Christine JACQUET‒PFAU, Alain POLGUERE, Varia, Cahiers de lexicologie

di | 10 Ottobre 2024

Christine Jacquet‒Pfau, Alain Polguère, Varia, Cahiers de lexicologie, n° 120, 2022 (1), p. 263.

Le volume 120 des Cahiers de lexicologie, sous la direction de Christine Jacquet-Pfau, présente dix articles qui explorent diverses problématiques linguistiques relatives au lexique.

Jean-Claude Anscombre, linguiste français, ouvre le volume avec une réflexion au titre intrigant : « La nature reprend ses droits : un pluriel bien singulier » (pp. 11-36). Il propose une étude comparative sur les noms dépourvus de singulier, également appelés « pluriels fixes » (p. 12). Après avoir effectué un rapide tour d’horizon du traitement de ce sujet dans diverses grammaires (Alcina et Blecua, 1975 ; Grevisse, 1980 ; Togeby, 1982 ; Riegel, 1996 ; Quirk, 1985 ; Vila Pujol, 1985 ; Dubois et Dubois-Charlier, 2008), et en s’appuyant sur l’hypothèse de Lammert (2015), qui reconnaît, en premier, le « statut sémantique de ces pluralia tantum » (p. 12), Anscombre analyse la fonction adverbiale du « -s » dans l’espagnol, l’anglais et le français contemporains. Il avance donc l’idée que ce système, suivant les évolutions propres à la linguistique, « n’est plus un système dérivationnel de -s adverbial, mais est devenu — ou est en train de devenir — un sous-système lexical » (p. 33).

Dans sa réflexion intitulée « Les mots de la catastrophe : Klima et Corona dans le discours médiatique germanophone » (pp. 37-69), Vincent Balnat, spécialiste en linguistique allemande, examine les choix lexicaux des termes relatifs au changement climatique et à la pandémie. À travers le DeReKo, le portail WL, les lexiques et les bases de données journalistiques allemandes disponibles en ligne, il met en lumière les créations et les glissements sémantiques du vocabulaire utilisé dans les discours médiatiques sur la pandémie et le changement climatique. Ce parallèle révèle que, bien que ces deux situations préoccupantes soient similaires, elles ont été accueillies avec des attitudes remarquablement différentes.

La philologue, Sonia Gómes-Jordana Ferary dans « Une tautologie est une tautologie. Étude linguistique d’une sous-catégorie parémique » (pp. 71-97), présente une analyse précise de la structure de la tautologie en fournissant divers exemples comparatifs en français et en espagnol. En limitant son « étude sémantique à la structure X est X, avec ou sans article » (p. 89) elle vérifie toutes les combinaisons et sous-combinaisons possibles dans le but de « produire une définition qui est intrinsèque à toute tautologie et qui ne fait pas intervenir ces données externes à sa propre structure » (p. 95).

« La terminologie pénale arabe. Essai de modélisation » (pp. 99-120), du jurilinguiste tunisien Nejmeddine Khalfallah, illustre, à travers une analyse socio-politique de la terminologie en vigueur dans le Code pénal tunisien, la tendance vers une transformation du droit religieux en droit positif. En analysant l’origine de certains termes, l’auteur propose une modélisation de la terminologie pénale et examine les motivations qui ont fortement limité la présence d’emprunts linguistiques. En montrant comment la création de termes se façonne en fonction des besoins de modification de l’organisation sociale, il esquisse des pratiques de médiation nécessaires pour comprendre l’évolution des temps.

Sophie Kraeber, spécialiste en linguistique anglaise avec un intérêt particulier pour le lexique et les commentaires d’“esport” ou de sport électronique, analyse les « Emprunts à l’anglais et les équivalents français dans un corpus de commentaires esportifs » (pp. 121-147). L’objectif de son étude est d’évaluer le nombre d’emprunts linguistiques dans trois sous-corpus (une série de vidéos intitulée « Service après Grank », les commentaires de matchs professionnels et les échanges entre joueurs), afin de vérifier si la directive donnée aux commentateurs – visant à réduire drastiquement l’usage des emprunts à l’anglais en réponse aux remarques des joueurs – a eu un impact sur les habitudes linguistiques quotidiennes des “gamers”.

Carlos Prieto Espinosa, spécialisé en lexicographie du latin médiéval hispanique, présente une contribution sur les « Sustantivos que designan mercaderes en la documentación latina de la Cataluña altomedieval » (pp. 149-163).

Véronica Thiéry-Riboulot, spécialiste en linguistique historique, dans son article « Sur la conception linéaire des évolutions lexico-sémantiques : le cas du mot “libertin” » (pp. 167-187), propose une analyse de l’évolution du terme “libertin” entre le XIXe et le XXe siècle. Compte tenu de l’abondance des textes disponibles, l’auteure suggère de commencer par vérifier le phénomène de réinvention à travers une étude des traces laissées par la tradition lexicographique française, avant de tracer un aperçu de l’histoire du terme.

Dans sa contribution intitulée « Les noms prédicatifs d’événements planifiés dans le russe contemporain » (pp. 189-209), s’appuyant sur les théories de Gaston Gross, Irina Thomières-Shakhovskaya, experte en études slaves, vise à illustrer une liste de « noms prédicatifs d’événements “planifiés” (NEP) » (p. 190) en russe. L’analyse repose sur l’observation du site www.ruscorpora.ru et d’autres sources internet vérifiées. Dans l’attente de recherches plus approfondies, elle met en lumière des propriétés sémantiques et combinatoires communes à l’ensemble des NEP.

Finalement, Chien-Wen Tsai, experte en nomenclature culinaire, dans l’article « Emprunts et influences d’autres langues dans le français de l’art culinaire » (pp. 211-235), analyse la présence des emprunts dans le domaine de l’art culinaire français. En examinant 1500 termes tirés de l’ouvrage spécialisé Le lexique culinaire Ferrandi (Stengel 2015) elle remarque que la prédominance actuelle de l’anglais est toujours suivie de l’italien, mais aussi, bien que dans une moindre mesure, du japonais. Partant de ce constat, elle souligne qu’une production plus importante d’études linguistiques dans ce domaine permettrait d’offrir un « angle d’observation ouvert sur la société et son évolution » (p. 231).

Le volume est également enrichi de deux comptes rendus de John Humbley, respectivement du volume Terminologia e vocabulari. Lessici specialistici e tesauri, glossari e dizionari dirigé par Claudio Grimaldi et Maria Teresa Zanola (2021), et du livre Dictionnaire étymologique et critique des anglicismes de Peter Weisman (2020).

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