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La définition dans le texte économique écrit de vulgarisation savante - première partie

Marie-Pierre ESCOUBAS BENVENISTE



1. Introduction

Notre étude porte sur l’observation et la description dans un type de texte économique de la définition terminologique en discours et de ses caractéristiques par rapport à la définition terminographique. Définir est une pratique discursive socialement essentielle qui se manifeste dans une multiplicité de discours et de situations de communication où l’objectif de l’auteur est d’être compris sans ambiguïté. Il s’assure donc, par un énoncé définitoire, que le mot qu’il utilise réfère effectivement, dans l’interprétation qu’en fera l’interlocuteur ou le lecteur, au signifé ou à la notion initialement voulus.
Définir est aussi un acte capital à des fins didactiques et normalisatrices, en particulier dans les domaines spécialisés, où le malentendu et l’imprécision concernant l’identification ou l’expression du concept pourraient s’avérer lourds de conséquences. Le discours vulgarisateur en fournit la preuve: ayant pour but de permettre au lecteur non spécialiste de comprendre le fonctionnement et les concepts d’un domaine de la connaissance spécialisé et d’acquérir la terminologie qui le constitue, il représente un lieu privilégié pour l’observation de la pratique de la définition en discours.
Notre corpus d’étude est constitué d’un ensemble de textes appartenant au discours économique. Ces écrits de vulgarisation scientifique obéissent tous au format unique imposé par une norme éditoriale et à un projet encyclopédique (§2). À ce titre ils appartiennent à un type de communication fonctionnelle que nous qualifierons de vulgarisation savante.
La définition entendue comme pratique discursive est un acte de langage qui s’inscrit en filigrane d’un continuum discursif ayant une structure interne et une économie propres. Ainsi l’objet langagier qui en résulte n’est-il pas toujours aisément repérable ni facilement isolable en tant qu’unité discrète. Après avoir déterminé les critères opérationnels de repérage des énoncés définitoires à l’œuvre dans le discours économique de vulgarisation savante (§3), nous proposerons une typologie de leur structure (§3.2, 3.3, 3.4), puis nous tenterons d’identifier leurs caractères spécifiques par rapport à la définition terminographique canonique telle qu’elle apparaît dans la littérature récente (§4).

2. Le discours de vulgarisation économique: corpus constitué

La question soulevée ici est celle de l’incidence du choix du corpus dans la description de l’acte définitoire et de ses manifestations.

2.1 Discours, genre et type de texte

Toute discipline en particulier scientifique est caractérisée par des modes discursifs qui mettent en scène une terminologie (i.e. ensemble de termes) inhérente à, fondatrice et représentative de la discipline elle-même. Au sein d’un discours donné, ici le discours économique, les actes de langage et la terminologie elle-même sont conditionnés voire déterminés par les pratiques sociales dans lesquelles le discours s’insère. Ainsi la forme et la fonction d’un acte de langage, les acceptions ou les valeurs d’un même terme peuvent être différents selon la situation de communication. Par conséquent, pour étudier les manifestations de la définition des termes dans le discours économique, il importe dans un premier temps de contextualiser cette pratique définitoire dans une pratique discursive définie et caractérisée par un cadre stable inhérent à la situation de communication. Le choix du corpus a pour fonction de fixer ces paramètres en amont de l’analyse afin de fournir, pour les phénomènes observés, un cadre situationnel, et du même coup énonciatif, unitaire et contrôlé. Notre analyse ne vaudra donc que pour le corpus donné.

Parmi les paramètres susceptibles de faire varier le discours économique figurent son degré de technicité (souvent lié au degré d’expertise de l’énonciateur et du récepteur); sa fonction (informatif, normatif, didactique, persuasif…); la situation de production du discours (oral, écrit, public, privé…). Grâce à ces paramètres, le discours, entendu comme ensemble de pratiques langagières dans une discipline donnée, peut être catégorisé en genres (RASTIER et al., 1994:174):

…il n'existe pas de texte sans genre, et […] tout genre relève d'un discours (ex. politique, juridique, religieux, etc.). Par exemple, dans le discours médical, on peut distinguer les genres écrits dont dispose un professeur des hôpitaux dans sa pratique professionnelle: ils sont au nombre de trois, l'observation clinique, l'article scientifique et la lettre au collègue.

