Francine GERHARD-Krait, Maria Zerva (éds.), La catégorisation et ses fluctuations formelles et interprétatives : focus sur l’approximation

di | 1 Novembre 2023

Francine GERHARD-Krait, Maria Zerva (éds.), La catégorisation et ses fluctuations formelles et interprétatives : focus sur l’approximation, Langages, n° 229, 2023.

Cette publication est issue du Colloque « Catégorisation claire vs approximative : à la recherche d’indices de différenciation » organisé par l’Université de Strasbourg le 3-4 octobre 2019.

Le numéro de la revue Langages paru en mars 2023 s’ouvre par une introduction fort fouillée que les autrices et coordonnatrices du numéro Francine GERHARD-KRAIT et Maria ZERVA nous livrent ; son titre est : « La catégorisation et ses fluctuations formelles et interprétatives : focus sur l’approximation ». La catégorisation peut être présentée comme une opération cognitive omniprésente, sans doute banale mais de première importance lorsqu’il s’agit de classer, cataloguer, ranger, définir, identifier, nommer, etc… Pourtant, à l’heure actuelle, où de nombreuses positions théoriques ont été proposées, un consensus n’est pas atteint ni sur le processus de catégorisation ni sur ses manifestations et son fonctionnement linguistique. Ainsi, de nombreuses questions restent ouvertes : – la validité des modèles théoriques et leur capacité à rendre compte des modes de catégorisation ; – l’imbroglio terminologique qui ne permet pas de savoir si l’approximation est conçue comme une forme de catégorisation ; – le nombre et la nature des expressions linguistiques qui en relèvent avec une attention pour le nom métalinguistique ; – les modalités qui président aux orientations interprétatives, mais aussi les dimensions sémantiques ou pragmatiques où les lectures s’élaborent. Pour de multiples raisons, parmi lesquelles la question du vague et la catégorisation d’une lecture claire / d’approximation, il est nécessaire de prendre en compte tous les paramètres qui sont censés spécifier le processus de la catégorisation. Celle-ci est abordée à partir de ses configurations formelles : 1. Catégorisation sans marques (X être Y); 2. Emploi des N métalinguistiques (approximateurs ou catégorisateurs ) comme espèce, genre, sorte, type ; 3. Catégorisation engagée dans les expressions consacrées à d’autres notions : comme, par exemple, etc…; 4. Configurations syntaxiques dites nouvelles des termes métalinguistique catégorisateurs et/ou approximateurs : style, genre, type…  .

Les sept contributions du volume illustrent et éclairent certaines questions données dans l’introduction. En ouverture du numéro, la contribution de Danièle VAN DE VELDE nous plonge dans la sphère des N d’affect, catégorie où règne le vague. Elle se concentre sur l’expression sentiment de N, à savoir le N d’affect (sentiment d’amour) ou bien celui d’une situation externe à l’affect (sentiment d’abandon). L’expression sentiment de N peut permettre la création d’affects nouveaux par mélange et donc elle sert à augmenter le renforcement du vague (un sentiment d’amour et de haïne).

Francine GERHARD-KRAIT, Marie LAMMERT, Hélène VASSILIADU et Maria ZERVA s’intéressent à l’unité simili(-) qui présentedes particularités d’emploi liées à différents domaines de la linguistique. Il est considéré comme formant de mots construits, formant d’occasionalismes ou unité autonome évaluative. Les autrices souhaitent redonner droit de cité à cette unité généralement considérée comme un marqueur d’évaluation négative, à savoir simili(-)X n’est pas un bon X, il ne joue pas le rôle attendu, il est de piètre qualité, etc.. Elles s’appuient sur une batterie d’exemples tirés du corpus Wortschatz et Frantext. La contribution d’Anna ANASTASSIASIS-SYMEONIDIS explore la catégorisation approximative en grec moderne du point de vue de la morphologie lexicale et analyse sémantiquement les noms métalinguistiques « espèce » et « sorte » en grec ancien ainsi que le suffixe « -oïde » qui sont en relation avec le concept de « voir ». Les trois contributions qui suivent s’intéressent à l’approximation et à la catégorisation à l’aide de marqueurs ciblés. Soomi LEE isole l’élément iljong en coréen utilisé lorsqu’on ne peut pas identifier ou dénommer clairement le référent ; de surcroît, le point de vue du locuteur est mis en avant grâce à ce nom métalinguistique. A partir d’une base empirique constituée d’un corpus de blogs, plus inédite par rapport aux bases de données Wortschatz e FRANTEXT, Michela TONTI explore du point de vue aussi bien quantitatif que qualitatif toute une batterie de marqueurs comme genre, style, sorte, type seuls ou associés à un Nom de Marque (NdM). Partant du postulat de base que l’existence d’un prototype permet des opérations d’identification claire et de catégorisation par approximation, l’auteure se demande si les NdM en association avec ces marqueurs se prêtent ou non à une pluralité de lectures. Outre ces usages, des emplois créatifs et innovants sont également abordés. Par ailleurs, selon l’auteure, un nouvel observable linguistique s’impose, à savoir une « zone grise » entre approximation et catégorisation qui découle de l’étude des structures incluant des NdM en lien avec le prédiscours et les sèmes culturels qui caractérisent les NdM. Le travail d’Estelle MOLINE nous propose de confronter l’approximation à la comparaison à l’aide des tournures en comme en association avec quelque chose, un truc, une chose, des choses, un machin, des machins. La contribution d’Olga INKOVA vient clôturer ce volume. Son propos est celui de faire le point sur la notion d’approximation en la confrontant à celles de l’indétermination, de l’intensification et de la modalité.

[Michela TONTI]