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La dénomination métaphorique financière « hedge fund », entre démétaphorisation par la traduction et charge axiologique. Une étude comparée anglais, français, italien

Danio MALDUSSI



Abstract

Dans notre article, nous nous focaliserons tout d’abord sur la dénomination métaphorique anglaise « hedge fund », qui appartient à l’univers des investissements financiers, et sur les équivalents français et italiens offerts par les banques de données terminologiques italiennes et de la francophonie et par les ressources terminographiques en ligne. En deuxième lieu, nous passerons brièvement en revue les facteurs d’opacification dans l’univers de la finance, les technicités liées aux « hedge funds », avec un focus sur l’origine de la métaphore constitutive et fondatrice de type créatif « hedge ». En troisième lieu, nous reconstruirons les raisons du choix d’équivalents que nous qualifions de « démétaphorisants », à savoir « fonds spéculatif » en français et « fondo speculativo » en italien, ainsi que le type de prosodie sémantique qui les accompagne. Nous formulons l’hypothèse que, indépendamment du bienfondé des raisons sous-jacentes le choix d’une dénomination démetaphorisante de la part des Commissions de terminologie françaises et du législateur italien, l’ambivalence axiologique qui caractérise le concept de « spéculation » finit par faire basculer la réception du terme dans une perspective péjorative. En particulier, à partir du moment où cette dénomination sort du domaine technique pour entrer dans le discours médiatisé de vulgarisation.

The aim of this paper is three-fold. First, it will focus on the metaphorical term in English «hedge » fund”, which belongs to the world of financial investments, and on the French and Italian equivalents offered by terminology databases and online terminographic resources. Second, it will survey the nature of linguistic obscurity in the world of finance, the technicalities of hedge funds and the origin of the constitutive and founding metaphor of the creative type « hedge », Third, it will reconstruct the reasons for the choice of « demetaphorizing » equivalents, such as « fonds spéculatif » in French and « fondo speculativo » in Italian, as well as the type of semantic prosody they bring with them. It will argue that, regardless of the underlying reasons for the choice of a demetaphorizing noun by the French Terminology Commissions and the Italian legislator, the axiological ambivalence that is inherent in the concept of « speculation » ends up providing a negative connotation to these translational equivalents, in particular when these uses leave the technical domain and enter those of media and standard discourse.

Introduction

Dans notre article, nous nous focaliserons sur la dénomination métaphorique d’origine anglo-américaine « hedge fund », qui appartient à l’univers des investissements financiers, et sur les équivalents français et italiens offerts par les banques de données terminologiques italiennes et de la francophonie et par les ressources terminographiques en ligne.Dans le sillage d'un précédent travail consacré aux connotations idéologiques qui ont caractérisé le changement de dénomination de « hedge funds » à « hedge funds/fonds spéculatifs » et finalement à « fonds alternatifs/fonds alternatifs » (MALDUSSI 2015), nous nous concentrerons en premier lieu, après une brève analyse des facteurs d’opacification dans l’univers de la finance et des technicités liées aux « hedge funds », sur l’origine de la métaphore constitutive et fondatrice de type créatif « hedge », en français littéralement « haie » et sur l’analyse de son champ sémantique. En deuxième lieu, après un survol des divers cas de figure en cas de transfert intralinguistique de la terminologie financière d’origine anglo-saxonne des Commissions de terminologie nous inspirant des travaux de GIAUFRET et ROSSI (2013) et de ROSSI (2015, 2017, 2018), nous reconstruirons les raisons du choix des équivalents que nous qualifions de « démétaphorisants », à savoir qui procèdent à un effacement de la métaphore initiale, telles que « fonds spéculatif » en français et « fondo speculativo » en italien, ainsi que le type de prosodie sémantique qui les accompagne. À cette fin, nous citerons également le contenu d’une communication personnelle du chargé du suivi des commissions de terminologie et de néologie dont la publication nous a été accordée. Nous adoptons ici une perspective qui essaie de tenir compte de la globalité du réseau conceptuel où le terme a pris naissance, sans oublier le rôle du discours dans lequel il s’insère et celui du débat qu’il est emmené à déchainer dans la communauté financière et dans le sentiment général. Pour conclure, nous formulons l’hypothèse que, indépendamment du bienfondé des raisons sous-jacentes le choix d’une dénomination démetaphorisante de la part des Commissions de terminologie et du législateur italien, l’ambivalence axiologique qui caractérise le concept de « spéculation » finit par faire basculer la réception du terme dans une perspective péjorative. En particulier, à partir du moment où cette dénomination sort du domaine technique pour entrer dans le discours médiatisé de vulgarisation.

1. Terminologie financière et facteurs d’opacification

Notre époque est parsemée de termes qui pointent dans notre quotidien et s’affirment comme des signes d’un moment historique déterminé. L’actuelle crise économique et financière qui sévit depuis 2008, année de la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, nous a habitués à des apparitions périodiques d’anglicismes : « bad bank », « default », « haircut », « shadow banking », « quantitative easing », des termes qui, à quelques exceptions près, préexistaient à la crise mais que cette dernière a fait revenir sur le devant de la scène, non sans subir des glissements sémantiques perceptibles dans la diachronie1. D’après le linguiste De Mauro, cette prolifération de la terminologie économique et financière à fréquence élevée serait liée à « una finanziarizzazione progressiva di tanti aspetti della vita italiana: meno produzione e più finanza » (CARRER 2016) où par « financiarisation »2 il faut entendre la 

domination grandissante de la finance dans la somme totale de l'activité économique – celle des contrôleurs financiers dans la gestion des entreprises, des avoirs financiers dans l'ensemble des patrimoines, des titres sur les marchés boursiers - des actions en particulier – entre autres actifs financiers, de la bourse en tant que marché pour la prise de contrôle d'entreprises lors de la définition des stratégies d'entreprise, et des fluctuations des marchés boursiers en tant que déterminants des cycles économiques (DORE 2002 : 116-117 in UNI GLOBAL UNION RAPPORT 2008 :3).

Si la financiarisation de la vie au quotidien est la cause principale de la diffusion de la langue anglo-américaine, de même il faut ajouter que cette dernière doit être évaluée au vu de différentes politiques linguistiques mises en œuvre par les différents pays. Comme l’écrivent GIAUFRET et ROSSI :

[…] alors que la francophonie a depuis longtemps mis en œuvre un dispositif de politique linguistique explicite par rapport aux termes scientifiques et techniques (voir entre autres l’essai de Depecker, 2001), l’Italie pratique une politique linguistique plutôt accueillante face aux termes provenant d’autres langues dans les domaines spécialisés (GIAUFRET, ROSSI 2013).

Or, si la diffusion grandissante de la terminologie économique et financière est également attribuable à la spectacularisation et à la dramatisation de l'information relayée par la presse et les médias sociaux (BOULANGER 2016 : 152) ainsi qu’au goût pour le sensationnalisme, tous ces aspects ne font qu’amplifier le « bruit » autour des nouvelles financières et représentent autant de facteurs d’opacification de cette même terminologie qui finit donc par s’accompagner d’une simplicité de surface. À ces facteurs d’opacification s’ajoutent celui du passage de cette même terminologie du domaine spécialisé à celui de la vulgarisation, caractérisé par la focalisation sur un nombre restreint de facettes qui composent le prisme conceptuel d’un terme déterminé, les médias étant «agents de circulation des formules», des «tailleurs […] qui opèrent par sélection et filtrage (KRIEG-PLANQUE 2009 : 123-127). Cette opération de basculement du domaine spécialisé à celui de la vulgarisation se produit au risque de creuser l’écart entre communication spécialisée et réception du grand public (MALDUSSI 2012). En guise de conclusion de ce rapide survol, nous mentionnons la désinformation financière qui rend la vie difficile aux épargnants d’où le besoin urgent d’un niveau adéquat d’alphabétisation financière3.

