Just for Ambitious

Salon...

Galerie

Usable

 

 

Volumnia2 à Virgile

DOUZIEME HARANGUE -

ARGUMENT -
Après que Coriolan eut donné la paix à Rome, par les prières de sa mère, il fut ramener l'armée des Volsques, en leur pays, et voulut faire approuver à ce peuple la générosité de son action. Mais Tullus qui ne l'aimait pas, parce qu'il avait autrefois été vaincu, pendant qu'ils étaient de partie contraire suscita quelques séditieux qui, lorsqu'il voulut se justifier en pleine assemblée, l'empêchèrent de parler; et le tuèrent enfin, au milieu de ce tumulte. Cette nouvelle ayant été portée à Rome, toutes les dames de la ville se rendirent aussitôt auprès de la mère et de la femme de ce généreux ennemi, et cette première, prenant la parole, leur parla à peu près de cette sorte, si les conjectures de l'Histoire ne me trompent.

img

Cette mère a affligée et d'ennuis poursuivie,
Tint toujours de son fils le bon et mauvais sort :
Elle fut cause de sa vie ;
Elle fut cause de sa mort.
Volumnia à Virgile

Ne me regardez plus, Virgilie, comme la mère de Coriolan, votre mari, je suis indigne de ce nom, et vous devez raisonnablement avoir autant de haine pour moi que cet illustre infortuné avait autrefois d'affection. Souvenez-vous de cette fameuse journée où j'employai mes larmes pour le désarmer, je pleurai, je criai, je commandai et je n'oubliai rien de tout ce qui pouvait fléchir un fils magnanime et généreux. Je demandai grâce pour des ingrats, je me rangeai du parti des ennemis des Coriolan, et quoique la victoire lui fût assurée; qu'il fût prêt à se venger de ceux qui l'avaient exilé; et qu'il tint presque à la chaîne ceux qui l'avaient outragé, ce grand coeur, que rien n'avait pu toucher, le fut enfin par sa mère. Je vainquis en lui le vainqueur de Rome, et obtins pour mon malheur, tout ce que j'avais demandé. Vous le savez, Virgilie, aussi bien que moi, aussi me souviens-je de toutes ces choses que pour redoubler ma douleur. Hélas! Il me semble que j'entends encore la voix de Coriolan! Lors qu'en jetant ses armes, pour me venir embrasser, il s'écria en soupirant, ô mère, que m'as-tu fait! Tu as remporté une victoire bien glorieuse pour toi et bien heureuse pour ta patrie, mais bien malheureuse pour ton fils. Hélas, Virgile, ce discours n'a été que trop véritable! Car ces mêmes armes, qu'il jeta pour venir à moi, ont été employées contre lui. Les Volsques prirent dès lors, les poignards qui lui ont traversé le coeur, ce fut moi qui leur en fis prendre le dessein, je fus de la conspiration qu'on a faite contre lui. Car après avoir surmonté mon fils, je le livrai tout désarmé qu'il était entre les mains de ses ennemis. Hé! pouvais-je penser, insensée que j'étais, que la chose dût arriver autrement ? Etais-je Mère de tous les Volsques, pour croire qu'ils voulussent céder, pour l'amour de moi, la victoire qu'ils étaient prêts à remporter? Quel droit avais-je de leur demander la liberté de Rome, leur ennemie? Devais-je pas penser qu'ils vengeraient, sur mon fils, la perte que je leur causais? Ah oui, Virgilie, je devais penser toutes ces choses! Et si Coriolan ne pouvait revenir à Rome, il fallait du moins être compagne de sa disgrâce; et comme il avait surmonté son ressentiment à ma considération, il fallait quitter mon pays pour l'amour de lui. Cependant nous n'en usâmes pas ainsi. Je laissais partir Coriolan environné de ceux qui lui ont fait perdre la vie et je revins dans Rome, comme en triomphe, jouir du fruit de cette funeste victoire. Lorsque le sénat nous demanda, à notre retour, ce que nous voulions pour récompense de notre action, il fallait, Virgilie, lui demander le retour de Coriolan et non pas, comme nous fîmes, la permission de faire bâtir un temple à la fortune féminine. Il parait bien que cette divinité n'a pas approuvé notre zèle puisqu'elle nous est si contraire. Les Dieux eussent eu sans doute, plus agréable, que nous eussions été reconnaissantes envers Coriolan. Ce temple, que l'on nous a bâti, est un effet de notre vanité et non pas de notre gratitude, nous cherchions notre gloire et non pas celle de notre libérateur, quoiqu'à dire vrai, il la méritât mieux que nous. C'était à la vertu de mon fils qu'il fallait