Jana ALTMANOVA, Gabrielle LE TALLEC-LLORET (éds.), Lexicalisation de l’onomastique commerciale. Créer, diffuser, intégrer, Bruxelles, Peter Lang, « GRAMM-R, vol. 48 », 2019, 722 pp.

di | 21 Febbraio 2021

Les articles réunis dans ce volume proposent un large panorama sur les études linguistiques du nom de marque (NdM), en dialogue avec d’autres disciplines, de leur genèse à leur évolution jusqu’à leur infiltration dans la vie quotidienne, comme le rappelle le sous-titre de l’ouvrage : Créer, diffuser, intégrer. Le volume est divisé en quatre sections. Les problématiques théoriques et épistémologiques sont traitées dans la première partie de l’ouvrage, tandis que la deuxième partie s’intéresse aux processus de dénomination et de création du nom de marque. La troisième partie regroupe les contributions s’intéressant au phénomène de la mise en discours de l’onomastique commerciale et de sa lexicalisation. La quatrième partie aborde la question des NdM du point de vue de la traduction et de la comparaison entre les langues, ainsi que sur l’interprétation sémiotique des noms de marque.

PREMIÈRE SECTION : APPROCHES THÉORIQUES

La contribution de Gérard Petit (« Quelles conditions sémiotiques pour une lexicalisation des noms de marque déposée ? », pp. 25-46) se focalise sur la lexicalisation des noms de marque. Dans un premier temps, l’auteur met en lumière la nature sémiotique hybride de ceux-ci – sur le plan juridique, référentiel, sémantique et syntaxique – ce qui limite l’accès au statut d’unité lexicale à part entière. Dans un second temps, il se demande comment les noms de marques remplissent leur fonction d’unité de dénomination. Il est intéressant de constater qu’à la fin de sa contribution, Petit observe que la lexicalisation du nom de marques permet son accès au statut d’unité cognitive.

Karine Berthelot-Guiet (« La marque : hypernéologie et circulations linguistiques », pp. 47-62) propose une analyse des noms de marque sur le plan linguistique,  sociolinguistique et communicationnel. Sa contribution se divise en deux parties. Dans la première partie, l’auteure présente une analyse des principales formes de lexicalisation des noms de marques dans l’univers quotidien. Dans la seconde, elle propose une description des formes hypernéologiques contemporaines de ceux-ci dans le discours publicitaire. Enfin, pour l’auteure, l’hypernéologie constitue une stratégie dénominative et discursive du message publicitaire.

Dans son article, Lorella Sini (« Les noms propres de produit : de la dénomination à l’appellation », pp. 63-74) examine un corpus constitué de catalogues en ligne de Carrefour afin de montrer que, dans la plupart des cas, la « dénomination habituelle » des produits de consommation quotidienne est remplacée par une appellation commerciale générée par la « marque-mère ». Pour l’auteure, l’appellation commerciale est le résultat d’une activité néonymique obtenue par le biais de manipulations linguistiques. Elle contribuerait donc à la restructuration du réel de la part du consommateur en facilitant d’une manière plus ou moins aisée son accès au référent.

Jean-Louis Vaxelaire (« Lexicographie des noms de marques et de produits », pp. 75-90) aborde la question des noms de marque d’un point de vue lexicographique. Au-delà des gros problèmes de catégorisation qu’ils posent, l’auteur – à travers une analyse d’un corpus hétérogène – essaie de mettre en lumière leur statut d’« éléments culturels ». Et c’est précisément à cet égard que Vaxelaire plaide pour l’inclusion des noms de marque dans un dictionnaire culturel, malgré les difficultés que les lexicographes peuvent rencontrer : structure de l’ouvrage lexicographique et nature des noms de marque.

Dans sa contribution (« La terminologie de la chrématonymie de marketing : fondements historiques, conceptions, discussions », pp. 91-105), Artur Gałkowski propose un parcours historique et terminologique des théories récemment formulées dans les sciences onomastiques concernant les chrématonymes. Le terme désigne une catégorie onymique englobant les noms propres ou les expressions propriales, de différentes natures formelles, désignant des référents matériels ou immatériels créés par l’homme. L’auteur consacre une attention particulière à un type de chrématonymes : les « chrématonymes de marketing », compte tenu des effets que l’économie globale a sur la création des termes.

