Maria Teresa ZANOLA (dir.), Terminologie diachronique: méthodologies et études de cas

di | 12 Febbraio 2024

Maria Teresa ZANOLA (dir.), Terminologie diachronique : méthodologies et études de cas, « Cahiers de lexicologie », n° 118-1, Paris, Classiques Garnier, 2021, pp. 289.

Ce numéro des Cahiers de lexicologie, dirigé par Maria Teresa ZANOLA, réunit huit contributions qui offrent des parcours d’analyses de complexité sémantique considérant la perspective de la terminologie diachronique. Dans l’introduction (« Terminologie diachronique : méthodologies et études de cas. Introduction », pp. 13-21), la directrice du numéro présente cette perspective qui permet d’aborder l’évolution de formes et de sens de certains termes dans la lexicographie spécialisée et dans les vocabulaires. Grâce à la terminologie diachronique, il est possible d’observer non seulement les rapports évolutifs entre termes et concepts, mais aussi leurs implications culturelles liées à l’histoire des langues et des cultures. Le travail terminologique en perspective diachronique permet d’examiner les realia terminologiques enrichis par les variantes diatopiques, diastratiques et diaphasiques.

La contribution de Paolo FRASSI (« DIACOM-fr, une base de données terminologiques de type diachronique », pp. 23-49) ouvre le numéro et l’auteur présente la base de données terminologique DIACOM-fr constituée sur la base d’un corpus diachronique du français du commerce international. Les prémisses à la base du projet DIACOM-fr remarquent l’importance de la diachronie en terminologie, de l’évolution des unités terminologiques et des aspects contextuels dans un domaine spécialisé. La base de données DIACOM-fr se configure comme un réseau terminologique « proposant une représentation des entités terminologiques sous forme de graphe lexical dans lequel chaque nœud correspond à un terme simple ou à un terme complexe et affichant les liens syntagmatiques et paradigmatiques entre entités terminologiques » (p. 27). Le corpus constitué considère trois périodes-clés dans l’histoire du commerce international : 1850-1914, période de l’industrialisation ; 1945-1970, période du boom économique ; 1985-2020, période caractérisée par le développement de nouvelles techniques de vente et le marketing.

Bruno COURBON (« Jeu des termes et chronodiversité. Examen polydiachronique de quelques termes de sémantique et de lexicologie », pp. 51-87) s’intéresse à l’examen polydiachronique des termes à partir d’un corpus de référence composé de dictionnaires de la terminologie linguistique et de manuels de linguistique. Le focus sur la chronodiversité permet de découvrir l’existence et la spécialisation de l’usage des termes-clés de sémantique lexicale et de lexicologie sélectionnés pour l’analyse, à savoir : sème, classème, sémème, archisémème, sémantème, épisémème, hyperonyme, hyperonymie, hyponyme, hyponymie, cohyponyme, cohyponymie, catégorisation, prototype, néologie, néologisme, néonyme et néonymie. L’auteur remarque que la construction des savoirs terminologiques fait intervenir une multitude de dynamiques temporelles considérées dans une perspective étho- , voire psycho-terminologique.

La contribution de Wael FAROUQ (« The marginalization of the feminine in the grammatical heritage of the Arabic language », pp. 89-113) porte sur l’analyse des textes de la grammaire arabe tels que les livres de Sībawayh (760-796), Ibn Jinnī (934-1002), Ibn al-Anbārī (885-940), Abū Alī al-Fārisī (901-987), Ibn Hišām (1309-1360) et d’autres. L’auteur étudie l’androcentrisme qui caractérise le métalangage et la terminologie, le préjugé linguistique contre le féminin à la base des règles grammaticales de la langue arabe.

Francesca PISELLI (« Néologie et variation synonymique des termes de couleur de la teinture de la soie. Une approche diachronique », pp. 115-135) se penche sur l’évolution des termes de couleurs dans l’art tinctorial de la soie à travers une approche diachronique qui considère une période entre 1750 et 1850. Le corpus constitué se compose de trois sous-corpus qui considèrent des textes sur l’observation des pratiques dans les ateliers et qui tiennent compte de la terminologie chromatique employée par les teinturiers en soie. Dans le corpus constitué, l’auteure relève deux types de néologie : la néologie « référentielle » pour dénommer un concept nouveau ; la néologie de (sous-)domaine pour désigner une nouvelle couleur ou dégradation. Parmi les exemples proposés, l’auteure explore les unités terminologiques créées pour dénommer les nuances de blanc, à savoir le blanc de la Chine, le blanc des Indes, le blanc de lait, le blanc d’argent et le blanc azuré.