Au sein du genre écrit de vulgarisation économique, il est également possible de réitérer une sous-catégorisation des textes selon ces mêmes paramètres. Ainsi le texte de vulgarisation économique donnera lieu à des énonciations différentes selon son destinataire (jeunes, grand public, futurs spécialistes du domaine, clients, etc.), selon le format textuel dans lequel elle s’insère (article de presse généraliste; manuel; encyclopédie; Lettre d’information…). Nous avons choisi d’étudier la pratique de la définition dans un type de texte contraint. Il s’agit du texte économique à caractère encyclopédique tel qu’il est produit dans le cadre de la célèbre collection Que sais-je? des Presses Universitaires de France. Un type d’écrit que nous qualifions de vulgarisation savante.

2.2 Que sais-je? Un type de texte de vulgarisation savante

Les textes écrits d’économie publiés dans la collection Que sais-je?, obéissent à un projet éditorial commun. Les ouvrages de cette collection offrent à des spécialistes de toutes disciplines un cadre discursif déterminé pour expliquer, par le biais de courts essais, un aspect de leur domaine d’expertise. Cette collection historique (1941) constitue selon l’éditeur la «première encyclopédie de poche», elle est « construite pour le grand public par des spécialistes» et elle offre «des outils de travail pour l’étudiant et pour tous». L’éditeur situe donc son projet dans le cadre de la diffusion du savoir: explicitement tout d’abord («spécialistes» vs «grand public», «pour tous») puis implicitement. Comme le suggère le format de poche unique et réduit à 128 pages, chaque publication est accessible à tous, puisque économique, et accessible partout, puisque transportable. Ces deux propriétés, qui ne sont traditionnellement pas caractéristiques de l’encyclopédie, l’inscrivent donc dans une vaste démarche de démocratisation de la connaissance scientifique, sans que la science y soit sacrifiée. En effet, l’éditeur affirme également la fonction didactique de ces textes dans un contexte d’apprentissage universitaire («outil de travail pour l’étudiant»), ce que nous interprétons comme une volonté de sa part de garantir au lecteur potentiel la scientificité de la démarche vulgarisatrice, puisque «étudiant» peut être entendu comme «futur spécialiste du domaine». Il s’agit par conséquent d’une situation de communication spécialisée où des experts écrivent pour des non-experts, ou des experts potentiels (GOTTI, 1991:36). Le texte économique écrit de vulgarisation savante s’oppose aux écrits de vulgarisation non savante dont l’auteur est plutôt un journaliste spécialisé qu’un spécialiste du domaine.
Pourquoi cette distinction? Nous faisons l’hypothèse que la nature et la fréquence des procédés énonciatifs et linguistiques mis en œuvre par le vulgarisateur pour définir dépendent de la situation de communication. Celle-ci conditionne alors les propriétés de l’acte définitoire: sa traçabilité, sa structure syntaxique, le type logique de définition auquel il appartient et enfin sa fonction.

Notre corpus se compose des 10 titres suivants auxquels nous nous référerons par la suite à l’aide des abréviations entre crochets.

  • Histoire de la Banque, Jean Rivoire, Que sais-je nº 456, PUF 1984 [HB84]
  • L’économie de marché, Jean Rivoire, Que sais-je nº 2768, PUF 1994 [EM94]
  • L’économie française dans le monde, Jean Fourastié, Que sais-je nº 191, PUF, 1945, 198813 [EFM88]
  • La Banque mondiale, Henri Bretaudeau, Que sais-je nº2330, PUF,1986 [BM86]
  • La Bourse, Jacques Hamon, Bertrand Jacquillat, Que sais-je nº 825, PUF 2002 20084 [LB08]
  • Le système banquaire français, Alain Choinel et Gérard Rouyer, Que sais-je nº 1264, 1981, 19884 [SBF88]
  • Les 100 mots de la banque, Georges Pauge, Jean-Paul Betbèze, Que sais-je nº 3792, PUF 2007 [100B07]
  • Les 100 mots de la finance, Bertrand Jacquillat, Que sais-je nº 3736, PUF 2006, 20072 [100F07]
  • Les activités bancaires internationales, B. Moschetto et A. Plagnol, Que sais-je nº456, PUF, 19792[ABI79]
  • Les techniques bancaires, Jean Rivoire, Que sais-je nº 469 PUF, 1986, 19882 [TB88]

Le langage utilisé est un langage écrit formel à visée «expositive» (COMBETTES et al., 1988: 6) et explicative (ADAM, 1992). Pour définir les concepts économiques l’énonciateur recourt à plusieurs procédés de différente nature et qui ne sont pas tous immédiatement repérables.