DEUXIÈME SECTION : STRATÉGIES DÉNOMINATIVES

Jean-François Sablayrolles (« Groupes, marques, modèles : quelles stratégies (dé)nominatives dans l’industrie automobile française d’après-guerre ? », pp. 109-126) aborde le sujet de la nomination des produits manufacturés commercialisés. À travers l’analyse des stratégies dénominatives – développées au cours des soixante-dix dernières années – dans le domaine de l’automobile français, l’auteur met en relief les implications linguistiques, pragmatiques et sémiotiques que comportent la formation des noms de marque. Cependant, comme le remarque l’auteur, « le nom ne fait pas tout », compte tenu de son caractère éphémère et du degré de réussite ou d’échec des modèles qu’il désigne.

Dans son article, (« Les projets en/d’entreprise ou la vie programmée des dénominations en entreprise », pp. 127-138), Dardo de Vecchi s’intéresse particulièrement aux noms et aux dénominations dans le parler d’entreprise. Comme le constate l’auteur, la dénomination de la part des entreprises ne concerne pas seulement des produits et des services, mais aussi des réalités bien plus complexes relevant de la culture entrepreneuriale. De Vecchi se penche sur les noms de plans, de programmes et de projets et en propose une analyse fine. Ceux-ci sont représentatifs de l’histoire et de la culture d’une entreprise, mais aussi d’une stratégie visant à se démarquer des autres entreprises.

Silvia Domenica Zollo (« Stratégies d’élaboration des noms de produits chez Arkema et leur représentation dans le discours socio-numérique », pp. 139-162) s’intéresse aux mécanismes de nomination au sein des entreprises industrielles. En particulier, son analyse s’appuie sur un corpus de noms de produits d’Arkema, un fabricant mondial de produits chimiques, afin d’identifier les procédés de nomination qui se prêtent au mieux aux stratégies communicatives de l’entreprise. Ainsi, l’auteure consacre la partie finale de sa contribution à l’analyse des noms de produits circulant dans la communication numérique afin de déceler les éléments communicatifs et sémiotiques permettant la diffusion des dénominations.

Dans sa contribution (« La dénomination commerciale et le cas de la marque Miko », pp. 163-174), Sergio Piscopo se propose de déceler, à travers son analyse, les composants culturels qui se cachent derrière la dénomination commerciale. Il s’intéresse à la marque française de crèmes glacées, Miko, en particulier, aux motivations qui ont conduit la multinationale Unilever à choisir différentes dénominations de la même marque en fonction du marché cible local. Il s’agit d’une étude qui permet de révéler le caractère dynamique d’un vaste domaine comme celui de l’onomastique commerciale.

Paolo Frassi (« La place de l’adjectif dans les noms de marques », pp. 175-196) mène une analyse qualitative et quantitative des noms de marque sur un corpus constitué de deux nomenclatures d’onomastique commerciale (Galisson et André ; Altmanova). En particulier, il s’intéresse aux noms de marques contenant un élément adjectival afin d’établir dans quelle mesure il est déterminant dans la formation des noms des produits. Son analyse se base sur des distinctions : noms de marques au sens large et sens strict, unités multilexémiques et simples, adjectifs qualificatifs et de relation.

Dans sa contribution (« Quand le toponyme devient nom de marque : le naming ou dénomination publicitaire par parrainage », pp. 197-212), John Humbley s’intéresse principalement à la nomination commerciale par parrainage ou naming (rights), un phénomène qui consiste à attribuer à une entité le nom d’une marque pour une durée déterminée. À l’aide d’un corpus de presse française, l’auteur se propose de repérer et analyser ces nouvelles formes de dénominations / renominations et leurs effets sur l’imaginaire des locuteurs.