élever des autels et non pas à la nôtre, et celui qui avait su vaincre son ressentiment, délivrer son pays et céder la victoire aux larmes de sa mère méritait, sans doute, mieux que nous l'honneur qu'on nous a rendu. Sa piété devait, ce me semble, avoir un plus favorable traitement du Ciel: car encore qu'il ait des Romains assez injustes pour dire que Coriolan ne devait quitter ses armes que pour la seule considération de la patrie et non pas pour la mienne et que, par conséquent, il y a eu plus de faiblesse en son action que de générosité; je ne suis pas de leur avis et j'espère que la postérité sera du mien. Cette forte passion qu'inspire la naissance, en ceux qui ont l'âme bien faite, n'est pas causée par la situation des lieux où nous naissons. Le même soleil éclaire tout l'univers, nous jouissons partout des mêmes éléments, et s'il n'y avait point de plus puissante raison que celle-là, elle serait sans doute bien faible. Mais ce qui fait que nous aimons notre pays, c'est que nos citoyens sont tous nos parents ou nos alliés. Le droit du sang ou celui de la société civile nous attache à eux, la religion, les lois, les coutumes, que nous avons en commun, font que nos intérêts sont communs, mais le premier sentiment que la nature donne, à ceux qui aiment leur pays, c'est de l'aimer principalement parce que leurs pères, leurs mères, leurs frères, leurs soeurs et leurs parents y sont. Oui, je suis bien certaine que le plus zélé de tous les Romains, revenant à Rome après un long voyage, ne regardera pas sitôt le Capitole que l'endroit de la ville où son père, où sa femme demeurent. Cela étant ainsi, qu'on ne s'étonne plus si Coriolan ne se soit laissé fléchir qu'à mes larmes, car à qui d'entre les Romains se serait-il rendu? Tous ceux qu'on lui envoyait l'avaient outragé; il ne voyait en aucun d'eux, la marque d'un véritable romain; ils étaient tous ingrats envers lui; il ne pouvait, en eux, reconnaître sa patrie; il voyait seulement les murailles de Rome mais il ne voyait pas les amis qu'il y avait eus autrefois. La crainte faisait parler tous ceux qu'on lui envoyait, et ce ne fut que par moi seulement qu'il connut qu'il y avait encore, à Rome, quelque chose qui lui devait être en vénération. Hélas! Est-il possible qu'une piété si extraordinaire ait été si mal récompensée? qu'un homme si courageux ait fini si pitoyablement ses jours? qu'il ait été assassiné par ceux qui l'avaient choisi pour leur chef, et que le lieu do son asile ait été celui de son supplice? Hélas, dis-je! Est-il possible, que mes intentions ayant été si pures et si innocentes, il en ait résulté un accident si funeste? Cependant, Virgilie, les Dieux ont permis toutes ces choses, et je n'en vois pourtant point d'autre raison, sinon que Coriolan et moi avions trop obligé les Romains qui s'en étaient rendus indignes. Mais, enfin, Coriolan est mort et mort seulement pour l'amour de Volumnie. Sa fin a, toutefois, cet avantage qu'elle a fait verser des larmes à ceux qui l'ont causée, car les Volsques, après la chute de leur chef, l'ont eux-mêmes relevé avec honneur. Ils n'ont pas plutôt vu son sang qu'ils ont vu leur crime, et des mêmes armes qu'ils avaient employées à lui faire perdre la vie, ils en ont élevé un trophée à sa gloire. Ils lui ont fait des funérailles d'un vainqueur. Sa mémoire est chère parmi eux, ils ont appendu sur son tombeau quantité d'enseignes et toutes ces glorieuses dépouilles qui ont accoutumé de marquer la valeur des illustres morts sur lesquels on les met. Et Rome, qui doit sa liberté à Coriolan, apprend sa mort sans en faire un deuil public ! Elle ne se souvient plus qu'elle était perdue et qu'elle était esclave sans lui, tous les Romains lui ont été ingrats tant qu'il a vécu, ils le seront encore après sa mort. Ils ne le regardent pas tant comme leur libérateur que comme leur ennemi, ils se souviennent plutôt des chaînes qu'il leur préparait que de celles qu'il leur a ôtées, et la crainte qu'ils ont eue autrefois de le voir entrer à Rome, dans un char de triomphe, fait qu'i1s sont bien aises de savoir qu'il est, aujourd'hui, dans le cercueil. Pour moi, je vous avoue, qu'encore qu'on ne doive jamais se repentir d'un bienfait, je ne