Or, ces facteurs d’opacification constituent également un terrain fertile pour la naissance et la propagation des métaphores dénominatives. Comme l’écrit BOULANGER, « [l]a complexité de la finance rend la simplification par la métaphore d’autant plus attrayante aux yeux des lecteurs et des journalistes aussi » (2016 : 151), le phénomène de la métaphorisation étant aussi attribuable au prestige dont jouissent les contenus thématiques appartenant à la finance. D’après DEVOTO cité par DARDANO (1939 :114-121 in DARDANO 1998 :72), pour comprendre la nature de la langue économique et financière, il est nécessaire de relever

il dualismo di fondo tra l’atteggiamento logico, fondato sull’analisi e sul giudizio tecnico e la partecipazione del sentimento, che esprime soddisfazione o preoccupazione, che vuole dare a seconda dei casi un apprezzamento esplicito o implicito. Di qui l’origine di quegli elementi affettivi, dell’eufemismo e della metafora che penetrano tanto in questo linguaggio da influenzare potentemente il fondamento tecnico del discorso (DEVOTO 1939 :114-121).

Dans les prochains paragraphes, nous nous focaliserons sur un type de métaphore constitutive et fondatrice de type créatif4 telle que « hedge » à savoir la métaphore de la ‘haie’ ou de la ‘barrière’. La fonction d’une haie ou d’une barrière, nomen omen, est celle, par exemple, de protéger ou de délimiter, une propriété. Or, « hedge » devient un mot polysémique au moment où il pénètre dans le domaine de l’économie, désignant les stratégies de protection ou de couverture du risque mises en œuvre par les fonds dit « hedge » d’où la dénomination « hedge funds » en langue anglo-américaine. Or, la reconstruction du contenu conceptuel de cette métaphore et de ses réalisations linguistiques par pays ne peut faire abstraction de différentes strates qui se sont superposées au fil des années: que l’on pense aux « hedge funds » dans la visée de leur initiateur pendant les années 60, aux différentes réalisations linguistiques qui caractérisent sa traduction (voir paragraphe 3), ainsi qu’à celle, pour conclure, de « fonds alternatifs » qui fonctionne en tant que terme hypéronymique qui englobe toute une série de fonds, parmi lesquels les hedge funds. Nous commencerons par approfondir le fonctionnement de ces produits financiers et leurs aspects techniques et sémantiques.

2. Les « hedge fund » sur la sellette, entre dénomination métaphorique et aspects sémantiques

Nous fournirons dans ce paragraphe un survol sur le sémantisme des stratégies de type « hedge », nous focalisant sur la métaphore constitutive de « hedge ».

Les « hedge funds » font leur première apparition sur le marché américain en 1949. À cette époque, leur inventeur, Alfred W. Jones, lance son fonds « W. Jones & Co. » avec un succès retentissant en termes de rendement par rapport aux autres fonds de référence (LHABITANT 2006 : 8). La dénomination « hedge fund » est un terme attribué à la journaliste américaine Carol Loomis, qui l’utilisa pour la première fois plusieurs années après leur création, notamment en 1966, dans un article devenu célèbre, The Jones Nobody Keeps Up With, publié dans la revue Fortune pour dénommer l’idée révolutionnaire d’Alfred W. Jones (Ibid. : 10). Mais en quoi consiste la nouvelle stratégie d’investissement introduite par son initiateur et pourquoi est-elle considérée comme révolutionnaire, à tel point qu’elle fait encore débat aujourd’hui ? Et, finalement, qu’est-ce que un « hedge fund » ?

Selon le site INVESTOR.GOV de la SEC (Security Exchange Commission) américaine, homologue de la COB française :

Hedge funds pool money from investors and invest in securities or other types of investments with the goal of getting positive returns. Hedge funds are not regulated as heavily as mutual funds and generally have more leeway than mutual funds to pursue investments and strategies that may increase the risk of investment losses. Hedge funds are limited to wealthier investors who can afford the higher fees and risks of hedge fund investing, and institutional investors, including pension funds5.

D’après LHABITANT, la véritable innovation introduite par Jones dans l’univers de l’ingénierie financière est celle d’avoir su fondre la vente à découvert ou « short-selling », à savoir la vente de titres sans les posséder matériellement dans l’espoir de les acheter à moindre prix successivement, anticipant une baisse de leur prix6 et le levier ou « leverage », à savoir le recours à l’emprunt bancaire ou endettement pour acheter ces mêmes titres, le tout dans le cadre d’une approche à l’investissement de type conservatif (LHABITANT 2006 523-536).

D’après CHALLAL, le changement de paradigme induit par cette innovation tous azimuts dans l’univers de l’investissement consiste à :

utiliser des instruments spéculatifs (déjà existants au sein des trading desk des banques) pour répondre à des objectifs de couverture et donc diminuer le risque adossé. La nouveauté chez Jones est la combinaison de deux techniques spéculatives : acheter à la marge des actions à fort rendement espéré et revendre à découvert des actions à faible rendement espéré (stock picking) (CHALLAL 2018).

Comme nous l’avons écrit dans notre article précédent auquel nous renvoyons (MALDUSSI 2015), un hedge fund se définit par la négative. Comme le soulignent NIGRO et ROMANO, si l’on exclut quelques exceptions,

nessun ordinamento giuridico fornisce una definizione di jus positum che si spinga sino a stabilire cosa sia, in positivo, un hedge fund. Altro è, infatti, l’usuale approccio seguito dai regulators, preferendosi piuttosto dire cosa un hedge fund non è, e cioè un fondo comune d’investimento, alla cui regolamentazione viene così ad essere sottratto’ (NIGRO, ROMANO 2013: 9-10).

Les hedge funds d’origine américaine agissent donc, fondamentalement, dans un univers non règlementé et toute tentative de les soumettre à quelque sorte de règlementation a, dans une certaine mesure, échoué (Ibid. 55-56). Si d’un côté il s’avère presque impossible de repérer une définition univoque de « hedge funds » (VAUGHAN 2003), de l’autre ces produits possèdent des caractéristiques spécifiques qui les distinguent de toute autre forme d’investissement, telle que, par exemple, les fonds d’investissement traditionnels dont font partie les fonds communs de placement. Les objectifs de performance des stratégies appliquées par les « hedge funds », par exemple, sont ceux de générer desrendements dits « absolus », à savoir des rendements qui sont décorrélés de la performance d’un indice de référence ou d’un marché particulier, que le marché soit haussier ou baissier.

Pour ce qui est de la considération dont jouissent les « hedge funds », pour certains ils seraient, depuis leur invention, à l’origine de différentes crises, accusés d’amplifier les tensions sur les marchés financiers. Pour d’autres ils seraient tout simplement les boucs émissaires de l’univers financier (MALDUSSI 2015). Or, selon CARTAPANIS et TEÏLETCHE (2008 : 2) « [l]e rôle des investisseurs à risque – les hedge funds – dans le déclenchement et l’approfondissement de la crise est plus controversé ». Les hedge funds

sont souvent associés aux excès de la spéculation financière et à l’instabilité des marchés. Pourtant, les pertes abyssales en septembre 2006 du fonds Amaranth, de l’ordre de 6 milliards de dollars pour une net asset value de 9 milliards, n’ont induit aucun effet de contagion massif, ni parmi les autres fonds, ni du côté des contreparties (Ibid.)

D’après ces mêmes auteurs, leur appellation « recouvre une palette hétérogène de stratégies ou de ‘styles’ de gestion de portefeuille » même s’« [i]l est vrai que c’est dans la culture des hedge funds de ne s’exposer que partiellement au directionnel de marché, d’où leur nom de hedge » (Ibid. : 5).

