Maria CENTRELLA, Marine Le Pen en 140 caractères, Trento, Tangram Edizioni Scientifiche, 2020, (« Aperture – Studi di Francesistica »), pp. 182.

di | 26 Febbraio 2021

Le volume de Maria Centrella cherche à investiguer comment les réseaux et les médias sociaux constituent des défis posés par l’Internet aux acteurs politiques. En particulier, l’ouvrage se concentre sur l’entreprise de légitimation menée par le Front national dans le panorama politique et médiatique français. L’auteure rappelle que ce parti, qui a été le premier à avoir exploité le paradigme de l’univers virtuel du jeu  « Second Life », a toujours entretenu un rapport privilégié avec le web. En particulier, ce volume cherche à détailler les caractéristiques saillantes du discours politique sur Twitter de Marine Le Pen (MLP) au cours de la campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2017.

La première partie de l’ouvrage est consacrée aux enjeux politiques du réseau et s’articule autour de deux chapitres.

Dans le premier chapitre l’auteure présente l’espace de l’Internet comme un nouvel espace pour la communication politique. Cette dernière se caractérise par une tripartition chronologique  (années 50, années 60-80 et années 90) véhiculant des évolutions technologiques qui ont modifié surtout le troisième âge. En effet, les médias traditionnels ainsi que les nouveaux médias ont été affectés par une métamorphose importante qui a donné lieu à une professionnalisation de la communication politique :  le passage du Web 1.0 au Web 2.0 se singularise par interactivité et cheminement collaboratif de la construction des données. En particulier, les campagnes électorales (classées en prémodernes, modernes et postmodernes) attirent, à partir des années 1990, l’attention du monde politique qui sera désormais à l’épreuve du réseau qui incarne des citoyens-électeurs avertis, attentifs aux actions menées par les élus.

L’espace virtuel de l’Internet commence donc à représenter une sorte d’agora incorporelle et immatérielle à l’intérieur de laquelle les sujets politiques s’investissent de plus en plus régulièrement. Ces formations politiques, définies « partis numériques »  ou « de réseau », activent des sites web et des blogs politiques qui alimentent de nouvelles formes de militantisme politique. Selon l’auteure, les réseaux sociaux commencent à fonctionner comme une forme de participation politique ciblée surtout envers les indécis et les jeunes. Ainsi, le discours politique se façonne par une certaine sloganisation favorisée, par exemple, par les 140 caractères de Twitter ou les Like. La contigüité avec les communautés de référence associée à la simplicité de l’outil informatique (Facebook ou YouTube, par exemple) ne font qu’augmenter le nombre d’utilisateurs.

Dans le deuxième chapitre, l’auteure décrit comment le Front national d’abord et le  Rassemblement national par la suite ont mis en place une stratégies de communication sur le réseau. L’auteure se concentre ainsi sur l’exploitation du réseau en tant que ressource centrale pour la légitimation du Front national : depuis 1990 le FN est le premier parti politique français à posséder un site internet au niveau national et à créer une web tv. L’ouvrage se concentre ensuite sur la gestion du dispositif de communication de Marine Le Pen sur les réseaux qui, à partir de  2011, stimule les apparats du parti pour aboutir à l’agrandissement du consensus. À titre d’exemple, l’auteur dessine les spécificités du site web du Rassemblement national  ainsi que le blog de campagne de Marine Le Pen, le « Carnets d’espérances de MLP.  Entre centralisation et poussées centrifuges, la communication politique du Rassemblement national est présentée dans l’ouvrage par un double chemin : d’un côté, un discours lissé national, de l’autre, un éventail de sites, blogs groupes Facebook et compte Twitter véhiculant un discours moins contrôlé.

La seconde partie de ce volume se concentre sur le discours de Marine Le Pen sur Twitter.

Twitter, qui est présenté dans l’ouvrage comme un « contre-espace public », permet aux usagers possédant un compte sur ce réseau de construire une relation avec des sujets politiques différents. Ces derniers profitent, à leur tour, d’une communication plus décontractée avec les citoyens-électeurs. La Twittosphère se singularise donc, selon l’auteure, par un fonctionnement sans aucune négociation intermédiaire. Twitter semble donc avoir réussi le pari d’une hybridation fortement stratifiée se caractérisant, selon les réflexions proposées par Centrella, par les binômes suivants : hybridation médium/communication, information/relation, public/privé, populaire/politique. Après avoir illustré le fonctionnement  du réseau de microblogging le plus connu au monde, l’auteur présente le corpus de travail fourni par l’équipe de recherche de l’Université « L’Orientale » de Naples. La période choisie (avril 2016 – mai 2017), conjointement au total des tweets analysés (4291), recouvrent de manière représentative la campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2017. 

Si la brièveté et l’instantanéité des tweets entrecroisent, d’un point de vue syntaxique, la communication parlée aux structures de l’écrit, le lexique lepéniste sur Twitter transmue après le cycle d’attentats terroristes qui ont frappé la France à partir de janvier 2015 (attaque à Charlie Hebdo). La France « apaisée » du slogan électoral de MLP ne se manifeste pas à travers une rhétorique de la médiation mais, au contraire, par une sémantique identitaire et sécuritaire. La suffixation en -isme et -iste  acquiert, par exemple, une polarisation idéologique (mondialisme, communautarisme, fondamentalisme, frontiériste) qui véhicule un discours de campagne électorale basée sur l’idée d’une identité nationale sensiblement inapaisée, protestataire.

Cette identité s’élabore également à travers ce que l’auteure appelle « subjectivité pronominale », à savoir la mobilisation des pronoms de l’interlocution (je, nous, vous) visant à construire un discours d’autopromotion infatigable et constant (composante éthotique). La candidate amplifie cette stratégie par une charge émotionnelle de taille (pathos), souvent contestataire. De plus, les traces de la subjectivité discursive de MLP sont aussi intertextuelles et extralinguistiques comme c’est le cas des liens hypertextuels qui ont le but de fortifier l’image de la candidate.

A côté des liens hypertextuels, l’auteure met en relief la valeur du hashtag lepéniste qui aurait une triple fonction : marquage, évaluation et agrégation. Pour sédimenter le rapport avec ses électeurs, MLP bénéficie du statut de technomot du hashtag qui notamment resserre, mais en même temps éparpille, le discours sur Twitter. La place du hashtag est libre ainsi que son incorporation dans le Tweet ce qui permet à la candidate de dessiner des dialogues thématiques à travers ce technomot (marquage), de construire de la polémique (évaluation) ainsi que de convoquer de manière interactive la participations des électeurs (agrégation).  

Le dernier chapitre de ce volume se structure sur l’outil de la « mention lepéniste » : la mention , en général, consent de sélectionner l’interlocuteur (@usager) tel que le regard au cours d’une communication vis-à-vis. Centrella, en rappelant l’écart existant entre un usage important du hashtag envers une utilisation presque marginale de la mention dans le discours twitterien de MLP, revient sur un postulat évoqué précédemment incarnant le noyau de son volume : le discours lepéniste twitterien se distingue plus par une pratique d’auto-lancement publicitaire plutôt que par une réelle instance dialogique avec les électeurs. Les 140 caractères des Tweets analysés par l’auteure dévoilent, de manière organisée, des spécificités discursives et argumentatives distinctives de la campagne électorale de MLP pour l’élection présidentielle de 2017.

[Silvia Modena]

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