Delphine-Anne ROUSSEAU (« Terminologie historique et musique ancienne. Guidon et petite reprise, deux cas de résurgence terminologique », pp. 137-174) se focalise sur l’évolution diachronique de la terminologie musicale ancienne analysant les cas de guidon et de petite reprise. Le corpus de dépouillement est constitué de traités musicaux et de préfaces d’œuvres musicales de la période 1650-1700 et des ouvrages publiés jusqu’à la moitié du XVIIIe siècle. L’étude théorique et méthodologique se penche sur la terminologie historique, l’étude synchronique historique et l’étude diachronique. Dans le cas de petite reprise, l’auteure remarque l’évolution des formes musicales jusqu’à la disparition du concept et l’obsolescence du terme. L’auteure montre aussi des similitudes conceptuelles entre petite reprise et coda : ce dernier terme pourrait représenter une variante diachronique. Le cas de guidon constitue un cas de nécrologie terminologique et de résurgence terminologique : il est disparu dans les usages de la musique, toutefois il est un concept familier aux musiciens spécialisés dans la musique ancienne.

Jana ALTMANOVA (« Terminologie de la bijouterie / joaillerie du XIXe siècle à nos jours : quelques exemples d’enjeux dénominatifs et normatifs », pp. 175-191) explore la terminologie du savoir-faire propre à l’art de l’orfèvrerie et au travail des pierres gemmes et des métaux précieux. En particulier, l’auteure se concentre sur des objets de prédilection, tels que le bracelet et le collier. L’approche diachronique « permet de retracer l’histoire des emplois de certains termes en tenant compte de leurs implications culturelles et socio-historiques » (p. 178). Le corpus constitué de 50 textes considère des catalogues, des histoires et des manuels de l’orfèvrerie et son analyse a permis d’étudier l’évolution du domaine et les dynamiques sociolexicales et historiques. Dans la terminologie de la bijouterie, l’auteure remarque une forte instabilité référentielle et du point de vue dénominatif les régularités sont rares. Enfin, la présence des procédés métaphoriques confirme la nature populaire de ce domaine.

Aurélie PICTON, Anne CONDAMINES, Julie HUMBERT-DROZ (« Analyse diachronique du processus de déterminologisation. Une réflexion en diachronie courte en physique des particules », pp. 193-225) proposent une réflexion sur la diachronie et le processus de déterminologisation dans le domaine de la physique des particules à travers l’analyse outillée en corpus. Le corpus comparable composé de cinq sous-corpus caractérisés par la diversité des genres textuels et des degrés de spécialité met en évidence l’évolution des fonctionnements des termes en diachronie courte entre 2003 et 2016. En particulier, l’analyse présentée s’inscrit dans la perspective de la terminologie textuelle. Les auteures proposent une réflexion sur un groupe de 219 termes et leur fréquence à travers la classification ascendante hiérarchique par contiguïté (variability-based neighbor clustering, VNC) dans chaque sous-corpus. Ensuite, les auteures focalisent leur attention sur le cas de boson de Higgs afin d’examiner les quatorze variantes dénominatives attestées dans le corpus.

Pascaline DURY (« Les acronymes et les sigles spécialisés, des termes comme les autres ? Étude en diachronie courte dans le domaine médical », pp. 227-246) présente une étude terminologique en diachronie courte sur l’évolution des sigles, des acronymes et des abréviations utilisés par les experts dans le domaine médical des infections respiratoires pandémiques. Le corpus constitué considère des articles en français écrits par des experts du domaine publiés entre 2002 et 2020. Le corpus couvre les quatre périodes temporelles qui correspondent aux pandémies du SRAS-CoV, de la grippe H1N1, du MERS-CoV et du SRAS-Cov-2. L’auteure s’intéresse au phénomène de résurgence terminologique et à la réapparition d’une séquence lexicale associée à un acronyme, pendant l’émergence d’une nouvelle pandémie. Un autre aspect considéré par l’auteure est la grande variabilité graphique des acronymes et des sigles utilisés par les experts qui recourent à l’acronyme anglais ou à l’acronyme français.

Enfin, le présent numéro des Cahiers de lexicologie est enrichi par un hommage à Jean-François Sablayrolles (25 mai 1951 – 11 décembre 2020) rédigé par Christine JACQUET-PFAU et une section qui est dédiée à cinq comptes rendus de lectures.

[Gloria ZANELLA]