L’éventail actuel des stratégies à la disposition des hedge funds est certainement plus sophistiqué par rapport aux produits auxquels songeait son inventeur, Alfred W. Jones pour qui les « hedge funds » étaient plutôt des « conservative investment scheme ». Les hedge funds sont fondamentalement des fournisseurs de liquidité, sont à la recherche de rendements absolus positifs, se positionnent sur une vaste gamme de marchés, étant libres de sélectionner plusieurs techniques financières, parmi lesquelles la vente à découvert et le recours à l’endettement.

Après avoir esquissé brièvement ce qui distingue un hedge fund des autres types d’investissement, nous allons revenir sur la métaphore initiale de la « haie », un trope qui traduit le sémantisme et la raison d’être des hedge funds selon la vision de leur initiateur, à savoir celle de fournir une protection du risque7. Le verbe « to hedge» signifie non seulement limiter, mettre en œuvre des précautions ou se couvrir du risque mais aussi répartir ce même risque. À ce propos, la définition qu’en donne le New Webster’s Dictionary of the English Language nous parait assez éclairante : « a means of protection against a loss, as of a wager, through a counterbalancing action » (1971: 446) à savoir, dans le cas des ‘hedge fund’ grâce à une série d’opérations de signe contraire qui composent l’« action de rééquilibrage ». D’après le site talkingofmoney.com, cette action de rééquilibrage consiste à :

[…] compenser son exposition au risque de marché en adoptant une position opposée - par exemple, vendre à découvert ou détenir des contrats à terme. En fait, une couverture parfaite est celle qui compense totalement les gains et les pertes, créant ainsi une position totalement neutre8.

Pour saisir le sémantisme du verbe « to hedge », l’analyse de l’expression « to hedge one’s bets », qui d’après le site Etymology Online remonte aux années 16009, se révèle stratégique. Le Cambridge Dictionary nous offre à ce propos la définition suivante: « to protect yourself against loss by supporting more than one possible result or both sides in a competition »10. Le Lexique de Banque et de Bourse (SOUSI-ROUBI, 1990 : 162) qui pour « hedge » et « hedging » propose l’équivalent « opération de couverture » nous offre de cette dernière une définition très pertinente aux fins de notre recherche : « par opposition à une opération spéculative, se dit généralement de toute opération qu’on réalise dans le but de se prémunir notamment, contre un risque de taux ou de change qu’on redoute ». Comme nous le verrons dans la suite de cet article, l’opposition entre une opération spéculative et une opération de couverture résultera de taille dans l’analyse de la réception du terme « spéculation » auquel fait référence la traduction italienne et française.

Le Lexique bilingue d’analyse financière propose « fonds d’arbitrage » pour « hedge fund » et deux équivalents de « hedging » : « couverture » et « arbitrage en couverture d’actifs » (CHAVANNE, VAN OORDT, 1993 : 124). Le concept d’arbitrage rappelle ici celui d’achat et vente simultanée d’actifs. Comme le confirme VALENTE, par arbitrage de portefeuille il faut entendre le « remplacement de titres d’un portefeuille par d’autres titres considérés plus rémunérateurs », en anglais « hedging » (VALENTE 1993 :50).

Pour conclure, en ce qui concerne la productivité de la lexie « hedge », cette dernière devient tête de syntagme dans une série de termes spécialisés tels que, par exemple, « hedge accounting », en français « comptabilité de couverture » et « hedge ratio », en français « rapport » ou « ratio de couverture » ou bien « ratio d’équivalence ».

3. La dénomination métaphorique « hedge funds » dans les banques de données francophones et italiennes et dans les ressources terminographiques en ligne, entre traduction et démétaphorisation 

Sur la base du tableau récapitulatif des divers cas de figure en cas de transfert intralinguistique de la terminologie financière d’origine anglo-saxonne proposé par ROSSI, trois lignes de tendance semblent émerger : identité de la métaphore, comme dans le cas de «one-shot», pour lequel est proposé « coup unique »; modulation de la métaphore comme dans le cas de « hit and run » pour lequel les Commissions de terminologie ont opté pour « action éclair », avec la perte de la connotation de risque ; effacement de la métaphore par un équivalent à base dénominative ou par un terme complexe explicatif, comme par exemple dans le cas de « bear market » et de « bull market », pour lesquels les équivalents proposés sont « marché baissier »et « marché haussier » (ROSSI 2015: 137-138).

La métaphore « hedge », à la base de la dénomination métaphorique dénominative de type créatif « hedge funds » présente un énonciateur primaire, Carol Loomis, et de ce fait « est utilisée pour légitimer la découverte, et en même temps pour légitimer la renommée du chercheur dans son champ de recherche » (ROSSI 2017: 158). Comme le constate ROSSI :

La création de nouvelles terminologies à base métaphorique est depuis toujours une stratégie abondamment exploitée dans les langues spécialisées. Ressource apparemment disponible et accessible dans le réservoir du lexique général, la métaphore terminologique est dans la plupart des cas considérée comme un ressort performant pour faciliter l’accès aux contenus techniques et scientifiques, une sorte d’outil cognitif de simplification de notions abstraites ou difficiles à conceptualiser hors cercle restreint des spécialistes d’un domaine (Ibid. : 153).

Un aspect particulièrement important est celui des problématiques liées au passage de ces métaphores d’une langue-culture à l’autre. Comme nous le rappellent GIAUFRET et ROSSI :

Ces métaphores sont souvent le fruit d’une culture scientifique ou technologique partagée, fortement ancrée dans son contexte d’origine ; quelles sont les dynamiques qui se manifestent lorsque l’innovation scientifique désignée par la métaphore passe dans une autre langue/culture ? Quelles sont les stratégies adoptées par les communautés linguistiques d’accueil ? Entre néonymie et calque, les choix des politiques linguistiques diffèrent (GIAUFRET, ROSSI 2013).

Nous allons nous aussi nous focaliser sur les relations et sur l’évolution de ces mêmes relations que les pays francophones et l’italien entretiennent avec ce syntagme métaphorique d’origine anglo-américaine.

3.1 Le cas français

Afin de relever le comportement linguistique de la langue française à l’égard de la dénomination « hedge funds », nous procéderons ici à l’étude des équivalents offerts par les banques terminologiques francophones FRANCETERME, BELTERME, GDT et TERMDAT, auxquelles nous avons ajouté un rapide survol des ressources terminographiques en ligne telles que IATE, UNTERM et le Glossaire multilingue du Fonds monétaire international. Le relevé des enregistrements respectifs révèle la répartition suivante :

FRANCETERME

BELTERME

GDT

TERMDAT

Hedge fund

Fonds spéculatif

Fonds spéculatif

Fonds spéculatif
Fonds de couverture

Fonds spéculatif

Procédons dans le détail. FRANCETERME, la base de données dans laquelle sont rendus accessibles « les termes et définitions rédigés, validés, publiés au Journal officiel » (CROUZET-DAURAT, LE TALLEC-LLORET 2018 : 139) et dont l’activité a pour but d’offrir « à chacun la possibilité d’accéder aux savoirs, aux droits et aux ressources culturelles de toute sorte dans une langue claire, précise et compréhensible » (Ibid. : 147) propose « fonds spéculatif » (J.O. du 14/08/1998) suivi de la définition suivante :

Fonds d'investissement à haut risque portant principalement sur des produits à effet de levier particulièrement élevé, c'est-à-dire permettant, pour des mises limitées, d'opérer sur des montants beaucoup plus importants, mais avec des risques considérables.