Xavier Metzger (« Le nom de marque et son origine lexicale », pp. 213-228) nous accompagne dans le monde du namer. Chaque nom de marque est une tentative de représenter une image bien définie qui incarne l’histoire, voire le destin, d’un produit, mais aussi de l’entreprise. Il est un artifice, créé non pas pour désigner mais pour signifier. L’idée de l’auteur est de montrer que le nom de marque n’est ni un nom commun ni un nom propre. Au contraire, il doit être conçu comme un « fragment de discours », l’image d’un « discours possible » qui concentre en soi des valeurs, des qualités et des expériences.

Dans sa contribution (« Quand les noms de produit dénomment “mal” », pp. 229-244), Montserrat López Díaz présente les cas de nom de produit qui subissent un processus de redénomination car ils ont été à l’origine de controverses. Certains noms de produits ont été contestés à cause de leurs rapprochements phonétiques et/ ou lexicaux avec d’autres noms ayant une signification négative. D’autres ont été contestés et supplantés puisque considérés comme politiquement incorrects. Cet article permet finalement d’explorer le tabou et le phénomène de la nomination en marketing.

Dans son article (« Le Web parfumé et l’Olfactif Knowledge Marketing au service d’usage des marques “olfactives” », pp. 245-268), Oleg Curbatov s’intéresse aux marques olfactives qui posent des problèmes de descriptions et de représentations. Pour son étude l’auteure suit l’approche du Knowledge marketing, basé sur le traitement et le libre partage des connaissances. En particulier, il présente un projet de web parfumé consistant à la co-création de marques olfactives par des clients-internautes à travers la diffusion des fragrances par l’Internet.

Amélie Hien (« Wend(e) ou “Dieu” dans les noms de commerces au Burkina Faso : analyse de quelques dénominations et de leurs motivations », pp. 269-292) présente les résultats d’une enquête de terrain conduite au Burkina Faso au sein d’un milieu urbain. En particulier, elle analyse la structure morphosyntaxique des dénominations de commerces en langue moore, combinée souvent au français et à l’anglais, contenant le nom Wend(e) [Dieu]. Entre autres, l’un des objectifs de l’auteure est de démontrer que la présence du nom de Dieu dans les commerces n’est pas reliée à une religion spécifique ou à des croyances particulières.

TROISIÈME SECTION : NOMS DE MARQUE ET DISCOURS

Dans sa contribution (« Les noms de marque dans le domaine des sports : enjeux lexicologiques, lexicographiques et terminologiques », pp. 293-310), Giovanni Tallarico consacre son étude aux noms de marque dans le domaine des sports. En particulier, dans un premier temps, il cherche à retracer le statut de ceux-ci en lexicographie. Ensuite, il analyse la place et le traitement des noms de marque sportifs dans les répertoires terminologiques officiels. La dernière partie de l’étude est consacrée à l’analyse des dénominations sportives, souvent soumises à des variations, dans leurs manifestations discursives.

Maria Centrella (« De quelques noms de marque de l’informatique et des télécommunications : formation et lexicalisation », pp. 311-324) s’intéresse aux noms de marques dans le domaine de l’informatique et, en particulier, dans celui des télécommunications. À travers une analyse diachronique et synchronique, l’auteure essaie de saisir le caractère lexiculturel des dénominations informatiques, manifestations d’une “culture partagée” au sens galissonien (2000), ce qui leur permet d’être présentes dans tout genre de discours et notamment dans le discours quotidien.

Dans sa contribution (« Lexicalisation et banalisation des noms de marque : le cas juridique de Placoplatre® et Placo® », pp. 325-342), Gabrielle Le Tallec nous amène à réfléchir sur le phénomène de l’apocope/troncation des noms de marques, un « indice fiable » pour mesurer leur degré de lexicalisation, mais qui peut comporter des conséquences considérables sur les plans juridique et commercial pour l’entreprise. En particulier, l’auteure nous présente le cas de la société Placoplatre qui, à la suite du succès de la forme tronquée de sa marque (Placo), a été obligée de déposer le nom sous sa nouvelle forme afin d’éviter toute conséquence juridique.

