Numéros publiés


2020| 34 33 32
2019| 31 30
2018| 29
2017| 28 27
2016| 26 25
2015| 24 23
2014| 22 21
2013| 20 19 18
2012| 17
2011| 16 15 14
2010| 13 12 11
2009| 10 9
2008| 8
2007| 7 6
2006| 4
2005| 3 2 1
2004| 0

Lectures

Carnets de lectures

Actualités

Appel à comm

Prochains Numéros

La revue

Ligne éditoriale

Comités de rédaction

Normes de rédaction

Mentions légales

Versione PDF

Préface

Hélène GIAUFRET COLOMBANI, Michele PRANDI


Etait-il vraiment besoin en cette première décennie du XXIe siècle de consacrer un numéro de notre revue à la définition? À nos lecteurs d’en juger.

Le terme même de « définition », par son étymologie, nous renvoie à des concepts tels que « délimitation » et pourrait suggérer l’enfermement dans le pré carré de la forme dite aristotélicienne, déjà mise en discussion par les travaux sur la stéréotypie et la prototypie. N’oublions pas, toutefois, que le « limes » latin, qui indique la borne, la limite et la frontière, a aussi le sens de « sentier » et de « passage ». C’est ainsi que nous avons choisi d’intituler notre recueil « Autour de la définition », justement pour inviter à explorer les marges de la forme définitionnelle et, peut-être, sa porosité. Ceci dans la mesure où, d’une part, les apports de la psycholinguistique, de la pragmatique et de l’analyse de discours comme en témoignent les recherches sur l’apprentissage et sur la reformulation, et le développement de la terminologie, de l’autre, ne pouvaient manquer de modifier le panorama.

Il n’en reste pas moins qu’un bon nombre de contributions concerne encore la définition canonique, lexicographique, dans ses aspects peut-être moins explorés mais qui couvrent un champ assez vaste.
La métalexicographie couvre une période allant du XVIIe siècle (Odile Leclerq) au XIXe (Jacques-Philippe Saint-Gérand), mais si la lexicographie générale est bien représentée (Pierre Swiggers pour l’Encyclopédie, Jacques-Philippe Saint-Gérand pour le Grand Larousse du XIXe siècle de P. Larousse), l’intérêt se porte de préférence sur la présence de termes appartenant aux langues spécialisées avec encore l’article d’Odile Leclercq, celui de Brigitte Battel pour l’étude des termes de l’économie dans le Boiste-Nodier, et celui de Marie-France Merger qui examine un dictionnaire militaire bilingue français-italien.
Venons-en à la dimension synchronique : alors que Paolo Frassi dresse un tableau récapitulatif des problèmes généraux, Patricia Kottelat recherche les traces idéologiques de racisme dans les définitions de dictionnaires des maisons Larousse et Robert, alors que Fouzia Benzakour se pose le problème des définitions des marocanismes, que Nadia Benelazmia remet en question le traitement définitionnel du lexème « métaphore » dans les dictionnaires arabes et que Cristina Dimitru-Lahaye celui du lexème « dissuasion ». Ramon Marti Solano (le traitement des unités polylexicales dans les dictionnaires anglais) et Charlotte Schapira (les noms propres) affrontent des thématiques peu explorées, tandis que Marie-Christine Jamet propose un exemple d’élaboration, à partir d’un riche corpus, de multiples définitions d’un terme («intercompréhension ») pour des formes lexicographiques diverses.

La lexicographie des langues spécialisées nous offre les analyses du traitement définitionnel dans des dictionnaires juridiques français et anglais (Silvia Cacchiani et Chiara Preite) et de la langue du sport par Pierluigi Ligas, tandis que Sandrine Reboul-Touré confronte les données des commissions de terminologie en matière de langue spécialisée (Internet) avec le traitement de ces mêmes termes dans les dictionnaires.

Si les contributions signalées jusqu’ici explorent et problématisent l’aire de la définition canonique, les travaux qui restent s’attaquent décidément aux marges, dans le but d’explorer des formes de définition spontanées, dépourvues d’épaisseur métalinguistique et fonctionnelles à l’interaction discursive ou à la cohésion textuelle.

