Paul BACOT, Les mots de l’élection présidentielle sous la Ve République

di | 6 Luglio 2022

Paul BACOT, Les mots de l’élection présidentielle sous la Ve République, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2021, pp. 135.

L’ouvrage de Paul BACOT publié dans la collection « Les mots de » des Presses universitaires du Midi (dirigée par Marlène Coulomb-Gully) s’inscrit dans la tradition et dans la visée de cette collection, consacrée à un public (étudiant, enseignant ou autre) « cultivé ou simplement curieux » (4ème de couverture) de connaître les « mots » et les concepts. Par rapport au présent ouvrage, ces mots se réfèrent à l’élection présidentielle en France sous la Ve République.

L’inventaire proposé par l’auteur se présente sous forme de bref abécédaire composé de 207 notices longues de 20-25 lignes en moyenne, qui reprennent des mots liés aux candidat-e-s à l’élection présidentielle en France par rapport à leur campagne électorale ou que des journalistes, des commentateur-trice-s et des analystes politiques ont rapportés et diffusés. L’attention est notamment focalisée sur les élections présidentielles au suffrage universel direct : ainsi, les scrutins qui font l’objet de l’analyse de BACOT s’inscrivent dans la Ve République, notamment depuis 1965, lorsque, après la révision constitutionnelle de 1962, c’est par une consultation populaire que cette élection a lieu. Ainsi les scrutins étudiés se placent-ils entre 1965 et la dernière élection précédant la parution de cet ouvrage (2021), à savoir celle de 2017.

Comme BACOT le relève dans l’Avant-propos (pp. 3-4), ce regard d’ensemble sur les dix élections examinées et sur leur dimension discursive montre une relative stabilité et une assez grande continuité, au-delà des évolutions connues par la société et par la vie politique françaises, des changements autour du rôle de la paysannerie, de la classe ouvrière, des femmes, du train de vie, de l’éducation, des effets du baby-boom, et du développement de nouvelles formes et techniques de communication politique. Celles-ci et les élections présidentielles qu’elles accompagnent s’insèrent dans un contexte international bouleversé par la chute de l’Union soviétique, par la construction européenne et par la mondialisation. Cette continuité se manifeste, en particulier, par le maintien des règles générales du scrutin présidentiel, par la compétence du Président de la République, par l’omniprésence tant du média télévisé que des sondages d’intention de vote adressés à la population. Cette régularité se répercute également sur le vocabulaire employé, qui reste assez stable. BACOT remarque à ce propos, en particulier, que des « étapes » accompagnent l’histoire de ces scrutins : le débat télévisé de l’entre-deux-tours depuis 1974 ; la présence de l’institution judiciaire dans le scrutin ; la réglementation du financement des campagnes électorales ; les primaires, introduites en 1995 ; la montée de l’extrême droite et la crise des partis. Or, cet ouvrage rend compte de ce parcours à la fois régulier et ponctué d’événements politiques, sociomédiatiques importants à partir d’une approche vulgarisatrice. Le but recherché n’est en effet pas celui de l’indétermination mais plutôt la volonté de l’auteur de s’adresser à un auditoire vaste, même non expert. Ainsi est-il fréquent de relever, relativement à une révision constitutionnelle ou à une loi organique, que la tendance n’est pas celle d’évoquer leur dénomination juridique mais de faire comprendre la manière dont ces dispositions juridiques règlent l’élection présidentielle.

Dans cet ouvrage, il est possible de distinguer six sections : l’Avant-propos (pp. 3-4) ; une Chronologie (pp. 5-7) ; la liste des candidat-e-s aux élections présidentielles de 1965 à 2017 (pp. 8-9) ; 207 entrées, réparties par ordre alphabétique (pp. 10-131), et leur liste (pp. 132-133) ; la Bibliographie (pp. 134) ; la section finale « Vos mots… »(pp. 135-136).

Si la partie consacrée à la chronologie commence par la brève parenthèse de la IIe République, caractérisée par le suffrage universel masculin direct qui permet à Louis-Napoléon Bonaparte d’être élu Président de la République en 1848, la date qui ouvre l’histoire des présidentielles sous la Ve République est 1958, avec l’élection au suffrage universel indirect, au premier tour, de Charles de Gaulle. Cette date est suivie par 1962, lorsqu’est instituée l’élection présidentielle au suffrage universel direct, et par le premier scrutin au suffrage universel direct masculin et féminin en 1965, d’où c’est Charles de Gaulle qui sortira vainqueur, au second tour, face à François Mitterrand. Les autres dates de cette chronologie voient l’alternance entre les véritables élections et des événements majeurs qui réglementent le scrutin présidentiel. En témoigne, à titre d’exemple, l’année 2000, marquée par la révision constitutionnelle du 24 septembre réduisant le mandat présidentiel de sept à cinq ans, généralement qualifiée de « passage du septennat au quinquennat » (p. 6) – cette information est citée par l’auteur en mention, entre parenthèses. La chronologie se termine par l’année 2021 par rapport à la loi organique du 29 mars 2021 introduisant de nouvelles dispositions pour certaines modalités d’élection du Président de la République.