Dans sa contribution (« Lexicalisation des noms déposés en swahili de Lubumbashi : entre signifié, charge culturelle partagée et représentation prédicative », pp. 343-358), Stéphane Kaludi Ndondji présente l’analyse des noms déposés lexicalisés en langue swahili de Lubumbashi, langue qui s’est évoluée grâce aux contacts avec d’autres langues voisines et aux emprunts du français et de l’anglais. L’auteur trace deux parcours parallèles : d’un côté, il propose le cas de resémantisation sur des propriétés linguistiques et, de l’autre côté, il illustre les implications culturelles dues à la pénétration des marques étrangères dans l’univers swahili.

Marcelina Bańkowska et Inès Djazi (« Étude onomastique des noms de marques dans le domaine de la mode vestimentaire – degrés de circulation et lexicalisation dans une approche linguistique et socioculturelle », pp. 359-382) analysent des unités lexicales relevant du domaine de la mode vestimentaire. En particulier, les auteures offrent leurs analyses de chaque unité sur deux dimensions : linguistiques (formation et histoire) ; sociétales et culturelles (degré de diffusion). Deux autres paramètres sont pris en compte, à savoir les degrés de lexicalisation et de circulation des noms de marque et de leurs équivalents.

En s’insérant dans le sillon de R. Galisson, Michela Tonti (« La lexiculture à l’épreuve de l’analyse de corpus : le nom de marque Ladurée ou le gage de culture », pp. 383-402) se penche sur la question de l’emprise culturelle et de la démocratisation que le Nom de Marque (NdM) acquiert auprès des parlants. A travers un cas d’étude analysé dans toutes ses réalisations à l’aide du corpus Araneum, le NdM Ladurée, icône du raffinement de la gastronomie française, Tonti parvient à démontrer que ce NdM dégage des signifiés qui sont culturellement partagés et transversaux à tous les groupes sociaux d’une communauté, notamment celle des bloggeurs, en confirmant ainsi la grande portée de l’implicite culturel qui se cache au quotidien dans les interactions sociales.

Dans la contribution de Christine Fèvre-Pernet, « Dom Pérignon ou 8–6 ? L’onomastique commerciale dans les musiques actuelles » (pp. 403-428), la chanson française est le genre de discours élu pour étudier l’utilisation de l’onomastique commerciale dans une perspective holistique. L’auteure souligne le pouvoir évocateur du nom de marque, en tant que catégorie de nom propre, montrant qu’il est un bon support pour véhiculer du sens eu égard à ses potentialités sémantiques. Après avoir proposé une première cartographie des noms de marques utilisés dans un corpus de musiques actuelles de la nouvelle scène française, elle illustre le mode d’insertion du nom de marque dans la matérialité du texte, la façon dont il prend place dans un système d’oppositions, ainsi que la manière dont il s’intègre plus largement dans un réseau de préconstruits médiatico-culturels.

On retrouve encore la chanson, accompagnée de la poésie, dans la contribution de René Corona (« Proposition pour un petit inventaire poétique : quand les poètes et les chanteurs font leur marché de marques », pp. 429-446). Ces deux arts sont le point de départ pour dénicher les noms de marques et en dévoiler le côté nostalgique, outre l’aspect ludique. Le corpus choisi va, pour la chanson, de Gainsbourg, Mc Neil, Souchon, Mc Solar, à Ferré et Perret, et, pour la poésie, il comprend principalement les contemporains français (Queneau, Leclair, Butor, Depestre) et le début du XXe siècle.

Sarah Pinto (« Les noms de marque « malmenés » : les marques de vêtements dans les textes de rap français », pp. 447-462) présente trois axes d’étude d’un corpus d’environ deux cent chansons de rap français. Considérant le rap comme moyen d’accès privilégié à une langue parlée loin de la norme sociale dominante en France, l’auteure analyse d’abord le comportement syntaxique des NdM de vêtements dans la langue des rappeurs, comme indicateurs de leur lexicalisation, pour en dégager ensuite la valeur sémantique et les connotations dans ces discours. Pour finir, à travers l’analyse du fonctionnement poétique de ces NdM dans les textes, elle dégage leur valeur socioculturelle dans la langue du rap, une langue foncièrement littéraire et à visées esthétiques.