L‘existence de formes définitionnelles textuelles ou en situation de communication orale ouvre un champ de recherche d’une richesse quasiment inépuisable dont nous avons quelques exemples. Tandis que Marc Bertin, Jean-Pierre Descles et Taouise Hacène proposent un programme informatique en mesure d’extraire les définitions d’un texte grâce à l'identification et à l'annotation automatique et sémantique des segments textuels définitoires, Aiko Niklas-Salminem propose une typologie des gloses définitionnelles au sein de la reformulation.
Ici encore la diachronie est présente, avec un article qui analyse les définitions des Lettres persanes (Frédéric Calas et Nathalie Garric). Tous les autres articles se situent dans la synchronie. Dans le domaine des langues spécialisées Marie-Pierre Escoubas examine le cas de la langue de la banque dans un texte de vulgarisation, ce qui fait intervenir le critère communicatif d’ordre pragmatique, ainsi qu’il est précisé par Hélène Beciri - sur corpus de langue spécialisée (TIC) - et par Carine Abi Ghanem-Charadévian, travaillant sur un corpus scientifique en langue arabe alors que Luiza Maxim identifie les définitions de la voix dans un corpus d’entretiens de chant lyrique. C’est à une autre variété du français que s’est intéressée Chiara Molinari dont le corpus est constitué par un blog québécois à contenu métalinguistique, tandis que Prisque Barbier travaille sur des débats télévisés de la Côte d’Ivoire.
Autre section riche et novatrice est celle que nous pourrions appeler pédagogique. Elle est centrée sur l’élaboration des modèles définitionnels tels qu’ils apparaissent en contexte d’apprentissage, à des niveaux différents, de l’école primaire à l’enseignement secondaire ou supérieur ou même en formation d’adultes (Marion Pescheux) : que l’on approfondisse l’acquisition des termes et des concepts métalinguistiques (Rouba Hassan, Angélique Masset), que l’on étudie la typologie des reformulations et leur fonction pédagogique (Stéphanie Volteau, Claudine Garcia-Debanc, Nathalie Panissal), que l’on compare les formes, à âge égal, produites dans un contexte scolaire français et italien (Sonia Gérolimich, Claire Martinot, Michele De Gioia), ou que l’on souligne, encore dans une optique comparative, comment l’apprentissage du lexique, tenu compte de la complexité de celui-ci, comporte des invariants et des variantes liées à la dimension culturelle (Micaela Rossi). L’ensemble des ces études met excellemment en lumière combien la réflexion sur l’acquisition du lexique et sur les définitions naturelles qui en résultent peut faire avancer la recherche.

En contexte ou hors contexte, la définition reste incontournable. La meilleure preuve de sa vitalité et de son efficacité n’est-elle pas dans les manipulations qu’elle suscite : dans le discours politique par exemple (Anna Giaufret), dans les parodies littéraires (Carlotta Cini) et dans les détournements, à des fins ludiques, qui font les délices des cruciverbistes (Michèle Fourment-Berni Canani).

La présence d’un nombre remarquable de textes portant sur les définitions spontanées, et plus généralement sur les stratégies discursives de négociation in itinere d’un contenu partagé, nous suggèrent une réflexion finale.

Quand le projet de ce numéro a été lancé, on s’attendait probablement à ce que la plupart des contributions portent sur la définition au sens technique, et notamment sur la structure des définitions lexicales. La présence d’un bon nombre de travaux portant sur des définitions naturelles, spontanées, qui accompagnent le déroulement d’un texte ou d’un acte de communication ou la pratique de l’enseignement d’une langue seconde, est certainement une donnée positive. Elle témoigne notamment d’une attention croissante pour les dynamiques textuelles et, plus généralement, de l’enracinement profond des catégories descriptives de la linguistique dans des pratiques langagières telles que l’enseignement des langues et la rédaction de textes pédagogiques. Toutefois, elle demande aussi un travail supplémentaire de réflexion, de mise au point et de problématisation.

Les définitions naturelles peuvent partager dans une mesure plus ou moins grande la forme des définitions ‘formelles’, mais s’en distinguent radicalement par la fonction. Or, dans le domaine des concepts opératoires tels que le concept de «définition», la fonction prime certainement sur la forme, qui en découle. Sur ces prémisses, dans quelle mesure la réflexion fine sur des définitions spontanées recevant les motivations fonctionnelles les plus disparates peut-elle nous aider à comprendre le problème général de la définition ? Et dans quelle mesure finit-elle par nous détourner vers des objectifs certes légitimes mais tout à fait excentriques? C’est-là un aspect qui n’est pas toujours souligné comme il le mérite dans les essais soumis, où la définition naturelle, sa structure, sa fonction et sa pertinence sont assumées plutôt que problématisées. Nous avons pensé que ces lignes de préface pouvaient fournir l’occasion pour soulever la question.

