Florence LAUTEL-RIBSTEIN (éd.), Traductologie, philosophie et argumentation

di | 26 Febbraio 2024

Florence LAUTEL-RIBSTEIN (éd.), Traductologie, philosophie et argumentation, in Des mots aux actes, 2021, n° 10, 2021, Paris, Éditions Classiques Garnier, pp. 237.

Ce numéro de « Des mots aux actes », la revue de traductologie de la SoFT (Société française de traductologie) et de la SEPTET (Société d’études des pratiques et théories en traduction), a été publié sous la direction de Florence Lautel-Ribstein.

La plupart des auteurs de ce numéro ont participé aux journées d’études organisées par le groupe CoTraLis du Laboratoire Textes et Cultures de l’université d’Artois des 21 juin 2019 et 11 décembre 2020. Le numéro est consacré d’une part au fondement philosophique de l’argumentation traductologique et d’autre part aux problématiques traductives déterminées par l’argumentation philosophique.

Le volume s’ouvre par l’avant-propos rédigé par Florence Lautel-Ribstein (pp.13-14) et par l’Introduction (pp. 15-37) rédigée par Jean-René Ladmiral qui définit la traduction comme une pratique dont le maître-mot est la « décision » (p.17). Il énonce, d’abord, les principes de l’argumentation traductologique minimale et expresse pour ensuite présenter la traduction même comme « un paradigme philosophique de toute communication, sinon même de toute relation » (p.28).

Ce numéro comprend deux volets. Le premier (Quelle argumentation philosophique pour la traductologie ?) contient cinq contributions centrées sur les questionnements philosophiques en rapport avec la pratique traduisante.

Le premier article est celui de Henri Meschonnic (L’enjeu du traduire est de transformer toute la théorie du langage) (pp. 41-50) qui affirme que l’acte de traduction est à concevoir comme la représentation de la théorie du langage sous-jacente, et souligne que la théorie de la traduction implique la conceptualisation du rythme, entendu comme continu dans l’organisation du mouvement de la parole dans l’écriture.  

Christian Berner (Schleiermacher et la question de la traduction) (pp. 51-68) se penche sur l’analyse du texte de la conférence « Des différentes méthodes du traduire » que Schleiermacher a prononcée le 24 juin 1813 à l’Académie Royale des Sciences de Berlin. Berner met en valeur l’originalité de la pensée traductologique du philosophe, ce qui réside dans l’application des principes de son herméneutique, son éthique et sa dialectique.

La contribution d’Irène Kristeva (Jean Bollack, herméneutique critique et enjeux traductologiques) (pp. 69-83) est centrée sur la méthode de traduction découlant de l’herméneutique critique de Jean Bollack, dont elle met en avant la démarche interprétative et la nature archéologique.

Bahareh Ghanadzadeh Yazdi (Phénoménologie de la perception et traduction de la métaphore) (pp. 85-107) aborde la métaphore en la décrivant comme un mode de connaissance qui permet d’avoir accès à l’expérience de la subjectivité dans le langage. La traduction de la métaphore est analysée en revenant sur les positions de Georges Steiner, Henri Meschonnic, et de la sémioticienne et traductologue Magdalena Nowotna.

L’article d’Evangelos Kourdis (Roland Barthes et son argumentation dans la rhétorique de l’image. Une contribution philosophique au concept d’intersémioticité) (pp. 109-124) transpose le phénomène de l’ « intersémioticité » (p. 109) à l’étude de la traductologie en reprenant notamment les concepts de transposition, de reproduction, de synergie et d’intertextualité que Barthes prolonge dans ses essais sur le rapport texte-image.

Le deuxième volet du volume (Comment traduire l’argumentation philosophique ?) comprend cinq articles qui explorent les défis traductologiques posés par différentes argumentations philosophiques. D’après Frédéric Girard (Traductologie et argumentation philosophique au Japon) (pp. 127-160) l’argumentation philosophique au Japon mérite d’être abordée tout en considérant les systèmes de pensée japonais comme « la résultante de processus de translitération et de transposition de langues exogènes, le chinois et le sanskrit en premier lieu, en langue vernaculaire japonaise » (pp. 127-128). L’auteur revient sur la dimension culturelle de l’argumentation par le biais d’exemples tirés de notions abstraites propres au langage philosophique et religieux ayant été introduites dès le VIIe siècle du continent chinois, puis au XVIe siècle et au XIXe siècle de l’Occident.

Le propos de l’étude de Magdalena Nowotna (La prégnance, l’idée phare de Maurice Merleau-Ponty et sa traduction polonaise) (pp. 161-170) est de situer la traduction d’un système philosophique dans un texte littéraire, et ce dans le but de montrer que la connaissance approfondie de la philosophie d’un auteur est le moyen indispensable au « discernement de l’essentiel » (p.162) en traduction, sur les plans terminologique et phraséologique.

L’article de Françoise Wuilmart (Traduire le langage de l’Espérance. À l’exemple du Prinzip Hoffnung de Ernst Bloch) (pp. 171-190) vise à mettre en relation une pensée avec un style d’écriture, en soulignant que les opérations de rédaction et de traduction constituent un acte de franchissement accompli par le biais de choix terminologiques précis, voire néologiques.

David Elder (Transcrire et traduire l’argumentaire chez Paul Valéry) (pp. 191-220) met en lumière le fonctionnement de l’argumentaire qui caractérise les Cahiers et les Œuvres de Paul Valéry. L’objectif de cette analyse est de montrer la nécessité de faire appel aux notions clés de résonance, de saillance, de prégnance, de consistance et de combinatoire en tant qu’outils d’aide pour la traduction de l’argumentaire chez Valéry.

Pour conclure, Louis Watier (De la légitimation philosophique aux spectres du prélogicisme. La pensée nahuatl en traduction) (pp. 221-230) développe une réflexion autour des stratégies de traduction adoptées par les commentateurs de la philosophie nahuatl. Cette philosophie, s’inscrivant dans la défense de la culture nahuatl, se déploie dans un travail de légitimation de cette culture indigène et notamment de sa pensée, tout en mettant en évidence le pouvoir figuratif du langage.

[Ilaria Cennamo]