Michele Costagliola d’Abele et Claudio Grimaldi (« ‘Le Bic, en taule, c’est mon flingue’ : les noms de marque en contexte littéraire », pp. 463-478) se proposent d’analyser l’usage des noms de marque qui renvoient aux équipements utilisés dans l’acte d’écriture, tels que stylos, crayons, pointes, encres, etc. Sur la base d’un corpus de citations littéraires construit à l’aide de la base de données Frantext, les auteurs se sont interrogés sur les effets non-propositionnels, à la fois sémantiques et pragmatiques, créés par l’emploi de certains noms de marque dans le discours littéraire. Ces observations permettent d’ajouter des réflexions utiles à leur description lexicographique et terminologique et d’améliorer la documentation des étapes de création, intégration et diffusion des ergonymes, ainsi qu’elles ouvrent de nouvelles perspectives pour l’étude de l’encodage de la subjectivité dans un texte littéraire.

Dans sa contribution, Jana Altmanova (« Entre onomastique et études néologiques : la base de données Leximarq », pp. 479-494) présente la base de données plurilingue Leximarq, destinée au repérage et au suivi des noms de marque et noms de produits « banalisés », à partir de plusieurs ressources textuelles provenant du web et de corpus diachroniques préexistants. Alors que, dans la première partie, tout en interrogeant la notion de lexicalisation fonctionnelle, on propose une réflexion sur la présence des noms de marques dans les dictionnaires, la deuxième partie est consacrée à une description pointue de la base de données Leximarq, qui vise à l’observation et à l’enregistrement de ces formes en continuelle évolution, et à la présentation d’un prototype de fiche lexicographique.

QUATRIÈME SECTION : SÉMIOLOGIE ET TRADUCTION

Ruggero Druetta et Maria Margherita Mattioda (« Onomastique commerciale et métaphorisation généralisée de la marque. Le cas des parfums », pp. 497-516) présentent la métaphore comme la catégorie sémiotique pouvant caractériser globalement la communication de marque. Dans cet horizon commun, le nom métaphorique est un cas particulièrement saillant de la sémiosis métaphorique publicitaire, une métaphore « puissance deux », qui, ne représente pas seulement un facteur d’ornement du discours, mais constitue l’élément cognitif synthétique à travers lequel il est possible d’accéder à tous les bénéfices du produit. C’est par le passage subreptice d’un simple saut sémantico-référentiel à une réorganisation ontologique des objets du monde dans la perception du destinataire, réalisé par le nom métaphorique, que la marque atteint son but ultime. Les auteurs en font la démonstration en analysant quelques appellations du segment des parfums.

La réflexion de Fatima Larbi (« L’onomastique commerciale entre linguistique et marketing : cas des emballages de confiserie en Algérie », pp. 517-534) a pour visée principale de s’interroger sur l’usage de la langue française dans la dénomination des produits de confiserie en vue de leur commercialisation locale en Algérie. Cette étude, orientée vers l’onomastique commerciale, tente de rendre compte de l’ensemble des noms qui circulent dans la sphère commerciale : noms de marques, noms de produits, noms de gamme, noms de lignes, noms de services mais aussi les noms d’enseignes, de magasins, etc. Après avoir présenté les éventuels contenus dont ces noms seraient porteurs, l’auteure se concentre dans son étude sur les caractéristiques des noms de marques et de produits en tant que signes linguistiques et sur leur fonctionnement dans la langue, en tenant compte aussi du critère du marketing.

En partant de l’hypothèse que la recatégorisation du nom de marque peut suivre des parcours différents lors du passage d’une langue à l’autre, dans sa contribution Maria Francesca Bonadonna (« Le nom Chanel entre français et italien », pp. 535-550) se propose d’examiner en discours la marque Chanel, en tant que cas exemplaire des grandes marques de luxe françaises, dans une perspective contrastive français-italien. Après avoir examiné les propriétés référentielles, syntaxiques et juridiques de cette marque selon le modèle élaboré par Petit (2006), dans la seconde partie l’auteure reconstruit l’univers symbolique associé à Chanel dans les deux langues, en montrant que l’intégration du nom de marque au lexique commun peut être plus grande lorsqu’il circule dans une langue différente de celle où la marque a été créée, comme c’est le cas de la langue italienne.