laisse pas d’avoir grande peine à m’empêcher de souhaiter que Rome fût captive et que Coriolan fût vivant. La vertu de Brutus, qui vit mourir ses enfants sans douleur, n'est point de ma connaissance, cette dureté de coeur tient plus de la férocité que de la grandeur de courage. Il est des larmes justes et la compassion n'est point contraire à la générosité. Et lorsque je disais à Coriolan que j'aurais mieux aimé mourir que le voir vainqueur de Rome, je ne disais rien contre la vérité. Mais lorsque je dis aussi que je voudrais être morte et que mon fils fût vivant, je ne dis rien contre l'équité naturelle ni contre Rome. Je donne à la nature et à la raison ce que je ne saurais leur refuser et je n'ôte rien à la république. J'ai sacrifié mon fils pour elle, c'est à elle, aussi, à souffrir du moins que je pleure sur la victime que j'ai immolée pour sa conservation, et qu'après avoir fait tout ce qu'une véritable Romaine pouvait faire, je fasse, ensuite, tout ce que la douleur peut exiger de la tendresse d'une mère. Toutes celles qui perdent leurs enfants ont toujours un juste sujet de pleurer, elles ont néanmoins, pour leur consolation, la liberté de faire des imprécations contre ceux qui leur ont fait perdre la vie. Mais pour moi, non seulement je pleure la mort de mon fils mais je pleure encore de l'avoir fait mourir, et pour accroissement de ma douleur, il y a une vertu austère qui ne veut pas que je me repente de ce que j'ai fait. Ô mon fils! ô mon cher Coriolan! Puis-je suivre un si barbare sentiment? Non, il est trop contraire à la raison et à la nature, il faut que je me plaigne et il faut que je pleure, jusques à la mort, la perte que j'ai faite. Ce n'est pas l'ennemi de Rome que je regrette, c'est celui qui a prodigué son sang pour sa gloire en tant d'occasions, qui l'a servie dix-sept ans à la guerre, avec une ardeur incomparable, et qui n' a eu pour récompense que les blessures dont son corps était tout couvert. Au reste, illustres dames romaines, la naissance de cet homme ne le rend pas indigne de vos larmes, il était sorti d'un de vos rois et Ancus Martius, son prédécesseur, ayant porté la couronne, il semblait qu'il avait plus de droit qu'un autre aux honneurs de la république, puisqu'il était incapable d’en mal user. Mais ce fut, peut-être, pour cette raison - me dira quelqu'un - que les Romains lui refusèrent le consulat, de peur qu'il ne s'en servît comme d'un moyen pour remonter au trône de ses pères. Non, cette raison ne saurait être bonne et pour connaître les intentions de Coriolan, il ne faut que se souvenir de toute sa vie. En la bataille que l'on donna contre Tarquin le superbe, il fit bien voir que tonte son ambition n'allait qu'à mériter la couronne de chêne que le dictateur lui mit sur la tête, sans songer à celle de ses prédécesseurs. Car voyant un de nos citoyens porté par terre, il se mit au devant pour lui servir de bouclier et, couvrant son corps avec le sien, file sauva du péril et ramassa si bien toutes ses forces et toute sa valeur qu'il donna la mort à celui qui voulait causer la sienne. Si les Romains eussent agi avec raison contre Coriolan, cette seule action suffisait pour les empêcher de le vouloir faire passer pour un tyran, puisqu'il n'est pas croyable qu'il se fût tant exposé pour sauver une si petite partie d'un si grand corps, s'il eût été capable de former le dessein de le détruire un jour tout entier. Mais ce n'est pas en cette seule circonstance qu'il a fait paraître son zèle pour la république. Ne s'est-il pas trouvé dans toutes les occasions qui se sont offertes? Ne s'est-il pas signalé en toutes les batailles qui se sont données? N'est-il jamais revenu, dans Rome, sans lui rapporter quelque dépouille de ses ennemis, ou sans revenir tout couvert de leur sang ou du sien? Voilà, Virgilie, quel était votre mari, voilà illustres Romaines, quel était mon cher Coriolan qui, dans toutes les actions de guerre qu'il a faites, n'a jamais été vaincu que par moi seulement. Les Volsques même qu'il a commandés depuis, ne le jugèrent digne de cet emploi que parce que ce fut de sa main prima paginapagina precedentePage 219pagina successivaultima pagina1X2 pagine | 1 paginaTexte et image | Texte