3. Manifestation des actes définitoires et repérage des énoncés


Que peut-on considérer comme relevant de la pratique définitoire en discours ? Quelles sont les unités lexicales que le discours identifie comme termes ? Quels traits typiquement discursifs font que la pratique définitoire reste instantanément identifiable ou au contraire à démêler du flux discursif? Autant de questions auxquelles nous tenterons ici de donner quelques éléments de réponse pour le corpus considéré.
Le discours de vulgarisation doit permettre au lecteur de comprendre les concepts et de distinguer et d’acquérir les termes autorisés qui les désignent. Les concepts doivent être décrits, expliqués, les mots définis mais aussi et surtout posés en tant qu’éléments d’une nomenclature officielle (unités terminologiques) qui constitue les concepts opératoires de la discipline et dont le lecteur doit acquérir la maîtrise pour accéder à la compréhension du domaine. Pour ce faire l’auteur dispose avant tout de deux moyens: l’autonymie et le métalangage (cf. REY-DEBOVE, 1986). Le premier signe qui manifeste l’acte définitoire dans le corpus est la mention autonyme du terme. Repérer visuellement le terme déclaré est un moyen immédiat pour accéder à l’éventuelle définition qui l’accompagne.

3.1 Les termes autonymes

Dans le corpus comme dans le langage courant, les marques de l’autonymie sont graphiques. Le terme est explicitement signalé par des guillemets, un changement de caractère (italiques, caractères gras), la parenthèse. Repérable au premier coup d’œil, «déclenche un double processus de signification» (REY-DEBOVE, 1986:109) et impose au lecteur une double interprétation voulue par l’auteur: la mention graphique de X – «X» ou [I:I]X[/I:I], ou (X), ou [I:B]X [/I:B]– doit être interprétée comme «le terme X» et « le concept X». Le repérage des termes autonymes nous renseigne sur la nature syntaxique des termes définis et sur ce que l’auteur croit devoir déclarer explicitement comme un terme du domaine.

3.1.1 Les termes autonymes sont des sigles, des noms propres

Le sigle et/ou sa forme développée sont mis en relief. Il s’agit de noms communs, de noms propres, la siglaison d’une expression anglaise.

l’ excédent brut d’exploitation (EBE) [100F07]
marché à terme d’instruments financiers (MATIF) [SBF88]
Compte pour le développement industriel (CODEVI) [SBF88]
les «ENBAMM» (entreprises non bancaires admises au marché monétaire) [SBF]
… La BIRD. – [ABI79]
SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecomunications) [TB88]

Le sigle devient expansion de nom et apparaît dans un terme en italiques:

…du réseau mondial Swift pour la commutation des messages bancaires [TB88]
… du système Sagittaire (Système Automatique de Gestion Intégrée par Télétransmission de Transactions Avec Imputation des Règlements «Etranger»)

Les termes sont des noms propres d’institutions, qui sont définies par un statut juridique et une histoire: Le Crédit Lyonnais [SBF88]; La Société Générale [SBF88]…

3.1.3 Les termes autonymes sont des mots étrangers

Ils sont toujours insérés dans une relation d’équivalence avec un terme en français (§4.1.4), ou un énoncé définitoire.

comptes… «lori» et «nostri» [TB88] … cash management,[TB88]
«call»… «put»… «prime»… «trading» ,[TB88]
les cash flows [100F2007] la technique du credit-scoring… [SBF88]

3.1.4 Les termes autonymes sont des noms communs

Ce sont des noms simples (tireur, tiré, prélèvement, virement, domiciliation, trésorerie…) mais surtout des syntagmes composés à partir de mots simples qui désignent des concepts appartenant à l’expérience commune des locuteurs: banque, crédit, marché, compte, chèque, monnaie… . Ils jouent le rôle de base nominale (tête du SN) pour la composition très productive de paradigmes: N de N’, NN’, NAdj

banques de trésorerie, banques de dépôts, banques de crédit à long et moyen terme
crédit de trésorerie, crédit de campagne, crédits documentaires, crédit-bail
marché monétaire, marché ouvert, marché secondaire
comptes de dépôts
, comptes chèques, comptes intérieurs, comptes transférables


Parfois c’est l’expansion seule du SN qui est distinguée graphiquement et donc isolée comme terminologique: N «SN prép»; N «Adj.»; N N’.

les banques «de trésorerie» [SBF88] crédits acheteurs crédits fournisseurs [BM86]
les financements «désintermédiés»… l’opération peut se faire «en blanc» [TB88]