Dans son article (« La forme et le contenu des slogans publicitaires français et géorgiens », pp. 551-566), Inga Tkemaladze analyse 50 slogans publicitaires de deux langues non apparentées, le français et le géorgien, afin de mettre en évidence les procédés stylistiques, sémantiques et linguistiques de leur création. L’auteure montre les caractéristiques typiques des slogans français ainsi que des slogans géorgiens (comparaison, métaphore, métonymie et synecdoque, sonorités poétiques) et en conclut que, pour être efficaces, les slogans publicitaires français et géorgiens sont clairs et originaux, caractérisés toujours par la simplicité pour marquer les esprits de consommateurs.

Dans une démarche de type socio-anthropologique et en s’inscrivant dans le sillage de la sémiotique structurale greimasienne et, notamment, de la théorie du carré sémiotique, dans sa contribution (« Quelle onomastique commerciale à l’heure de la super-diversité ? Les dimensions culturelles des noms de marques et des emballages de produits cosmétiques », pp. 567-584), Virginie Silhouette-Dercourt essaye de comprendre comment sont perçus les noms de marque et emballages de cosmétiques du point de vue des jeunes femmes issues de l’immigration. À travers leurs récits de vie et l’observation de leurs rituels de beauté, l’auteure tente d’abord de saisir le sens qu’elles donnent à leurs pratiques et le rôle des soins de beauté dans la négociation des appartenances pour ensuite explorer la perception qu’elles ont des marques et des déclinaisons des produits qu’elles achètent.

Dans son article (« Les noms de marque et le translinguisme », pp. 585-596), Chiara Petruzziello souhaite souligner un des aspects fondamentaux et intrinsèques des noms commerciaux, le « translinguisme ». En consultant les mots-clés des dictionnaires de langue italienne, anglaise et allemande, l’auteure observe en particulier neuf noms de marque conçus en anglais et en allemand qui sont entrés dans le lexique de la langue italienne, et en souligne les aspects syntactiques et les fonctions grammaticales. Par son analyse, elle montre clairement qu’en raison de leur nature commerciale et translinguistique, les noms de marque font partie intégrante de ce cercle de mots destinés à se répandre le plus largement possible.

L’étude de Walid Dekdouk et Abderrahim Moussaouer (« De Gazouz Boualem à la Mercedes Kawkawa : les noms de marques et les slogans publicitaires à l’œuvre en Algérie », pp. 597-611) consiste à décrire cette « créativité langagière » dont l’objet s’articule autour des noms de marques et leurs slogans publicitaires dans le contexte algérien, et à proposer des typologies à chacun des phénomènes en question. Les unités analysées dans cette étude ont été tirées de la pratique quotidienne des noms de marque en Algérie, qui sont caractérisés par « une créativité ludique qui n’est pas gratuite, mais porteuse de sens » (p. 610). Cet usage parfois exclusif aux locuteurs algériens est analysé à l’intérieur de quelques sites de cuisine, d’annonces commerciales et de certaines marques de produits ainsi que sur quelques pages Facebook.

François Maniez (« La lexicalisation des noms de marque dans le domaine des nouvelles technologies en français et en anglais : composition et dérivation », pp. 613-633) propose un tour d’horizon de la création lexicale ayant pour origine quelques noms de marque dans le secteur des nouvelles technologies (Uber, Twitter, Instagram). A l’aide de données tirées de deux grands corpus (presse quotidienne française entre 2006 et 2016 pour le français et corpus COCA pour l’anglais américain) et en s’appuyant sur les descriptions fournies par de nombreux dictionnaires en ligne (Urban Dictionary, Petit Robert, Petit Larousse, Cordial, Reverso Context, etc.), l’auteure étudie en détail la dérivation et la composition de ces noms de marque. Elle infère que, dans le futur, les réseaux sociaux continueront d’accélérer la création néologique par la facilité de reprise des créations lexicales idiolectales, et que le rôle social des lexicologues et des lexicographes continuera d’être nécessaire dans la description de la néologie d’emprunt.