Comme on peut le remarquer, cette définition11 focalise le niveau élevé de risque que comporte la nature même de ces fonds, le terme « risque » présentant deux occurrences dans le même texte, « à haut risque » et « risques considérables »12 et, en ce sens, se rattache aux définitions que donne le Cambridge Dictionary de « speculative », à savoir « a speculative investor is willing to accept a high level of risk in the hope of making a profit » et aussi « done in order to make a profit even though there is risk that you may lose money »13. Il est intéressant de rappeler ici, à propos de la focalisation sur les risques, l’explication fournie, lors d’un échange de mail14, par Étienne Quillot, chargé du suivi des commissions de terminologie et de néologie :

En 1997, pour le terme « fonds spéculatif », c’est encore l’avis des experts (dont des représentants de l’administration des finances) qui a primé. Les experts à l’époque ont innové, en écartant les traductions déjà disponibles – Termium et le Dictionnaire anglais des affaires, du commerce et de la finance français-anglais, anglais-français (voir ci-dessous) –, et sans qu’il y ait intervention du législateur. C’est l’analyse de la notion qui a conduit les experts à souligner le caractère spéculatif. Après la création de la Commission générale de terminologie et de néologie en 1996 et l’entrée de l’Académie française dans le dispositif, les experts des commissions ont été très attentifs à choisir des termes très descriptifs, permettant de comprendre d’emblée la notion. En fait, le choix de « spéculatif » est à rapprocher de celui fait pour junk bond (obligation à haut risque). Pour ce dernier terme, il y a eu hésitation entre « spéculatif » et « à haut risque » (« pourrie » étant d’un autre registre de langue)15.

La fiche « fonds spéculatif » renvoie également à « courtier principal, établissement à fort effet de levier, gestion atypique », des dénominations qui, contrairement à la première, font référence aux types de stratégies mises en œuvre par ces fonds. FRANCETERME propose également l’équivalent de « hedger » mais avec une focalisation cette fois-ci sur les objectifs de protection de l’opérateur : « opérateur/trice en couverture », publié au J.O. du 22/09/200016. Il est fort utile de citer ici, à propos du choix du terme « opérateur, -trice en couverture », la reconstruction fournie par Étienne Quillot, chargé du suivi des commissions de terminologie et de néologie17 :

La publication du terme « opérateur, -trice en couverture » est ancienne. Elle remonte en fait à un arrêté ministériel de terminologie de 1991 […]. Les experts de l’époque se sont attachés à décrire la notion et à trouver le terme le plus adéquat. Cette publication a été révisée après la création de la Commission générale de terminologie et de néologie en 1996 et l’entrée de l’Académie française dans le dispositif, et republiée au Journal officiel sans modification en septembre 2000 (c’est une exception car les fiches antérieures à 1996 ont été très largement soit supprimées, soit amendées). En 1991, la commission ministérielle chargée des finances, comme toutes les autres commissions de l’époque était composée d’experts du secteur et de représentants de l’administration des finances, sans interférence de linguistes (pas d’avis de l’Académie, pas de consultation de non-spécialistes). C’est donc l’usage et la réalité professionnelle qui ont primé.

FRANCETERME offre également l’équivalent « couverture » pour « hedging » qui focalise lui aussi les stratégies mises en œuvre pour compenser le risque18.

Avant de passer à l’analyse des équivalents offerts par les autres banques de données francophones, il est important de préciser que la procédure suivie par la Commission d’enrichissement de la langue française (CELF) est « fondée sur des principes forts de concertation et la recherche du consensus » et que l’objectif est celui d’examiner « les termes, expressions et définitions proposés par les groupes d’experts » et de veiller « à les harmoniser avec ceux des autres organismes de terminologie et de normalisation et avec ceux des pays francophones et des organisations internationales dont le français est langue officielle ou langue de travail » (CROUZET-DAURAT, LE TALLEC-LLORET 2018 : 133). En effet, à l’instar de FRANCETERME, la banque de données BELTERME propose le même équivalent « fonds spéculatif » suivi de la même définition du J.O. du 14/08/98.

Le GDT (GRAND DICTIONNAIRE TERMINOLOGIQUE) de l’Office Québécois de la Langue française opère, au contraire, un dégroupement homonymique entre hedge fund en tant que « fonds spéculatif (Office québécois de la langue française, 2006) », hedge fund en tant que « fonds de couverture (Institut Canadien des Comptables Agréés, 2006) » et « fonds spéculatif (Commission d'enrichissement de la langue française (France), FranceTerme, 1998) ». Toutes les acceptions sont suivies des définitions respectives. Il est intéressant de remarquer que la fiche rédigée par l’Office québécois liste les termes conseillés : « fonds spéculatif », « fonds d'investissement spéculatif », « fonds de placement spéculatif ». Tout comme les termes déconseillés : « fonds alternatif » et « fonds de couverture », avec la motivation suivante :

De même, le terme fonds alternatif est à éviter, le sens donné à l'adjectif alternatif étant celui que l'on trouve en anglais, soit « qui représente une solution de rechange », sens qui n'existe pas en français.

Depuis leur création en 1949, aux États-Unis, les fonds spéculatifs ont beaucoup évolué. Au début, la stratégie de gestion utilisée était la couverture, d'où l'appellation fonds de couverture, traduction littérale de l'anglais hedge fund. S'il est d'un usage courant, ce calque n'en est pas moins inapproprié pour désigner cette notion, car la couverture implique un risque relativement faible, ce qui n'est pas le cas pour les stratégies utilisées dans les fonds spéculatifs. Même en anglais, certains auteurs critiquent l'appellation hedge fund.

Les notes présentes dans la fiche précisent que

It is important to note that the name hedge fund is mostly historical, as the first hedge funds tried to hedge against the potential downside risk of a bear market with their ability to short the market, or make money when stocks fall. While hedging is actually a strategy designed to reduce investment risk by using two offsetting investment strategies, the types of investments made by the hedge fund managers vary widely and these funds can carry more risk than the overall market. Modern hedge funds use dozens of different strategies, including many that do not involve traditional hedging techniques.

TERMDAT, la banque de données terminologiques de l’administration fédérale suisse, nous propose l’équivalent « fonds spéculatif » avec l’ajout d’une note : « USG: privilégié; EXP: terme général, assez vague et souvent dépréciatif ».

Nous allons analyser maintenant les équivalents proposés par les ressources terminographiques en ligne IATE, UNTERM et FMI.

IATE
UNTERM
FMI
Hedge fund
Fonds spéculatif ;
fonds de gestion alternative
Fonds spéculatif
Fonds spéculatif ;
fonds d'investissements spéculatifs ;
fonds de couverture

IATE (InterActive Terminology for Europe), la banque de données terminologiques multilingue de l’UE, enregistre, à côté du terme recommandé « fonds spéculatif », celui de « fonds de gestion alternative ». UNTERM, la banque de données de l’ONU, propose uniquement « fonds spéculatif », réservant le concept de couverture uniquement dans les termes composés, comme par exemple « achat de couverture » et « ratio de couverture ». Le Glossaire multilingue du Fonds monétaire international propose, à coté de « hedge fund », « absolute return fund » et trois équivalents en français : fonds spéculatif, fonds d'investissements spéculatifs et fonds de couverture.

Comme il apparait de ce survol, l’analyse colingue de plusieurs enregistrements concernant la même donnée conceptuelle reflète un niveau de dispersion de taille, en particulier pour les deux solutions proposées de « fonds spéculatifs » et « fonds de couverture », ce qui reflète en filigrane le choix problématique d’un équivalent institutionnel. Nous pouvons également observer la présence d’un « ‘discours terminographique’ qui conditionne la traduction des termes et qui tend à se naturaliser lors de la reprise des termes en discours » (RAUS, 2015 : 282) et à se refléter dans la prosodie sémantique qui accompagne ces termes. Or, la séparation opérée en français où un signifiant distinct a été destiné à chacune des deux significations, face à une seule instance en langue de départ, ne risque-t-elle pas d’engendrer une certaine difficulté dans le choix de la part du traducteur ? Sommes-nous en présence de variantes et de synonymes ? Comme l’écrit RAUS,

Face au problème de l’excès d’équivalents terminologiques, […] le traducteur doit en général veiller sur ses choix et utiliser les sources terminographiques disponibles de manière consciente, ce qui veut dire qu’il doit tenir compte d’un côté qu’il a affaire à du discours et de l’autre, que ce discours varie en fonction des PdV [points de vue], des positionnements et des choix colingues des instances énonciatives (Ibid. : 291).

