Sylvie GARNIER, Pauline HAAS, Rédiger un mémoire de recherche en français – Lexique et méthodologie

di | 19 Ottobre 2025

Sylvie GARNIER, Pauline HAAS, Rédiger un mémoire de recherche en français – Lexique et méthodologie (master et doctorat), Paris, Ophrys, 2024, 278 pp.

Rédiger un travail de recherche – que ce soit un mémoire de master, une thèse de doctorat ou un article scientifique – constitue un exercice exigeant, mobilisant à la fois des compétences linguistiques et méthodologiques précises. L’ouvrage présenté ici apporte une aide précieuse sur ces deux plans : il permet notamment aux jeunes chercheurs d’enrichir leur vocabulaire, notamment dans l’utilisation de verbes adaptés pour décrire les différentes activités liées à la recherche.
Pensé comme un outil pratique, ce guide s’adresse en priorité aux étudiants de master et de doctorat, toutes disciplines confondues – Francophones natifs ou étudiants non francophones de niveau avancé en français. Il constitue également une ressource pédagogique pertinente pour les enseignants qui dispensent des cours de français académique.
Les autrices sont toutes deux spécialistes de Sciences du langage ; Sylvie Garnier est enseignante-chercheuse de FLE, retraitée de l’Université de Chicago (Paris center) et Pauline HAAS est, pour sa part, enseignante-chercheuse en linguistique française à l’Université Sorbonne Paris-Nord. Il est important de souligner que ce nouvel ouvrage s’inscrit dans la continuité de deux livres précédents de la même collection, visant également le FOU (français sur objectifs universitaires) : Rédiger un texte académique en français (2018) de S. Garnier et A. Savage et Lexique raisonné du français académique (2020) de C. Fuchs et S. Garnier.
L’ouvrage est conçu de manière à rendre la consultation aisée, puisqu’il est organisé de façon non linéaire, permettant plusieurs modes d’entrée. Le lecteur peut accéder directement aux fiches correspondant à une activité spécifique du chercheur, aux verbes étudiés ou aux classes de noms mobilisées par ces verbes. Cette souplesse d’utilisation est possible grâce à la structure du livre, mais aussi à l’index des verbes et aux répertoires placés en annexe (notamment un « glossaire des notions »). L’ensemble est renforcé par la présence régulière de tableaux de consultation, à la fois clairs et efficaces.
L’ouvrage est structuré en trois parties. La première, d’ordre théorique, explicite les choix méthodologiques ayant présidé à l’élaboration du guide et en présente l’architecture générale. La deuxième constitue le cœur de l’ouvrage : elle regroupe douze fiches, correspondant aux principales « activités du chercheur », chacune illustrée par les verbes qui les caractérisent le plus (157 verbes décrits). La troisième partie complète la précédente en répertoriant les constructions verbales et les classes de noms associées aux verbes sélectionnés.
Dans la première partie, les autrices expliquent ce qui a orienté leur démarche. Il est tout particulièrement appréciable que leur analyse sémantique et syntaxique repose sur un corpus substantiel d’écrits en français produits après l’an 2000 : 62 thèses de doctorat, 36 mémoires de master et 50 articles scientifiques en SHS, analysés à l’aide de SketchEngine – un outil puissant pour les recherches linguistiques complexes (requêtes en CQL, Corpus Query Language). Ce recours témoigne d’un travail particulièrement rigoureux.
Les autrices ont par ailleurs choisi de s’appuyer sur un lexique académique « transversal », c’est-à-dire non spécifique à une seule discipline. Le corpus réunit ainsi des textes issus de champs variés : géographie, histoire, littérature, sciences du langage, science politique, sociologie, etc..
La sélection des verbes s’appuie sur deux critères principaux (p. 17) :
• un critère sémantico-syntaxique : seuls les verbes acceptant un agent humain (ou humain par métonymie) sont retenus ;
• des critères statistiques de fréquence.
Chaque verbe est associé à un « sens visé », correspondant à une activité de recherche spécifique. Certains verbes apparaissent donc à plusieurs reprises, selon les contextes. Ainsi, dans la fiche « Élaboration », on retrouve le verbe développer avec deux sens distincts : dans la sous-classe « Réalisation », développer-1 signifie « créer quelque chose » (Nous souhaitons développer une approche pragmatique des politiques publiques) ; tandis que dans la sous-classe « Approfondissement », développer-2 signifie « exposer en détail » (Nous développerons plus loin ces trois points) (p. 20).