La partie consacrée aux candidat-e-s aux élections présidentielles de 1965 à 2017, qui sont présenté-e-s par ordre alphabétique, comporte des informations sur le genre des candidat-e-s – les hommes figurent en caractères romains alors que les femmes sont marquées par l’italique – ; sur l’année de naissance et, le cas échéant, sur celle du décès ; sur l’année ou les années de candidature – à cet égard, le soulignement signale l’année d’élection. Cette liste révèle ainsi d’importantes informations : si les candidat-e-s ont été, de 1965 à 2007, au nombre de 70, seulement 12 femmes se sont portées candidates et aucune d’entre elles n’a été élue. De même, à propos du nombre de candidatures par personne, il émerge que c’est une femme, Arlette Laguiller, qui détient le palmarès de candidatures – six fois consécutives, de 1974 à 2007 – et qui a également été la première femme à candidater –, suivie par Jean-Marie Le Pen, qui a candidaté cinq fois, de 1974 à 2007 (hormis 1981), sans jamais être élu. Ces intervalles ou ces participations sont entre autres le résultat d’une présence ou absence des forces politiques au principal scrutin électoral du pays, comme en témoigne la montée et la presque omniprésence de l’extrême droite, représentée jusqu’en 2007 par Jean-Marie Le Pen et, depuis l’élection de 2012, par Marine Le Pen.

Quant à elles, les 207 entrées, qui occupent la partie principale de cet ouvrage, figurent avec l’initiale en majuscule et l’organisation des articles ne suit pas celle d’une entrée dictionnairique traditionnelle. Ces entrées dessinent les tenants et les aboutissants de plusieurs événements politiques, sociaux, médiatiques, et donc discursifs, qui ont un lien avec l’élection présidentielle et qui contribuent à la définir dans ses traits saillants. Certaines entrées sont « de mise » dans une élection présidentielle. Tel est le cas de la toute première entrée, « Abstention », dont est présenté l’emploi qui est fait de ce mot avant et après le scrutin présidentiel en tant que sorte de définition. Cette information préliminaire est suivie des chiffres les plus importants de l’abstention et du constat d’après lequel, en dépit de l’élection présidentielle, la participation électorale est en baisse. Dans la dernière partie de cet article, la citation de jeux de mots autour d’« Abstention », notamment l’homéotéleute du journaliste de Libération Laurent Joffrin Abstention, attention !, souligne la tentation du retrait de l’exercice du vote. « Abstention » renvoie enfin à l’entrée « Vote blanc ». Rappelons, à titre d’exemple, une autre entrée qui est strictement liée à toute élection présidentielle : « Constitution ». BACOT en explique le fonctionnement sous la Ve République en particulier pour ce qui relève de la fonction présidentielle, donc du Titre, des articles et des révisions relatives au Président de la République dans la Constitution de 1958. Les renvois aux entrées « Intérim », « Majorité », « Quinquennat », « Septennat », « Suffrage » y sont ainsi présents.

D’autres notices, non institutionnelles, contribuent à compléter l’élection présidentielle en France sous la Ve République avec des éléments apparemment moins évidents mais qui jouent quand même un rôle remarquable dans ce parcours lexicographique et surtout discursif. Il en est ainsi de l’entrée « Présidentiable », qui renvoie par ailleurs à celles de « Barbe », « Cravate », « Débat », « Éthos », « Genre », Grand », « Moustache », « Président », à savoir des traits distinctifs d’un-e « présidentiable » à l’élection présidentielle. L’énoncé définitoire copulatif qui ouvre cette entrée est suivi par les traits qui ne devraient pas caractériser un-e présidentiable, comme l’agitation et la colère – à ce propos, sont évoqués Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal –, ainsi que par ceux qui permettraient en revanche de donner aux candidat-e-s une image présidentiable – c’est Marine Le Pen et sa « dédiabolisation » qui sont à cet égard cités. C’est également le genre des candidat-e-s qui est évoqué dans plusieurs entrées, comme le prouvent, au-delà de « Genre », les entrées « Femme », ainsi que celles des prénoms de certaines candidates à la présidentielle, auxquelles sont consacrées autant d’entrées : « Arlette », pour rappeler Arlette Laguiller, première femme candidate et, comme nous l’avons signalé, figure la plus récurrente de l’élection présidentielle, avec ses six élections, au point de s’y adresser simplement par son prénom ; « Huguette », manière dont la candidate à la présidentielle de 1981 Huguette Bouchardeau se présente dans l’incipit de sa profession de foi, ou « Ségolène », rappelé car le prénom de la candidate Ségolène Royal fait l’objet de dérivations contrairement à la tendance qui verrait les patronymes remplir cette fonction. Signalons, enfin, des entrées moins prévisibles mais qui jouent quand même un rôle non négligeable dans le contexte électoral de la présidentielle : tel est le cas de « Dieu », dont BACOT met en évidence la rareté d’évocation – au-delà de la religion concernée – au sein d’une République laïque par des candidat-e-s. En effet, les deux seuls candidats à s’y référer ont été Georges Pompidou en 1969 et Jean-Marie Le Pen en 1986, alors que François Mitterrand est qualifié de « dieu » dans une émission satirique – d’où le renvoi à l’entrée « Sobriquet ». La liste des entrées se termine par « Zénith », à savoir le nom des 17 salles où se tiennent généralement des concerts de musique contemporaine mais qui se transforment, lors de la campagne présidentielle, en des lieux de meetings.

La bibliographie comprend des ouvrages datant du XXIe siècle au sujet des élections présidentielles en France sous l’angle de la communication politique et de l’analyse du discours.

C’est ainsi aux lecteur-trice-s le rôle d’imaginer une conclusion pour ce riche et passionnant inventaire ou de noter des commentaires, comme BACOT le souhaite par l’invitation finale à remplir la toute dernière section, à savoir une page blanche intitulée « Vos mots… ».

Cet ouvrage s’avère donc un outil essentiel pour s’apercevoir du foisonnement discursif qui émerge de l’élection présidentielle sous la Ve République, à savoir un rendez-vous électoral constitutif de la vie politique française contemporaine.

[Alida M. SILLETTI]

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