Or, c’est bien le repérage des « PdV et [des] positionnements différents qui [permet] de retracer les conditions de production des équivalents français » (Ibid. : 287) et italiens et donc c’est d’abord « la manière de concevoir » dans notre cas le concept de « hedge » « qui, tout comme sa circulation discursive préalable, conditionne la traduction du syntagme en question » (Ibid.). Or, nous prenons bonne note du fait que IATE, tout comme FRANCETERME et le GDT accompagnent les différents équivalents de « marques d’archives » (Ibid.: 292), à savoir des « annotations et des remarques terminologiques qui renvoient aux conditions de production du terme à l’intérieur d’un discours spécifique » (Ibid.). Toutefois, comme le souligne la même auteure, ces marques sont présentes dans la majorité des cas « en tant que marques sociolinguistiques (marques d’usage, variations diachroniques des termes…) et très rarement en tant que marques discursives redevables de points de vue, de positionnements, de préconstruits discursifs … des instances énonciatives » (RAUS 2013 : 90). Le GDT, comme nous venons de le voir, motive également les raisons des termes déconseillés. Dans le prochain paragraphe nous allons reconstruire la motivation, dans ce cas « juridique » sous-jacente le choix de l’équivalent italien « fondo speculativo ».

3.2 Le cas italien

L’origine du terme « fondo speculativo » est d’ordre juridique. Le début officiel de ces fonds dans l’univers italien de l’investissement date de 2001, grâce au Decreto del Ministero del Tesoro n° 228 du 24 mai 1999. Comme nous l’avons analysé dans un article précédent focalisé sur l’assimilation problématique du concept de « hedge funds » avec celui de « fondi speculativi », les analogies parmi ces deux types de fonds sont nombreuses mais pas suffisantes pour que les deux concepts puissent se recouper (MALDUSSI : 2015). ANNUNZIATA, dans sa préface au volume Gli hedge fund parlano italiano (MANULI et al. 2003: VI), explique que la nouvelle catégorie de fonds italienne est souvent associée aux « hedge funds ». Or, comme l’établit l’article 16 du Decreto del Ministero del Tesoro n° 228 du 24 mai 1999, les différences sont de taille : l’investissement minimum initial est de 500.000 euros, la sollicitation à l’investissement dans ces produits est interdite, la gestion est aux mains des SGR (Società di gestione del risparmio), leur nature «risquée» devant être bien déclarée. Toutefois, comme le souligne ANNUNZIATA, la caractéristique principale qui différencie ces produits des autres fonds d’investissement traditionnels est la présence ou l’absence d’un certain niveau de règlementation, les hedge funds d’origine américaine étant fondamentalement non règlementés alors que les « fondi speculativi » de droit italien sont règlementés sous l’égide de la Banque centrale d’Italie (Ibid. : V-VII).

Il apparaît de toute évidence que les deux typologies de fonds ont leur origine de deux situations juridiques différentes et pour cela elles ne peuvent pas être considérées comme superposables ou assimilables, d’où l’incongruité de phrases du type « I fondi speculativi (in inglese hedge funds) […] » tirées de nos corpus de presse spécialisée et généraliste auxquels nous renvoyons (MALDUSSI 2015) qui créent l’illusion de l’équivalence, avec le risque que la référence soit aux « hedge funds » américains et non pas aux fonds de droit italien.

Nous passons maintenant à l’analyse des équivalents italiens dans les ressources terminographiques en ligne IATE et UNTERM (qui couvrent la langue italienne) et dans la base de données italienne de l’AIEBB (Enciclopedia nazionale della banca e della borsa).

IATE
TERMDAT
AIEBB
Hedge fund
Hedge fund;
fondo comune di investimento speculativo;
fondo comune speculativo;
fondo speculativo
Fondo speculativo ;
hedge fund
Fondo speculativo ;
hedge fund

IATE propose un éventail assez varié : l’emprunt intégral « hedge fund »19, « fondo comune di investimento speculativo », « fondo comune speculativo », « fondo speculativo ». Il est intéressant de remarquer que la définition en anglais qui accompagne l’emprunt intégral est focalisée sur le fonctionnement de ce produit « pooled investment vehicle that is privately organised and is administered by professional investment managers » tandis que la définition unique pour les autres équivalents proposés focalise le risque et la recherche de rendement : « Fondi comuni caratterizzati da politiche di investimento molto rischiose, il cui fine principale è quello del rendimento assoluto »20.

La banque de données TERMDAT propose deux équivalents : « fondo speculativo », dont la définition focalise le rendement, et l’emprunt intégral « hedge fund » qui, au contraire focalise le niveau élevé de risque. La base de données de l’AIEBB propose « fondo speculativo », dont la définition met en évidence le niveau de risque des activités proposées par ces produits, et l’emprunt intégral « hedge fund » qui, au contraire, a une définition moins restrictive qui met en exergue l’absence de contrôles.

Dans notre essai précédent (MALDUSSI 2015), nous avons défini les deux dénominations, « fonds spéculatifs » et « fondi speculativi », comme deux cas d’hyperbole, à savoir des formules discursives, tout comme les euphémismes, les slogans et les mots de passe, d’après la classification de DANCETTE (2013: 455). Or, la fonction des hyperboles est celle d’attirer l’attention sur un phénomène spécifique, ce qui confirmerait notre opinion que le choix de l’adjectif « spéculatif » est lié à l’intention de souligner le risqué lié à ces produits, comme du reste le montrent les différentes définitions analysées précédemment. De même, les expressions « fondi speculativi » et « fonds spéculatifs » peuvent être à juste titre considérées comme des concepts vagues (Ibid. : 460), voire des hypéronymes vagues. Si le choix d’un hypéronyme vague n’est pas nouveau, notamment dans l’univers juridique italien, nous pensons que l’aspect plus intéressant est le choix d’adjectifs évaluatifs tels que « spéculatif » et « speculativo » auxquels se rattache le champ sémantique de la « spéculation », alors que dans la métaphore initiale le mot « hedge » focalise les aspects axiologiques positifs. Sur la base de l’analyse qui précède, nous classifions le choix de « fonds spéculatif » et de « fondo speculativo » comme des cas d’effacement de la métaphore, ou de démétaphorisation, à base axiologique ; par contre les équivalents « fonds de couverture » et « fondo di copertura » sont des cas d’effacement de la métaphore à base dénominative-explicative focalisant les stratégies de protection du risque. Dans ce dernier cas, la terminologie opte pour des solutions descriptives davantage que suggestives.

4. « Spéculation » : un terme caractérisé par ambivalence axiologique

Le choix de l’adjectif « spéculatif » et « speculativo » fait indiscutablement débat. NIGRO et ROMANO expriment leur hésitation forte qualifiant de « discutable » l’utilisation de cet adjectif de la part du législateur italien, à moins que sa signification et sa portée ne soient très précisément indiquées :

A parere di chi scrive, discutibile appare, invece, l’operazione di qualificare le gestioni di tipo hedge tramite l’impiego dell’aggettivo speculativo, salvo che di quell’aggettivo si chiariscano significato e portata’ (NIGRO, ROMANO 2013: 14).