Tout se passe comme si, la tête du syntagme étant connue il suffisait de définir le sens de son expansion adjectivale, nominale ou prépositionnelle. Nous verrons plus loin (§ 4.2.1) comment ces SN sémantiquement motivés sont à l’origine d’énoncés définitoires elliptiques.
Dans le corpus, les termes explicitement autonymes constituent une première nomenclature déclarée graphiquement par le vulgarisateur: noms (names) de syntagmes nominaux (sigles), d’institutions, des SN simples et composés sémantiquement motivés.
Le terme autonyme fait généralement l’objet d’un acte définitoire qui à son tour laisse des traces dans le discours. Il s’agit de structures graphiques, lexicales et/ ou syntaxiques que nous analyserons comme la manifestation énonciative d'actes définitoires explicites (§3.2), d'actes définitoires implicites (§3.3), et d'actes définitoires paratactiques (§3.4). Certains auteurs ayant étudié la structure des microtextes des définitions (cf. REBEYROLLE et al., 2000; RIEGEL, 1987, 1990) distinguent les énoncés définitoires directs et les énoncés définitoires indirects. Nous reprenons cette dichotomie en l’adaptant aux énoncés rencontrés dans le corpus.

3.2 Les actes définitoires explicites

L’acte définitoire explicite est celui qui recourt au lexique du métalangage (REY-DEBOVE 1986:186). Dans le corpus il se manifeste sous la forme de cinq structures d’énoncé définitoire: les énoncés performatifs explicites (définir, défini, définition) et les «énoncés définitoires directs» (les énoncés introduits par c’est-à-dire, les énoncés de dénomination, de désignation et de signification) (cf. REBEYROLLE et al., 2000; RIEGEL,1987, 1990).

3.2.1 Le performatif explicite (définir X par Y)

Avec le performatif explicite définitoire, l’auteur définit tout en disant qu’il le fait. Il s’agit généralement de citations de définitions juridiques ou de définitions pédagogiques.

Définition des établissements de crédit – Définis à partir de leur fonction, «les établissements de crédit sont des personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque». [SFB88]

On peut la [Ndlr technique du «swap»] définir de deux façons équivalentes:
– la banque A vend une devise au comptant à la banque B et la lui rachète aussitôt, mais à terme;
– les banques A et B échangent deux devises au comptant et procèdent aussitôt à l’échange inverse, mais à terme. [TB88]

Le performatif annonce une définition terminologique dans le cas de la citation ou encore une double définition pédagogique que s’autorise le vulgarisateur (on peut). (§4.3)

3.2.2 Les énoncés en c’est-à-dire (X, c’est-à-dire Y)

Conjonction métalinguistique particulière et impliquée «dans les problèmes sémantiques fondamentaux de la synonymie», c’est-à-dire sert de «différenciateur métalinguistique entre des référents identiques différemment nommés» (Rey-Debove 1986:50). À ce titre la conjonction est un outil métadiscursif particulièrement adapté à la pratique définitoire qui consiste à mettre en relation d’identité de sens l’unité terminologique et une périphrase définitionnelle qui désignent tous deux le concept.

L’actionnaire est le créancier résiduel, c’est-à-dire le partenaire qui n’est servi que lorsque tous les autres (salariés, fournisseurs, Etat, etc) ont reçu ce qui leur a été contractuellement promis. [LB2008:13]

Au delà du découvert autorisé, seules seront acceptées des facilités de caisse, c’est-à-dire des dépassements de très courte durée imputables à des délais de facturation ou d’encaissement [TB88]

…en vue de remplacer progressivement ces ordinateurs par un système interbancaire de compensation, c’est-à-dire par des télétransmissions entre les centaines d’ordinateurs des différentes banques. [TB88]

Du point de vue syntaxique, la conjonction de coordination relie symétriquement deux syntagmes de même nature fonctionnelle (SN, c’est-à-dire SN’; Sadj. c’est-à-dire Sadj.’, par SN, c’est-à-dire par SN’). Cette propriété syntaxique permet

  • a) d’identifier syntaxiquement les frontières du terme défini lorsqu’il n’est pas graphiquement isolé:

Ces sommes, en effet, sont aussi [liquides], c’est-à-dire librement et immédiatement disponibles, que les billets ou les pièces [TB88]

  • b) d’interpréter correctement les énoncés où l’énoncé définitoire est partiel (§4.2.1)

On les qualifie traditionnellement de monnaie [scripturale], c’est-à-dire utilisable par des jeux d’écritures (ou tout aussi bien aujourd’hui par des transferts électroniques) [TB86]

Cependant, la conjonction ne constitue pas une condition suffisante pour la réalisation d’un énoncé définitoire. Elle peut introduire un commentaire interprétatif à un syntagme qui ne constitue pas un terme. Dans l’exemple qui suit, la conjonction de coordination introduit non pas une définition de terme (règles de passation de marché de la Banque n’est pas un terme constitué), mais une reformulation destinée à interpréter ou expliciter le présupposé de l’énoncé précédent, qui évoque une pratique au sein d’un contexte situationnel précis.