Dans son étude (« Les comportements morpho-sémantiques des noms propres de marques en français et en italien : application au champ lexical des dérivés de la racine FID- », pp. 635-649), partant de l’acquis que le fonctionnement des noms de marques est intimement lié à la systémique générale de la langue, Louis Begioni met en évidence leurs comportements morphosémantiques, tout en donnant des éléments de comparaison entre le français et l’italien. S’appuyant sur des moteurs de recherche (google.it et google.fr) et sur les sites internet de plusieurs quotidiens économiques, les réflexions de l’auteur portent dans l’ordre sur le genre des noms de marque, le problème du marquage morphologique et de la détermination, puis sur les fonctionnements par rapport au sous-système des noms propres, en mettant en évidence les différences avec les noms communs en synchronie et en diachronie. Pour finir, un focus sur le champ lexical des noms de marque issus de la racine latine FID- est proposé.

Zuzana Honová et Jan Lazar (« La lexicalisation des noms de marque en tchèque et français : étude contrastive », pp. 651-663) se concentrent sur les problèmes de la lexicalisation de certains noms de marque et de produit existant dans le milieu tchèque, en le comparant avec la situation en français. Leur objectif est de montrer le degré de lexicalisation des noms de marque et de produit étrangers choisis, en comparaison avec les noms de marque et de produit d’origine nationale, en prenant aussi en considération leur motivation et leur enregistrement dans les dictionnaires. L’étude met en évidence que les noms de marque et les noms de produit constituent un ensemble assez vaste et sont capables de refléter les spécificités socio-culturelles d’une communauté linguistique concrète.

Ketevan Djachy et Lolita Tabuashvili (« Les aspects sémantiques des discours publicitaires gastronomiques en français et en géorgien », p. 665-680) analysent les aspects sémantiques des discours publicitaires gastronomiques de deux langues non apparentées, le français et le géorgien, afin de définir les convergences et les divergences des moyens lexicaux de la formation des slogans publicitaires. Après avoir dressé l’histoire et le rôle de la publicité en France et en Géorgie, les deux auteurs examinent un corpus de publicités des produits alimentaires pour les deux pays, en montrant que, à travers des stratégies différentes, la publicité peut servir comme moyen de communication pour transmettre les valeurs culturelles, comme les stéréotypes nationaux, et que l’utilisation de la gastronomie dans la promotion est une manière efficace pour garder l’identité nationale, car elle cristallise les valeurs importantes de la culture.

Dans cette étude, « Les noms déposés issus du Petit Robert et leurs équivalents en tchèque », pp. 681-697), Dagmar Koláříková et Radka Mudrochová s’interrogent sur la traduisibilité ou l’intraduisibilité des noms déposés. Après avoir encadré au niveau théorique la notion de nom déposé, les auteurs examinent, d’après leurs traits caractéristiques, les noms déposés provenant du dictionnaire monolingue français Le Petit Robert et leurs équivalents dans les dictionnaires français-tchèque. L’hypothèse avancée et illustrée par un grand nombre d’exemples, c’est que la plupart des noms déposés sont susceptibles de subir des modifications plus ou moins grandes en passant de la langue source à la langue cible.

Dans la dernière contribution de ce volume (« Le discours identitaire autour de la marque : le cas du vin dans une province de Toscane », pp. 699-715), Guylaine Le Guénanf se propose de mettre en lumière le processus dynamique et complexe dans lequel évolue la construction identitaire de la marque d’une exploitation vitivinicole d’une province de Toscane, en Italie. À partir d’un travail de terrain, s’inscrivant dans le champ de la sociolinguistique ethnographique interactionnelle, l’auteure s’interroge sur le lien qui existe entre packaging et construction identitaire, puis sur la co-construction de la marque et les acteurs en présence, enfin, sur la manière dont cette « identité » se négocie en tension entre différentes représentations au sein de l’exploitation.

[Cosimo De Giovanni et Valeria Zotti]

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