qu'il leur arracha la victoire qu'ils étaient prêts à remporter, malgré la résistance de Lartius. Lui qui, voulant donner un assaut à la ville de Corioles, fut repoussé, si courageusement, par les assiégés qui mirent toutes nos troupes en fuite et toute l'armée en déroute. Ce fut à cette rencontre que la passion, qu'il avait toujours eue pour la gloire de l'empire Romain, lui fit surpasser ses propres forces et que, par son exemple, il forca quelques-uns des nôtres à tourner tête à l'ennemi. Ce généreux dessein lui réussit si heureusement qu'il le repoussa jusqu'au pied des murailles de la ville, et non content d'une si belle action, il voulut persuader à ceux qui l'avaient suivi que les portes de Corioles n'étaient pas tant ouvertes pour ceux qui fuyaient que pour les y faire entrer. Mais voyant que leur crainte était plus puissante que son discours et qu'ils songeaient plutôt à la retraite qu'au combat, l'infortuné, que je regrette, ne cessa pas de suivre son dessein. Ce fut là qu'il se vit presque tout seul combattre contre tous les habitants d'une ville qui combattaient en désespérés. Ce fut là que sa hardiesse porta la terreur parmi les ennemis, que son exemple remit la valeur dans l'âme de nos légions et que, par la force de son bras, il les fit entrer dans cette ville forcée et les rendit enfin victorieuses de ceux qui les venaient de vaincre. Ce fut, donc, seulement par son courage que Lartius eut loisir de rallier ses troupes pour aller recueillir le fruit de la victoire, en achevant ce qu'il avait si heureusement commencé. Mais comme il n'ignorait pas que le consul Comminius, qui commandait la moitié de l'armée romaine, pouvait être aux mains avec ceux qui venaient pour secourir la ville qu'il venait de prendre, il reprit aigrement ces mêmes soldats qui, n'ayant pas voulu partager le péril avec lui, s'amusaient à partager le butin qu'il leur avait acquis. Ce fut en vain, toutefois, qu'il leur opposa et la honte et la gloire, de sorte que, voyant leur lâcheté, il les abandonnât. Et suivi seulement de ceux qui, de leur propre volonté, voulurent l'accompagner - qui furent en bien petit nombre -, il alla en diligence chercher une nouvelle matière à sa valeur. Il arriva justement au camp, sur le point où Comminius allait présenter la bataille à l'ennemi, et comme il était tout couvert de poussière et de sang, son abord donna quelque frayeur au consul. Mais il n'eut pas plutôt rendu compte de l'action qu'il venait de faire, que la nouvelle de cette première victoire fut un présage de la seconde. Tous les soldats ranimèrent l'ardeur qu'ils avaient de combattre, l'espérance et la joie parurent sur leurs fronts et, par sa seule vue, on lui vit chasser de leurs coeurs la crainte qui s'en était emparée. Pour mon fils, comme il eût été bien marri que quelqu'autre eût mieux servi la république en cette journée, après avoir demandé au consul quelles étaient les meilleures troupes de l'ennemi et qu'il eut su que celles des Antiates étaient, sans doute, les plus courageuses, puisque les Volsques les avaient placées au front de la bataille, il lui demanda, pour récompense de la prise de Corioles, la permission de les combattre. Vous savez, illustres Romaines, qu'il obtint en cette occasion ce qu'il demanda, que son bras conduit par les dieux eut la gloire de rompre le premier les escadrons de l'ennemi, qu'il fut seul à attaquer une armée, pour montrer aux Romains comme il faut mépriser sa vie pour se rendre maître de celle d'autrui; et que cette valeur prodigieuse eut un succès qui le fut aussi. Or la victoire s'étant déclarée pour nous, le consul pria mon fils de considérer l'état où il était et de se souvenir que, par les blessures qu'il avait reçues, son sang coulait avec celui des ennemis. Mais il lui répondit que ce n'était pas aux victorieux à se retirer, ensuite de quoi, joignant les effets aux paroles, il poursuivit ceux qui fuyaient jusques à la nuit, et comme il avait été le premier au combat, il fut le dernier à la retraite. L’on me dira, peut-être, que le désir de la récompense inspirait cette valeur à mon fils, mais personne ne peut ignorer qu'il ait refusé toutes celles qu'on lui présenta. Au contraire, sa modération fut si grande, qu'après avoir forcé une ville, fait gagner une bataille, sauvé l'honneur de l'armée et de la république, il ne demanda, pour récompense de tous ses travaux, que la liberté d'un seul homme qui, autrefois, avait été son hôte et son ami et qui lors était prisonnier de guerre parmi les Romains. Je me souviens bien que le nom de Coriolan qu'il portait, - ô Dieux, puisse-je parler en ces termes?