NICHELE et STEFANINI concordent sur le caractère trompeur de cet adjectif car, très probablement, il ne permet pas d’accéder à la vraie nature de ces instruments, projetant une image négative qui focalise la recherche de rendement et reléguant au deuxième plan la complexité et le caractère sophistiqué des stratégies de gestion du risque :

[...] la traduzione fatta propria dal legislatore italiano del termine anglosassone ‘hedge fund’ non pone nella corretta dimensione questa nuova tipologia di fondi, ma getta su di essi un’immagine negativa che ne enfatizza la ricerca del rendimento facendo passare in secondo piano la sofisticata gestione del rischio che invece li caratterizza (NICHELE, STEFANINI 2002: 155).

Toutefois, NICHELE et STEFANINI, et en cela ils sont en désaccord avec NIGRO et ROMANO, ajoutent que le choix de l’adjectif « speculativo » se justifierait par le fait que le législateur italien n’a contraint ces fonds au respect d’aucune interdiction en matière d’investissement :

[le choix de l’adjectif speculativo ] è indicativa del fatto che [le législateur italien] non li ha vincolati al rispetto di alcun divieto in materia di investimenti, normalmente invece previsti per altre tipologie di fondi. L’aggettivo ‘speculativi’ va quindi inquadrato in tali termini e non necessariamente associato alla loro rischiosità, che, per molti di essi, risulta assai inferiore a quella di tanti fondi comuni di investimento di tipo tradizionale (Ibid.: 5).

Ici nous pouvons déjà observer une divergence de taille en ce qui concerne la définition de « spéculatif » à laquelle, d’après NICHELE et STEFANINI, se réfère le législateur italien, et celle à laquelle fait référence FRANCETERME (voir paragraphe 3.1): si d’après les premiers ce choix est plutôt lié à la liberté totale en matière d’investissement, selon FRANCETERME il fait plutôt référence au concept de risque associé à l’investissement dans ces fonds. Pour sa part, le législateur italien a établique le risque associé à ces fonds doit être dûment mentionné dans le texte du règlement de ces derniers. La motivation du risque n’est toutefois pas la seule qui est associée à l’adjectif « spéculatif ». D’après le site talkingofmoney.com :

[a]ujourd'hui, le terme ‘fonds spéculatif’ fait moins référence aux techniques de couverture, que les fonds spéculatifs peuvent utiliser ou non, qu'à leur statut de fonds d'investissement privés et non enregistrés21.

Passons maintenant à l’analyse du côté français. Dans l’introduction à son article, « La réglementation des fonds spéculatifs », CAVALIER fait une assertion qui nous introduit d’emblée au cœur de la discussion autour du choix de l’équivalent français pour « hedge funds » :

Dans le cadre de ce rapport, l’expression fonds spéculatifs suggérée par l’intitulé français du sujet est conservée car, plus courte, elle est aussi la seule autorisée au regard de la langue française et a eu la faveur de la Commission européenne. Plutôt que d’insister sur la spéculation qui est une opération financière faite pour tirer parti des variations du marché, l’expression fonds de gestion alternative aurait pu être préférée pour mettre l’accent sur les techniques de gestion utilisées. Mais elle ne traduit pas davantage que l’expression fonds spéculatifs la qualité des investisseurs (généralement clients privés fortunés ou institutionnels) participant à ce type de fonds – on parle alors de fonds privés (CAVALIER 2010 : 361-362).

CAVALIER, tout en conservant la traduction normalisée de fonds spéculatifs publiée au J.O. du 14 août 2008, souligne comment cette expression, qu’il qualifie de « approximative traduction anglaise de hedge funds », focalise la spéculation alors que il aurait été préférable de mettre en exergue la spécificité des techniques et des stratégies de gestion, d’où la traduction littérale « préférable » de « fonds de couverture » (Ibid.).

HULL introduit un bémol dans ce débat sur le sémantisme de « spéculatif » :

Le terme hedge (dont la traduction est ‘couvrir’) implique que le risqué pris est couvert par le gestionnaire. Dans le cas de Jones, la stratégie adoptée est peu sensible aux mouvements importants de marché. En effet, les positions longues et les positions courtes prises simultanément portent sur des montants équivalents. Pour d’autres fonds spéculatifs, dont la stratégie consiste en un pari agressif sur des mouvements de marché, le terme de couverture est alors mal approprié (HULL 2010: 75-76).

L’objet de discorde est constitué par la notion de «spéculation » qui se prête visiblement à des interprétations différentes. La bifurcation de signification entre « spéculatif » et « de couverture » est particulièrement évidente dans le domaine spécialisé de la finance. Or, comme nous l’étudierons ci-de suite, cette plasticité argumentative est le signe d’une ambivalence axiologique de fond qui caractérise le concept de « spéculation ». Avant de procéder dans notre analyse, il nous semble important de souligner un aspect qui est strictement lié à celui d’idéologie. Nous pensons que pour cerner de façon adéquate un domaine spécialisé et en saisir les coordonnées qui lui sont spécifiques, il est indispensable de faire tabula rasa autant que possible de nos visions de non spécialistes, le risque étant de projeter une vision « populiste » sur des instruments qui en sont, du point de vue technique, dépourvus. À ce propos, l’encyclopédie en ligne de sciences sociales italienne TRECCANI, nous offre une illustration de l’ample constellation sémantique du concept de « speculazione » où apparait clairement l’ambivalence : la présence d’une connotation positive et d’une connotation négative. La même encyclopédie met en exergue la différence entre les jeux d’argent et la spéculation, tout comme le profil négatif du spéculateur dans l’imaginaire social22. De plus, comme le montre le Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies23, le document de l’Assemblée Nationale (2010) qui collecte toute une série de remarques de la communauté financière sur le concept de spéculation, cette dernière « joue un rôle équilibrant »24, « est consubstantielle au marché »25, « est nécessaire à la liquidité des marches »26, revêt une nature fondamentalement anticipatrice27, est difficilement dissociable des opérations de trading nécessaires28, est envahissante mais nécessaire29. Le même document de l’Assemblée Nationale met également en évidence le fait que les réserves sont diverses et nombreuses et que plusieurs dénoncent les excès et les conséquences néfastes de la « spéculation » et les cas de « spéculation » malveillante ou abusive, tout comme les phénomènes pathologiques et destructeurs comme les bulles spéculatives, aux effets nocifs30. Ce document met aussi en évidence le mimétisme et les dynamiques incontrôlables de la spéculation31, tout comme le caractère indispensable de la transparence des marchés. Or, notre exploration de corpus de presse spécialisée à laquelle nous renvoyons (MALDUSSI 2015) a fait émerger une ultérieure qualification de « spéculatif » à savoir que cet adjectif se réfère plutôt à une utilisation abusive de ces instruments32 et se définit par la négative : est défini « spéculatif » tout ce qui n’est pas accompli à des fins de couverture.

Mais revenons encore aux équivalents de traduction choisis en langue française et italienne : sommes-nous devant à un cas de démétaphorisation idéologique d’une dénomination métaphorique ? Il ne faudrait non plus oublier que même la métaphore de « hedge » a « une fonction structurante […] idéologiquement chargée et susceptible d’exprimer une vision du champ épistémique » (ROSSI 2017 : 167). Dans le cas des « hedge funds », l’idéologie réside dans le fait d’adopter une stratégie de compensation misant sur deux résultats. Or, comme nous venons de l’étudier, si la focalisation sur le « risque », qui est consubstantiel à ces produits, est de nature à prévenir les investisseurs sur les risques liés à l’investissement dans ces produits, il est tout aussi vrai que la focalisation sur un choix de traits sémantiques risque de transmettre une facette spécifique du prisme conceptuel représenté par « hedge ». La preuve en est la bifurcation de signification à laquelle nous avons fait référence plus haut.