Qu’elles visent à négocier avec l’interlocuteur le partage d’un concept, ou à aider un apprenant à le saisir, ou encore à témoigner la maîtrise d’un concept de la part du locuteur lui-même, les définitions spontanées sont des démarches textuelles et discursives. A la différence des définitions lexicographiques, leur but n’est pas de longue haleine mais contingent : il ne s’agit pas de circonscrire le contenu lexical d’un mot, qui est une structure conceptuelle partagée dans la longue durée, mais de négocier un accord, de poser les bases pour un partage lors d’un acte de communication occasionnel. Se situant aux antipodes de la fonction des définitions formelles, les définitions textuelles partagent en revanche l’une des fonctions de l’acte de reformulation.

Les reformulations qui parsèment les textes et les échanges communicatifs sont autant de démarches visant à la solution d’une crise de partage entraînant les acteurs de la communication (M. Prandi, « Riformulazione e condivisione », in S. Bruti (éd.), La parafrasi tra messa a fuoco del codice e negoziazione discorsiva, numéro spécial de Rassegna Italiana di Linguistica Applicata XXXVI, 1: 35-48). La crise de partage peut porter aussi bien sur le contenu contingent d’un message que sur le signifié d’une phrase, d’une expression ou d’un mot. Dans ce dernier cas, la reformulation s’approche formellement d’une définition.

En tant que procédé instrumental, avec des visées notamment pédagogiques, la définition naturelle entre dans un continuum d’instruments de ‘familiarisation’ des notions qui inclut l’ostension et d’autres démarches en contexte. Cela n’implique ni que les procédures textuelles au service du savoir faire soient des définitions ni, et à plus forte raison, que le savoir-faire implique la capacité de définir ou plus simplement l’accès à la forme de la définition.

Lorsqu’on étudie les reformulations naturelles, il faudrait déterminer clairement si le but est l’étude d’un phénomène métalinguistique, textuel et/ou métatextuel en soi intéressant, la mise au point d’outils destinés aux pratiques impliquées – par exemple l’enseignement d’une L 2 – ou finalement une compréhension plus profonde des structures et des fonctions des définitions proprement dites.

Naturellement, nous pouvons imaginer que dans certains secteurs de la lexicographie – par exemple dans la rédaction de dictionnaires destinés aux enfants ou aux apprenants - l’étude des formes spontanées de reformulations soit en mesure de fournir des suggestions, ou plus simplement des occasions pour réfléchir, très pertinentes (voir par exemple G. Biorci, L. Ferlino, M. Rossi, Imparare dai bambini. Dizionario spontaneo e guida all’uso delle parole, Compagnia dei Librai, Gênes, 2003; M. Rossi, Dictionnaires pour enfants et accès au sens lexical. Pour une réflexion métalexicographique, Actes du Colloque EURALEX 2004, Lorient, 6-10 juillet 2004, Université de Bretagne Sud, Vol. 2, 2004 : 417-426). Mais cela, encore une fois, devrait faire l’objet d’une réflexion rigoureuse et cohérente.



Note technique (Micaela Rossi)
L'élaboration d'une revue électronique, malgré l'apparente facilité, n'est pas exempte de contraintes et - hélas! - de limites techniques; pour cette raison, vous trouverez des articles qui sont édités en deux parties (les articles de S. Gerolimich, C. Martinot, M. De Gioia, de M. P. Escoubas-Benveniste, de S. Cacchiani et C. Preite). De même, pour les articles de M. Rossi et de M. C. Jamet, la bibliographie est insérée dans l'espace consacré aux notes.

Un remerciement particulier, enfin, pour les membres du Comité Scientifique, dont l'apport a été fondamental pour la réalisation de cette publication: Hélène Giaufret Colombani, Alise Lehmann, Mariagrazia Margarito, Paola Paissa, Sergio Poli, Michele Prandi.


Pour citer cet article :

Hélène GIAUFRET COLOMBANI, Michele PRANDI, Préface, Autour de la définition, Publifarum, n. 11, pubblicato il 01/03/2010, consultato il 24/04/2024, url: http://www.farum.it/publifarum/ezine_articles.php?id=155

 

Dipartimento di Lingue e Culture Moderne - Università di Genova
Open Access Journal - ISSN électronique 1824-7482

Site réalisé avec DOMUS