Les constructions verbales retenues correspondent aux structures les plus fréquentes pour chaque sens visé. Il en va de même pour les types sémantiques de noms les plus compatibles avec les verbes étudiés.
La deuxième partie, centrale, est constituée de douze fiches, chacune dédiée à une activité spécifique du chercheur (par exemple : « Apport de preuves », « Comparaison », « Observation », etc.). Chaque fiche suit une structure identique : une définition de l’activité, éventuellement divisée en sous-classes et toujours illustrée par des exemples, puis la présentation des verbes les plus représentatifs de cette activité. Chaque verbe fait ensuite l’objet d’une analyse en trois volets :
(a) une définition précise,
(b) ses constructions syntaxiques principales,
(c) ses combinaisons lexicales les plus courantes
Chaque volet étant toujours accompagné d’exemples d’usage.
Enfin, une rubrique intitulée « Pour aller plus loin » enrichit cette description. Elle fournit des informations complémentaires sur la nominalisation du verbe, le ou les verbes supports associés, les tournures introductives (comme les verbes modaux), les adverbes pertinents et les verbes proches. Par exemple, pour le verbe étudier, on retrouve sa nominalisation « étude » accompagnée du verbe support mener (mener une étude sur quelque chose), des adverbes les plus appropriés (de manière approfondie, en détail, précisément), ainsi que des tournures introductives (chercher à, viser à). De petits encadrés très utiles présentent également des cas de quasi-synonymie, en précisant les différences d’emploi entre des verbes ayant un sens proche : étudier vs travailler sur vs traiter de, ou encore expliquer vs expliciter.
Chaque fiche se clôt par un tableau récapitulatif des compatibilités entre les verbes étudiés et certaines classes de noms, suivi d’exercices d’application dont les corrigés sont disponibles en ligne sur le site de l’éditeur. Cela permet une utilisation de ce manuel en toute autonomie.
La dernière partie constitue un complément important de la deuxième, en fournissant des « clés linguistiques » essentielles pour comprendre le fonctionnement des classes sémantiques de noms et des constructions syntaxiques associées aux verbes.
Dans un premier volet, on trouve une description de quinze classes sémantiques de noms, telles que :
• la classe [humain], qui regroupe des noms d’« humains produisant de la pensée et des idées dans le cadre d’une démarche scientifique ou intellectuelle » (auteur, chercheur, géographe, sociologue, etc., ou encore des noms propres renvoyant à des chercheurs) (p. 246) ;
• la classe [écrit scientifique], incluant des termes comme article, chapitre, compte rendu, essai, rapport, traduction, etc. (p. 246);
• la classe [démarche], qui renvoie « à une démarche, des actions, une méthode mises en place par le chercheur » (analyse, approche, description, protocole, etc.) (p. 247).
Les autrices attirent aussi l’attention sur certaines confusions possibles. Elles distinguent notamment les classes fonctionnelles, comme celle des « observables », des autres classes qui sont référentielles, en montrant que certains mots peuvent relever des deux types selon leur emploi : par exemple, le mot article peut désigner un simple référent (les revues sont constituées d’articles) ou avoir une « fonction d’observable » (dans ces articles, j’ai repéré…) (p. 254). De même, certains noms polysémiques peuvent appartenir à plusieurs classes selon le contexte : conception peut être rattaché à la classe [démarche] (la conception d’une grille d’analyse) ou à la classe [idée scientifique] (la conception holistique de la notion de bien-être).
La section syntaxique de cette troisième partie explicite clairement les principaux patrons syntaxiques du français, illustrés par des exemples variés. Là encore, des exercices permettent de consolider les connaissances acquises.
En définitive, cet ouvrage constitue un outil précieux pour les jeunes chercheurs souhaitant non seulement acquérir le lexique spécifique aux écrits de recherche, mais aussi affiner leur vocabulaire par une meilleure compréhension des nuances verbales, et maîtriser les combinatoires syntaxiques les plus fréquentes (N0 V N1). Il comble un réel manque dans l’offre éditoriale consacrée aux besoins linguistiques liés à la rédaction scientifique.

[Sonia GEROLIMICH]