Or, les mots ne sont pas innocents et, comme l’écrit Rossi « toute terminologie oriente notre vision de l’objet désigné » (2017 :155). Cet aspect est également souligné par FREIXA et al. :

[l]a dénomination des termes, contrairement à celle des mots, peut certainement avoir un fonctionnement sémantique-référentiel spécifique, mais l’acceptation théorique de cette spécificité n’exclut pas le fait que la dénomination fournit de l’information sémantique complémentaire. En effet, en rendant visible un choix de traits sémantiques parmi d’autres, qui font aussi partie du concept, elle nous transmet une vision particulière de ce dernier (FREIXA et al. 2008 : 732).

La perspective « spéculative » de ces instruments, caractérisée par des connotations axiologiques et qui fait débattre, est-elle à même de remettre en cause la vision théorique initialement prévue par son initiateur et par sa première énonciatrice et d’induire une perspective « biaisée » de ces instruments ?

PETIT affirme que

[l]es propriétés évaluatives, c’est à dire faisant intervenir un jugement, sont extrinsèques. Pour les N qui en présentent, le principe classificatoire n’est plus la description ontologique, mais, à l’intérieur d’un cadre sémantique plus ou moins souple, une appréciation dont le locuteur sera lui-même l’initiateur et le régulateur (PETIT 2009 : 293).

SOBRERO ajoute que « [l]a connotazione negativa [o positiva] non è intrinseca al significato tecnico » (SOBRERO 1999 : 257). «Fonds» est un terme neutre alors que les prédicats « speculativi » et « spéculatifs » autorisent à faire des inférences. Or, ce prédicat donne des informations qui ne sont pas contenues dans le terme « fonds ». Dans le cas des syntagmes composés, la signification est motivée per les significations respectives des deux composantes, l’adjectif emphatisant l’une des composantes du spectre sémantique de ces véhicules financiers. Sans oublier qu’à être spéculatives sont bien les stratégies appliquées qui peuvent à leur tour avoir des fins spéculatifs, à savoir non orientés à l’investissement, ou de couverture. A être spéculative est donc l’utilisation impropre de ces fonds. Suivant les définitions de PETIT, si « fonds » est un terme classifiant, l’adjectif « spéculatif » ne se réfère pas à une catégorie de re mais plutôt dicto, à savoir construite à l’intérieur d’un univers de croyance (PETIT 2009 : 289) et de ce fait véhicule une appréciation. Or :

Au niveau du lexique d’une langue, qui est celui de l’intersubjectivité, de la transversalité des représentations entre locuteurs, la variable appréciative reste neutralisée en attente d’instanciation. Elle est uniquement vectorialisée (Ibid.: 293).

Ce qui signifie que « chaque locuteur, en fonction de son univers de croyances, établira lui-même le seuil de pertinence en fonction duquel se déclenchera l’assertion » (Ibid. : 293-294) dans notre cas l’assertion de spéculation positive ou de spéculation négative. Or, indépendamment des efforts louables du législateur italien et des Commissions de terminologie d’ancrer la dénomination à une définition bien précise, l’ambivalence axiologique de l’équivalent n’empêche pas que le terme possède une connotation péjorative, en particulier, dans la communauté des non experts33. Cette plasticité « argumentative » se double d’une labilité référentielle qui finit par brouiller la représentation du concept de « spéculation ». Les corpus de presse auxquels nous renvoyons confirment l’hypothèse d’une sanction sociale dominante qui entoure le concept de « speculazione » et de « spéculation » (MALDUSSI, 2015). Comme le confirme RAULOT :

Le commerce des hedge funds dans l’Hexagone est bridé par la méfiance qu’ils inspirent encore aux investisseurs et aux autorités de tutelle tricolores. Peut-être leur manque-t-il, pour accéder en France à un statut parfaitement respectable, une traduction unanimement acceptée du vocable anglophone. Aucune version n’étant à ce jour parvenue à s’imposer. Cinq ans après la faillite de LTCM, il reste difficile de convaincre ses clients de souscrire à des « fonds spéculatifs », même si l’expression reflète un des aspects du hedge fund, à savoir le recours à l’endettement en vue d’accroître l’effet de levier et de doper ses performances (RAULOT 2004).

Pour conclure, nous mentionnons les « fonds alternatifs » qui ont été institués par la Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/201034, dont le but est celui de créer un cadre harmonisé visant la protection des investisseurs. « Fonds alternatifs » est un terme vague (que signifie « alternatif » ?), voire « rassurant », qui fonctionne en tant que terme hypéronymique qui englobe finalement toute une série de fonds, parmi ceux-ci les « fonds spéculatifs ». Nous prenons bonne note que ce nouveau souffle de popularité dont jouissent les « fonds alternatifs » est attribuable aux nouvelles mesures de régulation introduites par la nouvelle Directive et que la prosodie devient finalement positive (MALDUSSI, 2015). Contrairement à la prosodie qui affecte les « fonds spéculatifs », qui reste négative. Et cela, indépendamment de la volonté ou des bonnes intentions du législateur et de la Commission de terminologie. Peut-être, en guise de conclusion, il serait utile de se rappeler des mots de Einaudi, économiste et deuxième Président de la République italienne, pour qui le verbe « spéculer » devrait être ramené à sa signification de base, authentique, celle de celui qui regarde l’avenir en vue de l’anticiper :

fa d’uopo riportare la parola speculazione al suo significato genuino; che è quello di chi guarda all’avvenire, di chi tenta, a suo rischio, di scrutare (speculare) l’orizzonte lontano ed indovinare i tempi che verranno. Purtroppo, gli ‘speculatori’ veri sono rarissimi (1973: 347).

Malheureusement, conclut Einaudi, les vrais « spéculateurs » sont très rares.

Conclusion

« Fonds spéculatif » et « fondo speculativo » sont deux dénominations caractérisées par une ambivalence axiologique de fond. Nous pensons que le choix d’une dénomination démetaphorisante en tant qu’équivalent de « hedge fund », une métaphore constitutive d’une nouvelle gamme de produits financiers, exprime une valeur d’évaluatif neutre/positif et péjoratif selon l’univers de croyance des locuteurs, la communauté financière d’un côté et le sentiment général des gens de l’autre. Si les motivations du choix de l’adjectif « spéculatif » mettent en exergue les risques sous-jacents l’investissement dans ce type de fonds ou la liberté de toute forme de contrainte dans la stratégie d’investissement, comme c’est le cas du législateur italien, cela n’empêche pas que l’ambivalence axiologique qui caractérise le concept de spéculation puisse faire basculer la réception du terme dans une perspective péjorative à partir du moment où cette dénomination sort du domaine technique pour entrer dans le discours médiatisé de vulgarisation.

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Notes

↑ 1 C’est le cas par exemple de « default » (GUALDO, TELVE : 398) et de « haircut » (MALDUSSI 2014).

↑ 2 Sur le concept de financiarisation, nous renvoyons également à l’essai de FINE selon qui la financiarisation de l’économie se serait produite « au détriment de l’économie réelle, en termes de niveau et d’efficacité des investissements » (FINE 2012 : 76).

↑ 3 Comme l’écrit BAGLIONI, « l’excès d’information peut être tout aussi nuisible que le manque d’information (2017 : 2).

↑ 4 ROSSI distingue entre la métaphore créative, « un outil de modélisation pour dénommer et décrire une nouvelle théorie scientifique », la métaphore dénominative isolée et la métaphore qui représente « une isotopie fondatrice dans un domaine spécialisé […] une métaphore diffuse, à fonction structurante » (ROSSI 2017 : 158).

↑ 5 https://www.investor.gov/introduction-investing/investing-basics/investment-products/private-investment-funds/hedge-funds.