…l’organisme de cofinancement ajoute son financement à celui de la BIRD […] et accepte les règles de passation de marché de la Banque – c’est-à-dire en général l’appel à la concurrence [BM86]

Dans notre corpus, l’énoncé définitoire X, c’est-à-dire Y est fréquent et associé à une définition en compréhension (§4.1.1). Aucune occurrence de «autrement dit» n’est attestée dans le corpus en association avec un énoncé définitoire.

3.2.3 Les énoncés de dénomination et de désignation

Ces énoncés sont orientés dans la relation explicite qu’ils instaurent entre les concepts (X) et les termes («Y»). Dans l’acte de dénomination, le concept est d’abord défini, puis nommé (ordre onomasiologique). Dans l’acte de désignation le terme autonyme est d’abord posé puis mis en relation avec la périphrase qui définit le concept (ordre sémasiologique).
X s’appelle «Y»

… C’est ce qu’ il est convenu d’appeler l’ «ouverture du marché monétaire» [SBF]
En France les comptes d’épargne sont généralement baptisés comptes sur livrets. [TB88]
Jadis l’appellation d’«espèces» était réservée à la monnaie métallique [TB88]
…le résultat d’exploitation prend également en compte le processus d’investissement par le biais de charges dites «calculées»… [100F07]

«Y» désigne X

Cette formule de capital-risque désigne… les capitaux … [TB88]
… le même mot anglais de trading désigne à la fois… [TB88]

Dans le corpus, les énoncés de dénomination sont nettement plus fréquents que les énoncés de désignation, ce qui apparente en ce sens le discours économique de vulgarisation savante au discours familier. «Le discours familier manifeste une écrasante majorité numérique du type s’appeler sur le type désigner» (REY-DEBOVE 1986:186).
Par ailleurs, comme le montre le premier exemple cité le métalangage convoqué pour la dénomination confirme l’importance et la quasi sacralité de la dénomination terminologique, évoquée par Alain Rey (1987:232).

Les termes sont […] des noms . Ce sont les préposés au baptême du monde, les baptistes de l’esprit et de l’action. Cet aspect sacré et solennel va de pair avec le minutieux découpage de l’apparent chaos où nous sommes plongés.

Nommer, baptiser un concept, c’est lui conférer un statut d’existence institutionnalisé donc légitime , et affirmer du même coup l’importance du terme en tant que dénomination autorisée dudit concept, c’est-à-dire appellation contrôlée et reconnue apte à assurer une communication précise au sein du domaine.
L’acte de dénomination et de désignation est légitimé par une troisième instance (on, le législateur, la convention, la terminologie européenne) qui fait autorité et dont le vulgarisateur est le porte-parole.

…fonds d’investissement fermé. On désigne ainsi une société … [TB88]
Le signataire (Ndlr du chèque), titulaire du compte, est légalement désigné comme le tireur, la banque comme le tiré. [TB88]
C’est ce qu’il est convenu d’appeler l’ «ouverture du marché monétaire» [SBF88]
le leasing ne devait être introduit en France que dix ans plus tard et «institutionnalisé» sous le nom de crédit-bail par la loi… [SFB88]
les SICAV… et les fonds communs de placement. On les réunit parfois, selon la terminologie européenne d’OPCVM (organismes de placement collectifs en valeurs mobilières) [TB88]

En tant que spécialiste du domaine, le vulgarisateur s’autorise aussi à discuter la pertinence des termes officiels d’un point de vue pédagogique:

L’expression est d’ailleurs devenue impropre car le marché … [TB88]

En tant que pédagogue, il adapte la complexité et suggère des instruments cognitifs au lecteur pour faciliter sa compréhension: il fait apparaître la motivation sémantique du terme. Il présente la dénomination et la désignation comme logiquement déductibles des caractéristiques du concept:

Aussi parle-t-on de… aussi désigne-t-on par…

Il souligne la motivation sémantique du terme par la transparence de la dénomination:

Comme leur nom l’indique, les obligations convertibles en actions… [TB88]
…le change manuel comporte, par définition, des manipulations d’espèces.