- je me souviens bien, dis-je, que ce nom lui fut donné, en cette rencontre, pour éterníser son action. Mais je me souviens aussi que ceux mêmes, qui le nommèrent Coriolan, l'appelèrent depuis avec injustice le perturbateur du repos public, l'ennemi de Rome et le tyran du sénat. Depuis cela, que n'a-t-i1 point fait encore, en une autre occasion? Vous vous souvenez, sans doute, de cette funeste année où la famine pensa désoler Rome entièrement, où tout le peuple gémissait, où la faim faisait triompher la mort de tous les pauvres et où les plus riches même étaient exposés au même danger. Vous savez, dis-je, que ce fut Coriolan qui, par sa valeur et par son courage, ramena l'abondance dans Rome, redonna la vie au peuple, et tout cela au prix de son sang et sans en vouloir d'autre récompense que celle d'avoir sauvé la vie à ses citoyens. Cependant pour prix de tant de services, de tant de belles actions, de tant de blessures qu'il avait reçues et de tant de sang qu'il avait répandu, comme il demanda le consulat qu'on avait accordé à beaucoup d'autres qui ne le méritaient pas, si bien que lui on le traita d'infàme et de criminel, on le mit entre les mains des Aediles, comme le plus méchant des hommes et on l'exila de son pays. Ô Ciel, puisse-je avoir demandé grâce, pour ceux qui avaient traité mon fils si indignement! et ce fils infortuné a-t-il pu me l'accorder? Au reste, après tant d'outrages que Coriolan avait reçus, que fit-il pour se venger? A-t-on découvert qu'il ait voulu suborner quelques-uns de nos consuls? A-t-il enlevé, en secret, quelque argent pour faire subsister l'armée des Volsques? Leur a-t-il fourni des soldats? Non, Coriolan ne fit rien de toutes ces choses et il se contenta, pour se venger de Rome, de mettre seulement le plus fidèle de ses citoyens entre les mains de ses ennemis. Que si le désespoir qui l'y porta, lui a réussi heureusement, s'il a plus trouvé d'humanité dans le coeur de Tullus, dont il avait été plus d'une fois l'ennemi triomphant, que dans l'âme de tout un peuple, pour la gloire duquel il avait vaincu ce même Tullus; voulait-on, dis-je, que, par une ingratitude extrême, il l'abandonnât dans une guerre juste et qu'il avait entreprise à sa considération? Voulait-on, dis-je, que, pour mériter le mauvais traitement qu'il avait reçu de ceux qu'il avait servis, il trahît ceux qui le protégeaient et qui, par une confiance toute extraordinaire, l'avaient choisi pour être général de leur armée? On me dira, peut-être, que Coriolan fit plus de mal aux Romains en acceptant cet emploi, que s'il eût suborné les consuls de Rome; qu'il en eût enlevé les richesses; qu'il eût fait soulever le peuple, et mené une armée aux adversaires, puisqu'on a vu que sa seule personne, se rangeant du parti des Volsques, fit un entier changement à leurs affaires, et que ceux qui, tant de fois, avaient demandé la paix à Rome ont été en état de l'acheter bien cher. Or, qu'on ne s'imagine pas que cela ait été un simple effet de sa conduite et de sa valeur. Non, nos Dieux, qui sont les protecteurs de l'innocence, avaient sans doute guidé son bras pour abaisser l'orgueil de ceux qui, se croyant invincibles, ne craignaient plus d'outrager leurs alliés. Mais dans ces heureux succès, il n'avait pas oublié qu'il était né Romain et quoique les nobles l'eussent abandonné à la fureur du peuple, il ne laissa pas de conserver leurs maisons de campagne, malgré le désordre de la guerre. Il avait encore du respect pour ceux qui s'étaient rendus ses ennemis, et quoique sa fortune particulière fût en un déplorable état, il ne demanda jamais rien pour lui dans les articles qu'il proposa et ne demanda rien d'injuste pour les Volsques qu'il protégeait. Voilà encore une fois, ô illustres Romaines, quel était Coriolan. Je reconnais mon fils à la peinture que je vous ai faite, conservez-en l'image en votre cceur. Souvenez-vous que, sans sa générosité, la famine aurait fait périr vos pères, vos frères, vos maris, vos enfants et vous-mémes, ou, ce qui serait encore pire, que vous auriez été en une autre occasion, les compagnes de leurs chaînes et de leur servitude. N'imitons pas, généreuses Romaines, l'ingratitude de nos citoyens, prima paginapagina precedentePage 226pagina successivaultima pagina1X2 pagine | 1 paginaTexte et image | Texte