↑ 6 Le document de l’Assemblée Nationale (2010) Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies définit la vente à découvert de la façon suivante : « La vente à découvert correspond à la vente de titres que le vendeur ne possède pas mais qu’il se fait prêter ; pour déboucler l'opération le vendeur des titres à découvert rachète ultérieurement les titres sur le marché (en général la Bourse) et les restitue au prêteur ».

↑ 7 Il est important de souligner la distinction importante entre risque et incertitude : cette dernière ne permet pas d’assumer une décision alors que le premier implique que les probabilités de succès sont en quelque sorte déterminables.

↑ 8 https://fr.talkingofmoney.com/hedge-fund-basics.

↑ 9 https://www.etymonline.com/search?q=to+hedge+one%27s+bets.

↑ 10 https://dictionary.cambridge.org/it/dizionario/inglese/hedge-your-bets.

↑ 11 Comme nous le rappellent CROUZET-DAURAT et LE TALLEC-LLORET, « [c]ontrairement aux normes techniques, les listes élaborées par le dispositif d’enrichissement de la langue français ne s’adressent pas uniquement à des spécialistes, c’est pourquoi la Commission d’enrichissement, veille à ce que les définitions des termes qu’elle publie au Journal Officiel soient formulées d’une façon claire et compréhensible pour un large public » (CROUZET-DAURAT, LE TALLEC-LLORET 2018 : 137).

↑ 12 Le concept de « spéculatif » suscite de vifs débats. Que l’on compare le contenu de la définition du J.O. avec celle plus délibérément orientée de la Confédération syndicale internationale qui décrit les fonds spéculatifs comme « des investisseurs qui tentent de gagner de l’argent rapidement en spéculant sur tout ce qui bouge » ((CSI 2007: 14 in UNI GLOBAL UNION RAPPORT 2008: 4).

↑ 13 https://dictionary.cambridge.org/it/dizionario/inglese/speculative.

↑ 14 Communication personnelle du 8 août 2019.

↑ 15 Étienne Quillot a également transmis, lors de la communication susmentionnée, l’extrait du dossier documentaire de 1997 : « Dictionnaire anglais des affaires, du commerce et de la finance français-anglais, anglais-français Routledge, London 1996 : les équivalents donnés pour hedge fund sont fonds d’arbitrage et fonds de sauvegarde ; les équivalents donnés pour fonds spéculatifs (au pluriel) sont performance funds et speculative funds. Termium : l’équivalent donné pour hedge fund est fonds de couverture (1976 6 19) ; les équivalents donnés pour fonds spéculatif est performance fund, speculative fund. (1991 11 13) ».

↑ 16 La définition de « hedger » est la suivante : « Opérateur intervenant sur le marché dans le but de couvrir, ou de compenser, totalement ou partiellement, un risque de variation d'un élément financier, ce risque provenant d'une fluctuation des cours des titres, des devises, des taux d'intérêt, ou des prix des matières premières ».

↑ 17 Communication personnelle du 8 août 2019.

↑ 18 FRANCETERME offre la définition suivante de « couverture » : « Opération ou suite d'opérations de marché ayant pour but de couvrir, ou de compenser, totalement ou partiellement, un risque de variation d'un élément d'actif ou de passif, ce risque provenant d'une fluctuation des cours des titres, des devises ou des taux d'intérêt (ou des prix des matières premières pour les marchandises) ».

↑ 19 La métaphore « hedge » est couramment transférée en italien par emprunt intégral à la langue anglaise. Nous sommes d’accord avec ROSSI sur le fait que ce transfert par métaphore vise à « exploiter la connotation plus technique de l’anglais comme langue de la communication scientifique légitime » (ROSSI 2015 : 142), rendant le terme tout à fait opaque pour un lecteur italophone.

↑ 20 https://iate.europa.eu/search/standard/result/1583755859716/1.

↑ 21 https://fr.talkingofmoney.com/hedge-fund-basics.

↑ 22 http://www.treccani.it/enciclopedia/speculazione_(Enciclopedia-delle-scienze-sociali)/.

↑ 23 http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-enq/r3034.asp.

↑ 24 « En temps normal, la spéculation joue un rôle équilibrant : des acteurs financiers mieux informés que d’autres, découvrant que les prix de certains produits ne correspondent pas à leur valeur réelle, jouent sur le retour des prix à cette valeur » (MICHEL AGLIETTA, conseiller au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII)).

↑ 25 « Sans spéculateurs, il n’y aurait pas de marché. Pour qu’une transaction se fasse, il faut un acheteur et un vendeur, chacun considérant qu’elle est dans son intérêt.[…] La spéculation est consubstantielle au marché » (JEAN-PIERRE JOUYET, président de l'Autorité française des marchés financiers).

↑ 26 « La prise de positions ouvertes est nécessaire à la liquidité des marchés » (CHRISTIAN NOYER, gouverneur de la Banque de France).

↑ 27  « […] spéculer, c’est essayer d’anticiper l’avenir : un épargnant qui achète des actions ne le fait pas dans l’idée qu’elles vont baisser. Tout le monde est donc peu ou prou spéculateur, financièrement ou intellectuellement » (BERTRAND JACQUILLAT, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris, président-directeur général et cofondateur d'Associés en Finance).

↑ 28 « […] il est très difficile de tracer une frontière entre les opérations de ‘trading’ nécessaires et celles qui sont purement spéculatives. Les marchés à terme de biens ne fonctionnent que grâce aux spéculateurs: les opérateurs professionnels s’orientent tous dans le même sens au même moment. […] pour qu’il y ait marché, il faut pouvoir trouver des contreparties, en l’occurrence des ‘traders’ ou des ‘hedge funds’ » (PATRICK ARTUS, directeur de la recherche et des études économiques de Natixis).

↑ 29 « La spéculation est quelque chose de relativement envahissant. Elle est toutefois, pour les économistes, une catégorie d’opérations comme les autres, répondant à une nécessité du marché » (HENRI BOURGUINAT, professeur à l’université Bordeaux-IV).

↑ 30 « Le problème, ce n’est pas son existence, mais celle d’une spéculation excessive, que l’on pourrait qualifier de pathogène, porteuse de risques systémiques ou susceptible de porter atteinte à l’intégrité des marchés, ou celle d’une spéculation frauduleuse, passant par la manipulation des cours, la diffusion de fausses rumeurs, voire les manquements d’initiés » (JEAN-PIERRE JOUYET, président de l'Autorité des marchés financiers).

↑ 31 « (…) privés de tout déterminant objectif, les acteurs prennent leurs décisions en fonction d'heuristiques qui consistent, finalement, à imiter les autres. Chacun étant à la même enseigne, il se produit une convention de méfiance à l’égard de toutes les valeurs, sauf de la liquidité absolue : c’est une convention de peur » (MICHEL AGLIETTA, conseiller au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII).

↑ 32 Le Document de l’Assemblée Nationale dénonce, par exemple, l’utilisation abusive d’un outil [la vente à découvert] par ailleurs indispensable.

↑ 33 Pour donner quelques exemples, les « fonds spéculatifs » investissent uniquement dans le court terme, sont installés dans des paradis fiscaux, sont impliqués dans la banqueroute de Lehman Brothers, sont ‘endettés jusqu’au cou’, profitent des anomalies du marché (MALDUSSI 2015).

↑ 34 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32011L0061.

Pour citer cet article :

Danio MALDUSSI, La dénomination métaphorique financière « hedge fund », entre démétaphorisation par la traduction et charge axiologique. Une étude comparée anglais, français, italien, Terminologie e comunicazione istituzionale, tra multilinguismo e traduzione , Publifarum, n. 31, pubblicato il 27/12/2019, consultato il 16/04/2024, url: http://www.farum.it/publifarum/ezine_articles.php?id=493

 

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