Il élucide la métaphore en la justifiant:

Le terme de levier financier (leverage) exprime le fait que l’importance de la dette par rapport aux capitaux propres au bilan d’une entreprise joue comme un levier sur la rentabilité de celui-ci [100F07]

3.2.4 Les énoncés de signification (X signifie Y) (X veut dire Y)

Ce type de relation s’instaure syntaxiquement du mot autonyme vers la périphrase définitionnelle. Les rares occurrences de ce type d’énoncé dans le corpus sont syntaxiquement marquées par un détachement de X: X, ce qui signifie Y. Dans ce cas la relation s’instaure entre deux énoncés mis en relation de paraphrase, dont le premier, focalisé, inclut le terme sans en déclarer nettement les contours.

Quand une banque pratique le courtage de l’argent, cela veut dire qu’ elle facilite la rencontre entre apporteurs et utilisateurs de capitaux, mais sans nécessairement s’interposer… [TB88]

La somme en question est inscrite dans un compte à vue à son nom, ce qui signifie qu’ il peut la récupérer à tout instant sur simple demande. [SBF88]

3.3 Les actes définitoires implicites

Il s’agit des actes qui produisent un «énoncé classifiant», un «énoncé parenthétique» (énoncés définitoires indirects, cf. REBEYROLLE et al., 2000) ou un énoncé définitoire appositif.

3.3.1 Les énoncés classifiants (un X est un Y)

L’acte définitoire est repérable par la prédication d’identité (REY-DEBOVE,1986) dont la structure est dét X est dét Y. Celle-ci pose l’identité des choses différemment nommées, c’est-à-dire le cas où deux signifiants différents désignent une même classe d’objets (noms communs) ou un même objet singulier (nom propre). Elle exprime une relation sémantique d’identité entre le signe X (terme), Y (la périphrase qui le définit) et le troisième élément: le concept qui est associé à X. L’énoncé est dit classifiant car il permet d’inférer une double relation logique d’inclusion: au niveau des termes (relation d’hypéronymie entre le défini et l’incluant) et au niveau des concepts (relation de hiérarchie entre concept superordonné et subordonné) (§4.1.1).

Le virement est l’opération par laquelle une banque, sur l’ordre d’un client, impute une certaine somme au compte de ce client pour la porter, soit à un autre compte du donneur d’ordre, soit au compte d’un tiers. [TB88]

Le marché monétaire est un marché de créances à court terme (généralement moins d’un an d’échéance) [EM1994]

Dans le discours la structure X est Y peut laisser la place à un énoncé syntaxiquement marqué X, c’est Y où le thème X est focalisé par détachement syntaxique. Dans le corpus, cette focalisation du défini coïncide avec les cas où le terme n’est pas un syntagme nominal et n’est pas graphiquement isolé (§3.1.4)

Capitaliser une somme, c’est renoncer à la consommer immédiatement et la placer pour qu’elle puisse se projeter en une valeur future supérieure compte tenu du taux auquel elle est placée. [100F07]

Actualiser une somme future, c’est déterminer sa valeur d’aujourd’hui, que l’on appelle valeur actuelle, compte tenu de l’exigence de rentabilité de l’investisseur. [100F07]

Il semble que certains verbes fonctionnent comme des variantes du verbe être pour exprimer la relation sémantique d’identité entre des processus ou des entités abstraites (X consiste en Y, X revient à Y, X correspond à Y, X représente Y). Dans ce cas X et Y n’appartiennent pas nécessairement à la même catégorie grammaticale.

L’échelle mobile consiste en une réévaluation périodique des salaires dans la même proportion que le coût de la vie. Quand l’échelle mobile a force de loi, chaque salarié est assuré d’obtenir au minimum le maintien de sa rémunération antérieure, en pouvoir d’achat [EM94]

L’audit financier consiste à vérifier et contrôler la conformité des comptes financiers d’une entreprise avec des normes établies sous l’égide des professions comptables et des autorités de régulation appropriées. [100F07]

Le régime des réserves obligatoires revient précisément à assigner à chaque banque un montant minimum de réserves, en fonction de ses ressources et éventuellement de ses emplois. [TB88]

La dette d’une entreprise représente l’argent que les créanciers mettent à sa disposition. [100F07]

3.3.2 Les énoncés définitoires parenthétiques


La parenthèse encadre un fragment discursif plus ou moins long inséré entre deux éléments. Deux cas se présentent selon que l’élément parenthésé est le défini ou le définissant. La parenthèse encadre la périphrase définitionnelle et suit immédiatement le défini, selon l’ordre syntaxique de la désignation: «le mot X», (Y).

la technique du credit-scoring (qualification de la demande à travers une série de notes partielles résultant du sexe, de l’âge, de la profession, etc.) …simplifie l’instruction des dossiers et permet de maîtriser le taux de contentieux [SBF88]

La parenthèse encadre le terme défini qui suit la périphrase définitionnelle, selon l’ordre syntaxique de la dénomination: Y, («le mot X»).

