditionnelle, tandis que les mots nouveaux sont plutôt liés aux domaines du tourisme émergent et de sa promotion. Les auteurs, qui ont travaillé sur un corpus de néologismes tirés de Néoveille, étudient les stratégies néologiques mises en œuvre dans les deux pays, observent le passage du xénisme à l’emprunt, plus avancé en Italie, et soulignent les aspects contrastifs. En particulier, l’antériorité chronologique de cette expérience et une offre touristique plus diversifiée en Italie par rapport à la France semblent justifier une présence plus importante de néologismes, surtout anglicisants, encore augmentée à cause du fait que l’italien se sert de l’anglais aussi comme langue d’affichage.

Le numéro est enrichi par une troisième partie, intitulée Rubriques, qui contient les Actualités de la néologie (pp. 227-233) et la Bibliographie de la néologie (pp. 235-257) par John HUMBLEY ; et par une quatrième partie de Comptes rendus (pp. 261-268).

[Chiara PREITE]

Lascia un commento

Il tuo indirizzo email non sarà pubblicato. I campi obbligatori sono contrassegnati *