éternisons la gloire de notre sexe à leur préjudice, et pour notre reconnaissance, couvrons-les de confusion. Ce temple que l'on nous accorda, quand mon fils nous accorda notre grâce, ne nous sera point si glorieux que l'affection que vous témoignerez, à vouloir conserver la mémoire de Coriolan. Vous devez vos larmes à celui qui les essuya autrefois, et qui a rompu vos chaînes. Vous devez encore - si je l’ose dire- adoucir, en quelque façon, l'amertume de ma douleur par celle que vous témoignerez de sa perte. J'ai immolé mon fils pour l'amour de vous, vous ne pouvez moins faire que de vous affliger pour l'amour de moi. Et comme vous eussiez toutes porté le deuil, sans la générosité de mon fils, il est bien juste que vous le portiez toutes pour honorer sa mémoire. Allons donc, Virgilie, allons, généreuses Romaines, demander cette permission au sénat. Mais Dieu! Est-il possible qu'il soit nécessaire de demander congé de porter le deuil de son libérateur? Oui, la corruption du siècle le veut ainsi. Allons, donc, encore une fois demander, avec des larmes, la dernière chose que nous pouvons demander pour mon fils, puisqu'il est mort. Car pour sa gloire, je suis bien assurée que Rome sera détruite, lorsqu'on parlera encore de Coriolan.

EFFET DE CETTE HARANGUE

Elle obtint ce qu'elle leur demandait: toutes les dames romaines prirent le deuil et le portèrent dix mois, qui était le terme auquel elles étaient accoutumées de le porter de leurs pères et de leurs maris. Ainsi cet illustre banni fut plus heureux après sa mort qu'il ne l'avait été durant sa vie, et le plus beau sexe en cette occasion fut le plus reconnaissant.

 

Pixel Perfect

Apparat critique

Responsive

Contactez nous

© 2017 farum.it.

Réalisé par: Sergio Poli, Chiara Rolla et Simone Torsani

HTML5-CSS3 Template by Martina Sepi