… les délits relatifs à la manipulation des cours ou à l’utilisation frauduleuse d’informations (délit d’initié) [LB2008]

Parfois insérée dans une subordonnée, la périphrase définitionnelle requiert une reconstruction sémantico-syntaxique des formes effacées (§ 4.2.1). Ici la règle de substitution du définissant par le défini fonctionne en contexte et permet de reconstruire un énoncé définitoire explicite:

Que se passe-t-il lorsque [la banque chargée du paiement] (le tiré) voit arriver un chèque non couvert par une provision suffisante au compte du tireur? [TB88]

la banque chargée du paiement [du chèque] ([est, est appelée] le tiré)

Toute parenthèse n’est cependant pas la trace d’un acte définitoire proprement dit. «Le statut de la parenthèse par rapport à la phrase dans laquelle elle s’insère est … très variable: apposition explicative, commentaire métalinguistique, incise, digression, etc.» (CHEVALIER & al., 1986: 469-470). Dans notre corpus la parenthèse sert par exemple à insérer une information d’ordre culturel (logo) considérée comme appartenant à l’expérience du non spécialiste et susceptible, par un élément connu, de l’aider à cerner le concept. Il ne s’agit pas d’une définition proprement dite mais de l’indication d’une des représentations possibles du concept.

La Caisse Nationale d’Epargne («oiseau bleu») [SBF88]
Les caisses d’éparge ordinaires («écureuil») [SBF88]

3.3.3 Les actes définitoires appositifs (X, (qui) Y)


L’apposition est repérable par la virgule qui isole des éléments détachés (CHEVALIER et al., 1997: 34,35), dont le deuxième, le défini, est privé de déterminant. «L’apposition identifie» (REY-DEBOVE, 1986:35) le premier élément par le deuxième. Dans le corpus elle suit souvent l’unité terminologique autonyme.

les banques interviennent …, parfois sous forme de prêts participatifs, «quasi-fonds propres» qui associent pour partie la rémunération du prêteur aux performances futures du bénéficiaire. [SBF88]

… les moines franciscains s’efforçaient … de mettre sur pied des «monts de piété», associations de personnes qui, dans un esprit charitable, se groupaient sous l’égide des municipalités, pour prêter sans intérêt aux nécessiteux. [HB84]

Le plus souvent c’est une proposition relative qui est apposée au défini. Celui-ci, [le terme], constitue l’antécédent de ce type de proposition relative dite appositive ou «explicative» (CHEVALIER et al., 1997).

Les banques accueillent les dépôts de leurs clients sur des [comptes à vue], qui ne reçoivent pas ou presque pas d’intérêt mais sont assurés d’une parfaite liquidité. [TB88]

À la différence de la relative dite «déterminative», la relative appositive:

  • est «textuellement facultative» (WEINRICH, 1989: 478): elle peut être omise sans que le sens de l’antécédent en soit modifié:

Les banques accueillent les dépôts de leurs clients sur des [comptes à vue]

  • admet l’alternance des pronoms qui/lequel:

Les banques accueillent les dépôts de leurs clients sur des [comptes à vue], lesquels ne reçoivent pas ou presque pas d’intérêt mais sont assurés d’une parfaite liquidité.

  • peut être remplacée par une coordination:

Les banques accueillent les dépôts de leurs clients sur des [comptes à vue], c’est-à-dire ne recevant pas ou presque pas d’intérêt mais assurés d’une parfaite liquidité.

Ce type de structure est très fréquent dans notre corpus. Différents types de relatives sont illustrés (qui, dont, auquel…).

C’est en particulier le cas des comptes joints entre époux, dont l’intitulé porte «Monsieur ou Madame»…[TB88]

3.4 Les actes définitoires paratactiques (:)

Marqués par les deux-points (parfois le point ou le point-virgule), ils fonctionnent toujours dans le sens de la désignation («le terme X»: Y). Les deux points «s’emploient entre deux termes d’une phrase dont l’un est présenté comme le développement logique de l’autre» en particulier, ils peuvent signaler une explication (CHEVALIER et al., 1997: 36). À la différence de l’apposition, qui enchâsse le fragment de discours à un niveau syntaxique différent de celui de l’élément précédent, en opérant une sorte de décrochage métadiscursif, les deux points placent les deux fragments juxtaposés au même niveau syntaxique.
L’acte définitoire paratactique introduit une définition en extension (§4.1.2) qui illustre par une liste d’exemples le terme complexe, qui n’est pas toujours autonyme: [opérations de haut de bilan de l’entreprise] ou [garantie bancaire]

La banque est l’interlocuteur de l’entreprise pour ses [opérations de haut de bilan]: introduction en bourse, émissions, offres publiques d’achat ou d’échange, gestions de blocs, conseil en évaluation et rapprochement d’entreprises. [SBF88]

le système [bancaire] apporte également sa [garantie]: avals, cautions, crédits documentaires. [SBF88]

Dans une perspective de repérage, la parataxe, qui n’institue pas en tant que structure un énoncé définitoire, fonctionne cependant dans le corpus comme une annonce d’énoncé définitoire. Elle apparaît dans les actes de sous-catégorisation d’un concept et elle est souvent accompagnée d’une structure récurrente: la liste. Chaque élément de la liste peut être défini ou non. La sous-catégorisation du concept est construite selon un schéma récurrent:
phrase introductive de C0: C1,… C2,… C3,…
C0 est le concept superordonné qui est sous-catégorisé en une liste de concepts subordonnés C1,… Cn, qui le constituent. La phrase introductive peut être elle-même un énoncé définitoire. L’énoncé de sous-catégorisation peut être télégraphique, voire graphique et iconique (fonction des tirets), ou au contraire très explicite:

Un flux est un mouvement de trésorerie: encaissement de liquidités – ce qui rentre dans la caisse – ou décaissement de liquidités – ce qui en sort. [100F07]

La dette d’une entreprise représente l’argent que les créanciers mettent à sa disposition. On distingue les dettes d’exploitation et les dettes financières. Les dettes d’exploitation (les dettes fournisseurs notamment) sont généralement à court terme. Les dettes financières (bancaires et obligataires) ont presque toujours une échéance de remboursement, même lointaine, à la différence des capitaux propres… et des rentes perpétuelles. [100F07]

Si nous analysons l’énoncé ci-dessus du point de vue des relations sémantiques entre les termes nous voyons apparaître le terme hyperonyme dans la phrase introductive [dette d’entreprise], il représente l’incluant de la définition, et la liste des hyponymes énumérés [dettes d’exploitation; dettes financières] qui représentent deux espèces distinctes du genre et qui sont elles-mêmes sous-catégorisables.

Dette d’entreprise:

  • Dettes d’exploitation

- Dettes fournisseurs

  • Dettes financières

- Dettes bancaires
- Dettes obligataires

La parataxe et la structure de liste qui l’accompagne semblent donc constituer l’expression dans la linéarité du texte d’une relation sémantique d’hyperonymie à plusieurs niveaux. Le schéma récurrent: phrase introductive, énumération, est souvent annoncé par certaines expressions verbales et nominales récurrentes (comprendre, distinguer, (prendre, revêtir) n formes, catégories):

Les opérations de banque comprennent la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement. [SBF88]

Les [crédits à l’exportation] peuvent revêtir essentiellement deux formes: crédits acheteurs ou crédits fournisseurs. Les crédits fournisseurs sont accordés directement par le fournisseur d’un matériel à son client. Le crédit acheteur au contraire est accordé par quelqu’un d’autre que l’exportateur. [BM86]

…on parle de capture de bénéfices. Cette expropriation peut prendre différentes formes: une cession d’actif, …; un achat de biens et de services surfacturés …; la rémunération de personnes non qualifiées ou la surrémunération de personnes compétentes…; le surinvestissement dans des projets …. [LB2008:19]

Il existe deux grandes catégories de valeurs mobilières: les actions et les obligations [TB88]
Après avoir fait l’inventaire des structures des énoncés définitoires du corpus, nous analyserons ses caractéristiques par rapport à la définition terminographique.

Voir la deuxième partie de l'article


Pour citer cet article :

Marie-Pierre ESCOUBAS BENVENISTE, La définition dans le texte économique écrit de vulgarisation savante - première partie, Autour de la définition, Publifarum, n. 11, pubblicato il 01/03/2010, consultato il 25/04/2024, url: http://www.farum.it/publifarum/ezine_articles.php?id=146

 

Dipartimento di Lingue e Culture Moderne - Università di Genova
Open Access Journal - ISSN électronique 1824-7482

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